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complétait les six ans qui lui avaient été promis, et que par conséquent il avait tort de se plaindre; sur quoi, Sixte confus, et qui n'avait rien à répondre, demeura muet, et, s'étant tourné vers la ruelle de son lit, se prépara à la mort au milieu des agitations terribles que lui causaient les remords de sa conscience. Au reste, je ne donne ce trait que comme un bruit répandu par les Espagnols, et je serais très-fâché d'en garantir la vérité 1. »

En Angleterre, les peines les plus sévères furent portées contre les sorciers par Henri VIII, en 1541, par Elisabeth, en 1562, et surtout par Jacques Ier. Pour donner une idée du fanatisme de ce dernier qui fit une fois poursuivre les membres d'une cour de justice dont le crime était d'avoir prononcé un acquittement dans une accusation de sorcellerie, nous citerons le passage suivant de sa Démonologie.

«P. Pour terminer notre conférence, car il se fait tard, quelle punition méritent, selon vous, les magiciens et les sorcières? Je vois que vous les regardez comme également coupables.

«E. (le roi.) Il faut les mettre à mort, suivant la loi de Dieu, la loi civile et impériale et la loi municipale de toutes les nations chrétiennes.

« P. Mais quelle sorte de mort doit terminer leur vie?

« E. C'est ordinairement le feu; mais le supplice peut être infligé indifféremment d'après l'usage de telle ou telle contrée.

« P. Mais doit-on avoir égard à l'âge, au sexe et au sang?

Ilistoire universelle, traduct. française, t. x1, p. 794-795.

«E. Nullement. >>

Les casuistes eux-mêmes se sont occupés des sorciers, et Pascal n'a pas manqué de relever l'étrange doctrine qu'ils ont émise à ce sujet. Voici ce qu'on lit dans la VIII* provinciale. « Le Père me dit: Un homme qui se mêle de deviner est-il obligé de rendre l'argent qu'il a gagné par cel exercice?... Je vois bien que vous ne trouveriez jamais celle-ci de vous-même. Voyez donc résoudre cette difficulté-là à Sanchez; mais aussi c'est Sanchez1: Premièrement, il distingue en sa Som. l. 11, c. 38, n. 94, 95 et 96, si ce devin ne s'est servi que de l'astrologie, et des autres moyens naturels ; ou s'il a employé l'art diabolique. Car il dit qu'il est obligé de restituer en un cas, et non pas en l'autre. Diriez-vous bien maintenant auquel? Il n'y a pas là de difficulté, lui dis-je. Je vois bien, répliqua-t-il, ce que vous voulez dire. Vous croyez qu'il doit restituer au cas qu'il se soit servi de l'entremise des démons. Mais vous n'y entendez rien : c'est tout au contraire. Voici la résolution de Sanchez au même lieu : Si ce devin n'a pris la peine et le soin de savoir par le moyen du diable ce qui ne se pouvoit savoir autrement : Si nullam operam apposuit, ut arte diaboli id sciret, il faut qu'il restitue; mais s'il en a pris la peine, il n'y est point obligé.- Et d'où vient cela, mon Père? - Ne l'entendez-vous pas ? me dit-il. C'est parce qu'on peut bien deviner par l'art du diable, au lieu que l'astrologie est un moyen faux. Mais, mon Père, si le diable ne répond pas la vérité, car il n'est guère plus véritable que l'astrologie, il faudra donc que le devia restitue par la même raison? - Non pas toujours, me dit-il. Distinguo, dit Sanchez sur cela. Car si le devin est ignorant en l'art diabolique,

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Ce célèbre casuiste espagnol mourut en 1610.

si sit artis diabolicæ ignarus, il est obligé de restituer : mais s'il est habile sorcier, et qu'il ait fait ce qui est en lui pour savoir la vérité, il n'y est point obligé : car alors la diligence d'un tel sorcier peut être estimée pour de l'argent: diligentia a mago apposita est pretio æstimabilis. Cela est de bon seus, mon Père, lui dis-je. car voilà le moyen d'engager les sorciers à se rendre savants et experts en leur art par l'espérance de gagner du bien légitimement selon vos maximes, en servant fidèlement le public. »

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Au dix-septième siècle et même dans la première moitié du dix-huitième, les sorciers n'avaient pas encore trouvé d'onguent pour la brûlure. Voici quelques faits qui concernent la France.

On connaît l'histoire du malheureux curé provençal Gaurffidi qui, ayant séduit plusieurs femmes et entre autres une religieuse Madeleine de Mandols, fut accusé par celle-ci de l'avoir ensorcelée. Traduit en justice, on lui fit avouer qu'il était sorcier, qu'il avait, par le moyen de son souffle et de plusieurs autres enchantements, corrompu cette femme et d'autres qu'il nomma; on parvint même à le faire parler du sabbat dont il fit une longue description. D'après ces aveux, le parlement d'Aix le condamna, le 30 avril 1611, à être brûlé vif, comme coupable de magie, sorcellerie, impiété et lubricité abominables, sentence qui reçut immédiatement son exécution 1.

Cette horrible affaire donna lieu à une aventure assez plaisante racontée en ces termes par l'abbé Papon.

1 Voy. l'Histoire admirable de la possession et conversion d'une pénitente séduite par un magicien, par le R. P. Sébastien Michaelis, Paris, 4613, in-8. L'arrêt y est rapporté.

« Le procès, dit-il, contenait beaucoup de dépositions sur le pouvoir des démons. Plusieurs témoins assuraient qu'après s'être frotté d'une huile magique, Gauffridi se transportait au sabbat et revenait ensuite dans la chambre par le tuyau de la cheminée. Un jour qu'on lisait cette procédure au parlement, et que l'imagination des juges était affectée par le long récit de ces événements surnaturels, on entend dans la cheminée un bruit extraordinaire, qui se termine tout à coup par l'apparition d'un grand homme noir, qui secoue la tête. Les juges crurent que c'était le diable qui venait délivrer son élève; et ils s'enfuirent tous, à l'exception du conseiller Thoron, rapporteur, qui, se trouvant malheureusement embarrassé dans le bureau, ne put les suivre. Effrayé de ce qu'il voyait, le corps tremblant, les yeux égarés, et faisant beaucoup de signes de croix, il porte à son tour l'effroi dans l'âme du prétendu démon, qui ne savait d'où venait le trouble du magistrat. Revenu de son embarras, il se fit connaître : c'était un ramoneur qui, après avoir ramoné la cheminée de MM. des Comptes, dont le tuyau joignait celle de la Tournelle, s'était mépris, et était descendu dans la chambre du parlement 1. »

Le dominicain F. Simard, né à Besançon vers 1620, envoyé vers 1645 comme inquisiteur général dans les comtés de Bourgogne, déploya tant de rigueur et d'acharnement contre les personnes accusées de magie, que les magistrats de Besançon parvinrent à le faire rappeler.

Ce fut au moyen d'une accusation de sorcellerie, que les jésuites parvinrent à faire bannir de Lorraine, en 1628, le jurisconsulte Blaise Jaquot, qui, en sa qualité de doyen

Histoire générale de Provence, 1786, in-4, t. iv, p. 450.

de l'université de Pont-à-Mousson, avait fait fermer leurs écoles de philosophie, et les avait forcés de se restreindre à l'étude du latin 1.

Au mois d'avril 1634, deux sorciers, nommés Adrien Bouchard et Gargan, furent brûlés à Paris ; et quelques mois plus tard, le célèbre Urbain Grandier subit le même supplice à Loudun, comme « atteint et convaincu du crime de magie, maléfice et possession, arrivés par son fait és personnes d'aucunes religieuses ursulines et autres séculières 2. »

En 1640, dans la baronnie de Belvoir en Franche-Comté, une femme nommée Cathin, ayant avoué qu'elle était sorcière, qu'elle allait au sabbat sans toutefois bouger du lit où elle était couchée, etc., fut condamnée au feu. Les pièces fort curieuses de ce procès ont été publiées par Perreciot, dans le livre intitulé: De l'Etat civil des personnes dans les Gaules, 1786, 2 vol. in-4 3.

En 1670, au moment où il était question de modifier la législation relative aux accusations de magie, le parlement supplia Louis XIV de permettre aux tribunaux de continuer l'instruction des procès pour sortilége. Malgré ces remontrances, en 1672, l'ancienne jurisprudence sur ce sujet fut complétement abolie. Ce fut la France qui donna l'exemple au reste de l'Europe.

Les supplices pour crime de sorcellerie furent trèsnombreux en Angleterre et en Allemagne, pendant tout

1 Voy. Biographie Michaud, art. Jaquot, t. xxi, p. 405.

2 Ce sont les termes de l'arrêt. Voy. Histoire des diables de Loudun, par Aubin, Amsterdam, 1746, in-12; et Examen et discussion critique de l'histoire des diables de Loudun, par de la Menardaye, Paris, 1747, in-1 2. Ce dernier auteur croit fermement à la possession des religieuses. 3 Voy. t. 11, p. 480-547, pièce no 150.

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