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reliques. Les reliques, en effet, surtout lorsqu'elles appartenaient à quelque saint en renom, étaient non-seulement pour les églises et les couvents, mais encore pour les villes une source inépuisable de richesses. Aussi se multiplièrent-elles à tel point, que des églises de pays fort éloignés se vantant de posséder les mêmes, leurs prétentions donnèrent lieu jusqu'au dernier siècle à des querelles fort instructives pour le public 1. On trouve à ce sujet un passage assez curieux dans le Ier livre des Gesta Dei per Francos, de Guibert de Nogent. Cet écrivain, après avoir rapporté que l'empereur grec, Alexis Comnène, pour attirer les guerriers latins à Constantinople, se vantait d'avoir chez lui la ftête du bienheureux Jean-Baptiste, laquelle, disait-il, était encore recouverte de peau et de cheveux, et ressemblait à une tête de vivant, ajoute: «Si cette assertion était vraie, il faudrait donc demander aux moines de Saint-Jean-d'Angely quel est le Jean-Baptiste dont ils se vantent aussi d'avoir la tête, puisqu'il est certain, d'une part, qu'il n'a existé qu'un Jean-Baptiste; et, d'autre part, qu'on ne saurait dire sans crime qu'un seul homme ait pu avoir deux têtes. A cette occasion, je crois devoir signaler une erreur pernicieuse et fort répandue, principalement dans les églises de France, au sujet des corps des saints. Tandis

1 « Ce n'est point sous le christianisme, dit Bayle, que les hommes ont commencé de se quereller sur la possession d'une relique; car, lorsque l'on commença à s'attribuer en divers lieux la possession du saint suaire ou du chef de saint Jean-Baptiste, il y avait très-longtemps que plusieurs villes païennes avaient disputé sur la possession du simulacre de la Diane Taurique. Les Lacédémoniens prétendaient l'avoir; les Athéniens soutenaient qu'Iphigénie l'avait laissé dans leur pays; les habitants du Pont, ceux de Cappadoce, ceux de Lydie, s'entre-disputaient cette relique.» (Art. COMANE, note A.)

que les uns se vantent de posséder le corps d'un martyr; d'autres prétendent avoir aussi ce même corps ; et cependant un corps entier ne saurait être en deux endroits à la fois. Ces prétentions contradictoires viennent toujours du fort que l'on a de ne pas laisser les saints jouir en paix du repos qui leur est dû dans une tombe immuable. Je suis bien persuadé que c'est uniquement par un senti= ment de piété qu'on est dans l'usage de recouvrir leurs corps d'argent et d'or; mais l'étalage que l'on fait de leurs ossements, et l'habitude où l'on est de colporter leurs cercueils pour ramasser de l'argent, sont des preuves trop certaines d'une coupable avidité; et ces inconvénients n'existeraient pas si l'on avait soin, ainsi qu'il fut fait pour le sépulcre du Seigneur Jésus, de sceller solidement les tombeaux qui renferment les corps des saints 1. »

Les conciles essayèrent quelquefois, mais en vain, de remédier aux abus signalés par Guibert de Nogent. Ainsi le 12a canon du concile de Poitiers, en 1100, défendit

d'admettre à prêcher ceux qui portaient des reliques de ville en ville pour gagner de l'argent. » Le 62o canon du concile de Latran, en 1215, portait défense de montrer, hors de leurs châsses les anciennes reliques, et de rendre à celles que l'on trouvait aucun hommage public sans approbation du pape 2.

Un catalogue exact des mêmes reliques honorées dans les églises et les monastères donnerait de plaisants résultats, dont on se fera une idée par le tableau suivant, que nous aurions facilement allongé beaucoup.

↑ Gesta Dei per Francos, l. 1, collection Guizot, 1. IX, p. 35. 2 Voy. encore concile de Mayence en 813, can. 31.

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Parmi d'autres reliques, plus ridicules les unes que les autres, nous citerons un morceau de la chair grillée de saint Laurent, les cornes de Moïse (Rome, église SaintMarcel); le han ou soupir que poussait saint Joseph lorsqu'il fendait du bois ( à Courchiverny, près Blois); du lait de la Vierge, et d'une foule d'autres saintes; des lar

1 << Il n'y a si petite villette, ni si méchant couvent, soit de moines, soit de nonnains, où l'on ne montre du lait de la sainte Vierge, les uns plus, les autres moins. Tant il y a que si la sainte Vierge eût été une vache, ou qu'elle eût été nourrice toute sa vie, à grande peine en eut-elle pu rendre une si grande quantité. » Calvin, Traité des reliques.

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mes de Jésus-Christ (Vendôme et Amiens) 1; ses lettres, ses différents portraits, les empreintes de ses pieds ou de ses fesses, ses sept prépuces, etc.; le membre viril de saint Barthélemy (à Trèves); les parties sexuelles de sainte Gudule (à Augsbourg); des plumes de l'ange Gabriel, de l'archange saint Michel (Mont-Saint-Michel), etc. 2.

Les reliques les plus curieuses sont celles qui sont descendues directement du ciel; car le paradis ne s'est pas montré plus avare que l'Olympe. On trouve dans quelques chroniqueurs, et surtout dans Mathieu Paris, des mentions assez fréquentes de la correspondance que Dieu, son fils, la Vierge ou les saints daignaient entretenir avec les hommes. «En 1109, raconte l'historien anglais, on parlait beaucoup d'une lettre fameuse tombée, disait-on, du ciel, entre les mains d'un prélat, tandis qu'il célébrait et qui avait pour but de modérer les inquiétudes toujours croissantes des Romains. » Cette lettre, qui ne contenait qu'une prophétie rédigée dans le style des prophéties de Merlin, est reproduite par le même chroniqueur à l'année 1226, où illa donne comme ayant été trouvée dans le psautier d'un ermite, à la place du psaume Exurgal Deus 3.

la messe,

«En 1200, on aperçut à Jérusalem une lettre venue du ciel au-dessus de l'autel de saint Siméon, au Golgotha.

1 Voy. Histoire véritable de la sainte larme que Jésus-Christ pleura sur Lazare; comme et par qui elle fut apportée au monastère de la SainteTrinité de Vendôme, 1672, in-48; et Dissertation sur la sainte larme de Vendôme, par J.-B. Thiers, Amsterdam, 1751, in-12.

2 Voy. pour plus de détails, outre l'ouvrage déjà cité de M. Collin de Plancy, le Traité des reliques de Calvin, l'Apologie pour Hérodote de Henri Estienne, avec les notes de Leduchat, la Confession du sieur de Sancy, par d'Aubigné, le Voyage en Italie de Misson, etc.

3 Mathieu Paris, années 1109 et 1226.

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