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le dix-septième siècle, et bien peu d'années se passèrent sans que des malheureux ne fussent envoyés pour ce crime prétendu à l'échafaud ou à la potence1. Ces horreurs se renouvelèrent en partie pendant la première moitié du dixhuitième siècle 2. Ainsi, les années 1705, 1712 et 1722, furent marquées par des exécutions de ce genre. En 1786, une servante fut brûlée en Irlande, pays où les lois contre les sorciers ne furent abrogées qu'en 1821 3.

Ces croyances superstitieuses, qui coûtèrent la vie à tant de milliers d'hommes, étaient entretenues par une foule de livres, publiés sur ces matières, dans les différentes parties de l'Europe.

En 1599, un jésuite flamand, Martin Antoine Delrio, publia Disquisitionum magicarum libri sex, Louvain, in-4, ouvrage qu'André Duchesne traduisit et abrégea en français, Paris, 1611, in-4, et 2 vol. in-8.

On connaît de Henri Boguet, grand juge de la terre de Saint-Claude, un ouvrage intitulé : Discours des sorciers, tiré de quelques procès, avec une instruction pour un juge en fait de sorcellerie. Ce livre, qui, de 1602 à 1610, eut dix éditions, et où l'auteur montre un fanatisme égal à sa crédulité, devint fort rare, parce que la famille de Bognet en fit détruire tous les exemplaires qu'elle put se procurer.

1 Un médecin anglais, Browne, auteur d'un livre sur les erreurs populaires, fut témoin à charge dans une affaire de sorcellerie, et signa, en 1664, une attestation par laquelle il reconnaissait l'existence des sorciers. 2 Ce fut pour démontrer l'absurdité de pareils procès que Francis Hutchinson publia, en 1718, un Essai historique sur le sortilège.

3 Les journaux de Paris du mois de décembre 1818 citent, d'après la Gazelle de la Barbade, un arrêté de l'assembléc législative de cette fle, qui prononce la peine de mort ou de la déportation contre les noirs qui ont recours à la magie.

Pierre de Lanere, conseiller au parlement de Bordeaux (mort en 1630), délégué dans le Labourd pour instruire des procès de sorcellerie, envoya au supplice plusieurs centaines d'individus qui avouaient soit d'eux-mêmes, soit par les tortures, avoir assisté au sabbat; il a publié : 1° le Tableau de l'inconstance des mauvais anges et démons, Paris, 1613, in-4, ouvrage rare et recherché, surtout à cause de la gravure représentant le sabbat et les cérémonies qui s'y pratiquaient; 2o l'Incrédulité et mescréance du sortilége pleinement convaincue, où il est traité de la fascination, de l'attouchement, etc., Paris, 1622, in-4. Cotton Mather, théologien anglican, né à Boston, mort en 1728, fit paraître les Merveilles du monde invisible, Boston et Londres, 1693, in-4, dans le but d'établir l'existence des sorciers et leur funeste influence sur les météores.

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Un littérateur italien du dernier siècle, Jérôme Tartarotti, mort en 1764, publia en 1749, iu-4, un ouvrage où, tout en démontrant l'impossibilité du sabbat, proclamait la réalité de la magie. Son livre intitulé : Del Congresso notturno delle Lammie, con due Dissertazioni sopra l'arte magica, Roveredo, 1749, in-4, donna lieu à une vive controverse, à laquelle prirent part quatorze écrivains italiens, les uns attaquant, les autres soutenant l'existence et l'intervention du démon dans les choses de ce monde 1. Parmi les opinions singulières émises à ce sujet, nous citerons celle du marquis Maffei, qui avouait que la magie avait pu exister avant JésusChrist, mais qu'on ne pouvait plus en admettre la possibilité depuis la rédemption 2.

1 Quatre seulement, entre autres Carli, se prononcèrent pour la négative. Voy. Magia annichilata. Vérone, 1754, in-4.

Le dernier ou l'un des derniers écrivains, qui, en France, aient cru à la réalité de la magie, est un certain abbé dijonnais, nommé J.-B. Fiard, mort en 1818, à l'àge de 82 ans. Intimement convaincu qu'il y avait des esprits infernaux, et que les hommes pouvaient se mettre en communication avec eux, il trouva fort commode d'attribuer aux magiciens tous les faits qui lui paraissaient sortir de l'ordre naturel. Dès 1775, il tonna contre ces hommes pervers dans cinq lettres qu'il reproduisit, sous le titre de Lettres magiques (Paris, 1791, in-8) 1, à une époque dont les événements lui semblaient l'œuvre du démon. Cinq ans plus tard, dominé par une idée fixe qui semble l'avoir poursuivi jusqu'à la mort, il publia : 4° une Instruction sur les sorciers (1796, in-8), qu'il eut la constance de reproduire en 1815, in-8, sous le titre de le Secret de l'état et le dernier cri du vrai patriote; 2o la France trompée par les magiciens et les démonolâtres du dix-huitième siècle, FAIT démontré par des faits, Dijon, 1803, in-8. On doit se féliciter que l'abbé Fiard ne soit pas né un ou deux siècles plus tôt. Sa monomanie aurait coûté la vie à bien des malheureux 2.

1 Ces lettres furent réimprimées en 1797, puis en 1803, in-8, sous le titre de Lettres philosophiques sur la magie.

2 Aux ouvrages déjà cités ajoutons le suivant: Démonologie, ou Traité des démons el sorciers, de leur puissance et impuissance, par F. Perreaud, Genève, 1653. On y trouve à la suite: L'Antidémon de Mascon, ou Histoire particulière de ce qu'un démon a fait et dit à Mascon il y a quelques années, dans la maison du sieur Perreaud, résidant pour lors en ladite ville, opposée à plusieurs fausselés qui en ont couru. Perrcaud était un ministre protestant. On trouvera une liste fort complète d'ouvrages relatifs à la magie et aux sorciers dans la Bibliotheca magica et pneumatica, par Graessel, Leipzig, 1843, in-8.

DES SAINTS ET DES RELIQUES.

Le culte rendu non pas par l'Eglise, mais par le peuple, aux anges ou aux saints, on l'a dit il y a longtemps, diffère bien peu, si même il en diffère, du culte que les païens rendaient à quelques-unes de leurs divinités, et entre autres aux demi-dieux et aux héros1.

Pour quiconque a un peu étudié l'antiquité et le moyen âge, cette identité, nous le croyons, ne peut faire l'ombre d'un doute; et même, quand les faits ne viendraient pas le prouver surabondamment, n'est-il pas évident à priori que le temps seul et les lumières peuvent déraciner les idées superstitieuses chez des masses ignorantes habituées, par une longue tradition, invoquer une divinité

spéciale dans chacune de leurs misères. Sainte Marguerite dans les accouchements, saint Nicolas dans les tempêtes, furent invoqués avec autant de succès que Lucine et Neptune. Diane, Bacchus, Esculape, Cérès, Minerve, Priape, furent remplacés avantageusement par saint Hubert, saint Vincent, saint Cosme, saint Gengoul, sainte Catherine et saint Fiacre. A chaque dieu de l'Olympe fut substitué un habitant du paradis, jouissant du même pouvoir que son prédécesseur sur les éléments, les animaux, les maladies, les esprits infernaux, etc. Les pratiques les plus licencieuses du paganisme se retrouvent même dans le culte de saint Guignolet, de saint Guerlichon, de saint

1 Voy., entre autres, sur ce sujet, Middleton, Lettre sur Rome, où est démontrée l'exacle conformité du papisme et du paganisme, ou la Religion des Romains d'aujourd'hui dérivant de celle de leurs ancêtres païens, 1729, et les différents ouvrages de Collins et de Tindal.

Renaud, etc., dont les statues, aussi difformes que celles de Priape, avaient la vertu de rendre les femmes fécondes1.

Le ciel dépeuplé par le christianisme, ne resta pas longtemps sans habitants. Car rien n'égala la facilité avec laquelle les chrétiens honoraient des saints ou des martyrs. Déjà, à la fin du quatrième siècle, on avait senti la nécessité de diminuer autant que possible ces apothéoses que rien ne justifiait. « Pour éviter les superstitions, est-il dit dans le 14° des canons attribués au cinquième concile de Carthage, les évêques détruirent les autels élevés dans les campagnes et sur les chemins, en commémoration des martyrs, à moins qu'il n'y ait là effectivement un corps ou des reliques. En général, ils ne devront tolérer aucune chapelle sous le nom d'un martyr, à moins d'être certains que cette chapelle renferme quelques reliques de lui, qu'il y ait séjourné ou qu'il y ait souffert; et ils rejetteront rigoureusement les autels élevés sans preuves certaines, d'après des songes ou de prétendues révélations. >>

L'un des canons du concile de Constantinople, en 692, prescrivait « de brûler les fausses histoires des martyrs, composées par les ennemis de l'Eglise au déshonneur de Dieu et de la religion. » Nous ne savons si ce décret fut exécuté, mais en tout cas, d'après les histoires de saints qui nous restent, on peut juger de celles qui ont été détruites.

Le concile tenu à Leptines, en 743, donne, dans son

1 Voy. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. 1. p. 195 et 229; — Harmand de la Meuse, Anecdotes relatives à la révolution, p. 118; — Ledu~ chat, note au chap. 58 de l'Apologie pour Hérodole, et Collin de Plancy, Dictionnaire des reliques, passim.

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