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Le 22 canon du concile de Tours, en 566 ou 567, ordonne de chasser de l'église les chrétiens qui fètaient le 1er janvier en l'honneur de Janus 1. Il excommunie aussi ceux qui se livraient à de certaines pratiques de l'idolâtrie, contre lesquelles le clergé s'élevait sans cesse, mais qu'il ne put jamais abolir. Tels étaient le culte rendu aux arbres consacrés aux démons, et pour lesquels le peuple avait une telle vénération, qu'il n'osait en couper la moindre branche; l'adoration des pierres situées auprès des bois ou des ruines, et sur lesquelles il faisait des vœux et des oblations 2.

Les réjouissances qui avaient lieu au 1er janvier out surtout excité l'attention des conciles. Celui d'Auxerre, en 585, défendait expressément de fêter ce jour à la manière des païens, en se déguisant en vaches ou en cerfs, et en se donnant des étrennes diaboliques 3. Il s'élève aussi contre cette superstition d'après laquelle ce jour-là, à part les aliments, on n'osait rien donner ni prêter à son voisin, pas même du feu.

Le 9o canon du concile tenu à Rome, en 744, prononçait l'anathème contre ceux qui fètaient le premier jour de l'année à la manière des païens.

Le 79° canon du concile de Constantinople, en 692, fait défense « de donner des gâteaux à Noël, sous prétexte

1 Défenses renouvelées souvent, entre autres, au concile de Rome, en 744, 9 canon.

Les évêques ou les seigneurs qui souffraient de pareilles superstitions furent déclarés coupables de sacrilége, et excommuniés, par le 23 canon du concile d'Arles, en 443. Voy. concile de Nantes, en 658, canon 20o; concile de Tolède, en 693, canon 3o; concile de Francfort-surle-Mein, en 794, canon 43o.

3 Le concile désigne ainsi les viandes que chacun mettait sur des tables devant sa porte et dont il offrait aux passants.

des couches de la Vierge, qui n'a point été en couches, ayant enfanté d'une manière extraordinaire et ineffable.»>

Le 15 canon du concile de Narbonne, en 589, punit avec rigueur ceux qui fètaient le jeudi en l'honneur de Jupiter. Il ordonna que les chrétiens qui commettraient une pareille faute seraient mis en pénitence pendant un an, et condamnés à faire des aumônes, s'ils étaient de condition libre, et à être frappés de verges, s'ils étaient esclaves.

Les canons 62 à 65 du concile tenu à Constantinople, en 692, prescrivent de supprimer les jeux indécents qui se célébraient aux jours des calendes, les danses publiques de femmes, les déguisements d'hommes en femmes ou de femmes en hommes, l'usage des masques, et l'invocation de Bacchus pendant les vendanges; ils ordonnent en outre d'empêcher qu'on allume, aux nouvelles Junes, des feux devant les boutiques ou les maisons.

« Il n'est pas permis, dit le 5o canon du concile d'Auxerre, en 585, d'acquitter des vœux à des buissons, à des arbres ou à des fontaines, ou de faire des figures de pieds et d'hommes avec du linge. Mais si quelqu'un a fait un vou, qu'il l'accomplisse dans l'église, en donnant ce qu'il a voué aux pauvres inscrits sur la matricule. »

L'usage si païen des réjouissances matérielles devant ou dans les églises excita surtout l'attention des conciles.

En 533, le concile d'Orléans défendait, par son 12° ̧canon, d'accomplir les vœux que l'on aurait faits de chanter, de danser et de se livrer à la bonne chère dans les églises, « parce que, est-il dit, de tels vœux irritent Dieu plutôt qu'ils ne l'apaisent. »

Le dernier canon du concile tenu à Braga, en Galice, l'an 572, ordonne de mettre trois mois en pénitence

ceux qui auront fait des danses devant les églises. - Le ge canon du concile d'Auxerre, tenu en 585, prescrit « d'empêcher les laïques de danser dans l'église, d'y faire chanter des chansons à des filles, ou d'y donner des festins. >>

Le 19° canon du concile de Châlon-sur-Saône, en 650, défend, sous peine d'excommunication, aux femmes qui se trouvent à la dédicace des églises ou aux fêtes des martyrs, de danser dans l'enceinte et dans le parvis de l'église, d'y chanter des chansons déshonnêtes, au lieu de prier et d'écouter le clergé psalmodier.

Le concile de Tolède, en 589, défendait, par son 22o canon, de chanter des cantiques funèbres ou de se frapper la poitrine aux enterrements des chrétiens. On devait se contenter d'y chanter des psaumes.

Le concile d'Orléans, en 541, par ses 15° et 16° canons, prive de la communion de l'Eglise ceux qui, après avoir reçu le baptême, retournent à certaines pratiques de l'idolâtrie, comme de manger des viandes immolées en sacrifice, de jurer sur la tête des animaux, en invoquant les dieux des païens 1, etc.

Le 94° canon du concile de Constantinople, en 692, défendait, sous peine d'excommunication, de faire les mêmes serments que les païens.

Malgré des défenses souvent répétées 2, l'usage de consulter les aruspices subsista fort longtemps, et, jusqu'au

1 Voy. encore concile d'Orléans, en 533, canon 20e.

Le concile d'Irlande, tenu vers 451 ou 456, condamne, dans son 14o canon, à un an de pénitence ceux qui consultent les aruspices.

3 Claude, envoyé par Gontran pour faire sortir Eberulf de la basilique de Saint-Martin, « commença (en arrivant à Tours) à consulter les aruspices, selon la coutume des barbares.» Grégoire de Tours, 1. vi. Voy. encore concile de Compostelle, en 1056, canon 5o.

dit

treizième siècle, on vit les peup'es chercher à tirer un présage de ce qui se passait dans les airs. « En 1129, Mathieu Paris, parut en Normandie une innombrable quantité d'oiseaux, qui, volant par bandes et occupant un vaste espace, se mirent à se battre et à se déplumer horriblement; c'était probablement le présage du schisme futur qui allait partager l'Eglise entre deux prétendants au saint-siége.» (Voy. plus haut, p. 146.)

Une pratique qui rappelle la pièce d'argent que les païens mettaient dans la bouche des morts pour payer le batelier Caron, est celle qui consistait à donner l'eucharistie aux cadavres, ou au moins à l'enfermer avec eux dans les tombeaux. « C'était, a dit le P. Richarddans son ouvrage déjà cité; comme le prix que l'on payait pour le passage de l'âme d'ici- bas au ciel. » (Analyse des conc., t. 1, p. 654). - Les Eglises d'Orient et d'Occident la défendirent également 1. Le 6o canon du concile de Carthage, en 397, entre autres, la proscrivit, sur ce que Jésus-Christ avait dit: Prenez el mangez, et qu'il était impossible aux cadavres de prendre ou de manger. D'ailleurs, en tolérant cet usage, on craignait que l'on ne s'avisât de baptiser les morts 2.

« Une si grande stupidité a déjà envahi le mondė,

1 Voy. concile d'Hippone, en 397, 5o canon; concile d'Auxerre, en 585, 12o canon; concile de Constantinople, en 692, 85o canon.

2 Voici encore quelques superstitions mentionnées par les conciles. Le 34 canon du concile d'Espagne, tenu à Elvire vers l'an 303, défend d'allumer des cierges, en plein jour, dans les cimetières, parce que, dit-il, « il ne faut pas inquiéter les esprits des saints, » explication qui, soit dit en passant, a fort embarrassé les commentateurs. Le concile prononce en même temps la peine de l'excommunication contre ceux qu exfreindraient cette défense. Le 35o canon du concile de Laodicée, en 364, est conçu en ces termes : « Il ne faut pas que les chrétiens quitten

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s'écrie amèrement l'un des esprits les plus éclairés du neuvième siècle, Agobard, que maintenant les chrétiens ajoutent foi à des choses dont l'absurdité aurait révolté les païens ignorant le vrai Dieu. » Il raconte que, de son temps, le peuple croyait à l'existence dans les nuages d'une contrée nommée Magonie, où arrivaient des navires apportant les fruits abattus ici-bas par la grêle et les tempêtes. Les habitants de ce pays, appelés Tempestaires (Tempestarii), achetaient les fruits aux hommes montés sur ces navires merveilleux. « J'ai vu, dit Agobard, des hommes tellement aveuglés par la sottise, qu'ils amenèrent un jour devant moi, comme tombés de ces navires, trois hommes et une femme; on les avait retenus plusieurs jours en prison, et on les conduisit en ma présence comme méritant d'être lapidés. » Ce ne fut qu'après de longs efforts qu'Agobard parvint à arracher ces malheureux au supplice qui les menaçait 1.

L'emploi des remèdes superstitieux pour préserver les bestiaux de maladies fat sévèrement prohibé par divers conciles, entre autres, par celui de Rouen, en 878. Ces remèdes consistaient la plupart du temps à faire prononcer par des pâtres et des chasseurs des vers mystérieux sur des herbes et des amulettes, que l'on cachait dans un arbre ou que l'on jetait sur les carrefours des routes. Le concile de Londres, en 1073, défendait de suspendre en certains lieux des os de bêtes, dans le but d'éloigner les épizooties.

l'église de Dieu pour aller invoquer des anges et tenir des assemblées défendues. Si donc on trouve quelqu'un attaché à cette idolatrie cachée,' qu'il soit anathème, parce qu'il a laissé Notre-Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu, pour s'abandonner à l'idolâtrie. »>

1 Opera Agobardi, 1666, in-8, p. 147 et 164, Liber de Grandine.

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