Imágenes de página
PDF
ePub

Je baiffois devant toi mon front refpectueux:
Aux pieds de tes autels je portois tous mes vœux.
A mes côtés pourquoi plaçois-tu mon amante?
Pourquoi dans ces déferts me l'offrois-tu mourante?
Puis-je, puis-je oublier fes regards expirans,
Sa main qui me ferroit, & fes tendres accens,
Ces mots entrecoupés, encor pleins de fa flamme,
Que fa voix défaillante a gravés dans mon ame?
Arbitre de mon fort, ah! c'eft affez punir;
Dans le même tombeau daigne au moins nous unir.
Sauve de fa foiblesse, épargne à ta vengeance,
Un cœur qui te chérit, & pourtant qui t'offenfe.
La mort, que je verrai d'un œil fi fatisfait,
Sera le premier don que mon Dieu m'aura fait.
Tels font mes vœux, mes pleurs,mes plaintes inutiles,
Et le trépas pour moi femble fuir ces afyles.
Es-tu content, mon pere? A mon feul fouvenir,
Combien, au fond du cœur, ne dois-tu pas frémir?
A ces horribles traits faut-il te reconnoître?
Je devrois te haïr : c'est toi qui m'as fait naître.
Ton nom feul me confterne & me remplit d'effroi :
Mes pleurs depuis vingt ans dépofent contre toi.
O toi, par le devoir à fes deftins unie,
Fais-lui, pour me venger, l'hiftoire de ma vie.
Qu'il frémiffe à fon tour: porte au fond de fon cœur
L'accent de mes regrets, le cri de ma douleur.

D'un

D'un fils tendre & foumis perfécuteur févere,
Bourreau d'Adélaïde, eft-il encor mon pere?
Non! de fa main barbare il a brifé nos nœuds.
Puiffé-je tranfporter ce cercueil fous fes yeux !
Puiffent ces noirs tableaux l'environner fans ceffe,
Et le malheur d'un fils tourmenter fa vieilleffe!

Qu'ai-je dit?.. ah!.. pardonne à mon égarement,
Ces coupables tranfports, ces fureurs d'un amant.
Malgré fa cruauté, je fens que je l'honore;
Il ne m'aima jamais, & moi je l'aime encore.
Dérobe-lui mes maux, confiés à ta foi:

S'il peut te confoler, il est un dieu pour moi.
O penfée accablante! ô comble de mifere!
J'ai donc perdu le droit de confòler ma mere!...
Un devoir redoutable enchaîné ici mon fort,
Et m'attache vivant aux horreurs de la mort!
Ma tendre mere !.. ah Dieu! c'en eft fait..je fuccombe..
Chere amante, eft-ce toi qui fouleves ta tombe?...
Elle s'ouvre ! c'eft toi...Je te fuis... Je me meurs...
Que le trépas eft doux après tant de malheurs !

ไคเคี

Tome I,

D

LET TRE

DE PHILOMELE

A PROGNÉ.

CHERE Progné, fans doute on a pleuré ma mort.

Lis, reconnois ces traits, ils contiennent mon fort.
Reconnois en tremblant ta fœur infortunée
Loin de l'œil des humains, par un monftre enchaînée.
Je vis pour me venger; oui, ce cruel espoir

Me fait chérir le jour, que je n'ofois plus voir.
Quand pourrai-je franchir te lieu qui nous fépare,
De mes fanglantes mains déchirer un barbare!...
Pardonne à ce transport, & du fond des déferts,
Puiffent mes cris plaintifs armer tout l'univers !

Je frémis... malheureufe! ah! que vais-je te dire? De mon opprobre, hélas ! est-ce à moi de t'instruire? Ces traits, chere Progné, par mes pleurs effacés," Ces mots interrompus devroient t'en dire affez. Mais non. Il faut parler & bannir l'artifice : Victime d'un forfait, je n'en fuis point complice. Il faut qu'au monde entier un trop jufte courroux Dévoile l'attentat de ton horrible époux.

Rappelle-toi ce tems, fi cher à ma tendreffe, Où, pour te plaire, il vint me chercher dans la Grece. Je parois à fes yeux, il fe trouble, & foudain Le plus coupable feu s'allume dans fon fein. Pour håter mon départ, il gémit, il foupire. Qu'un cœur eft éloquent lorfque l'amour l'infpire! Si fon empreffement le trahit quelquefois, C'eft Progné, me dit-il, qui parle par ma voix. Ces pleurs que je répands, charmante Philomele, Ces pleurs & ces foupirs font ordonnés par elle. Crédule, n'ofant rien foupconner de fa foi, J'imputois fes efforts à son amour pour toi. Et, me précipitant dans les bras de mon pere, A ces perfides foins je joignois ma priere. Vieillard infortuné, qu'aveuglerent les dieux, Tu caufas tous mes maux, croyant combler mes vœux. "Puifque vous le voulez, je cede, cher Thérée,

[ocr errors]

Lui dit-il : par les nœuds d'une amitié facrée,

30 Par les dieux immortels, par nos embraffemens,

כל

Ayez foin de ma fille, & gardez vos fermens.

» Vous favez, vous voyez combien elle m'eft chere;

رو

Ah! rendez-la bientôt aux alarmes d'un pere.

» Que l'un de mes enfans, en me fermant les yeux, » Reçoive au moins mon ame & mes derniers adieux! En prononçant ces mots, préfens à ma pensée, Dans fes bras languiffans il me tenoit preffée.

Je baiffois devant toi mon front refpectueux:
Aux pieds de tes autels je portois tous mes vœux.
A mes côtés pourquoi plaçois-tu mon amante?
Pourquoi dans ces déferts me l'offrois-tu mourante?
Puis-je, puis-je oublier fes regards expirans,
Sa main qui me ferroit, & fes tendres accens,
Ces mots entrecoupés, encor pleins de fa flamme,
Que fa voix défaillante a gravés dans mon ame?
Arbitre de mon fort, ah! c'eft affez punir;
Dans le même tombeau daigne au moins nous unir.
Sauve de fa foiblesse, épargne à ta vengeance,
Un cœur qui te chérit, & pourtant qui t'offenfe.
La mort, que je verrai d'un œil fi fatisfait,
Sera le premier don que mon Dieu m'aura fait.
Tels font mes vœux, mes pleurs, mes plaintes inutiles,
Et le trépas pour moi femble fuir ces afyles.
Es-tu content, mon pere? A mon feul fouvenir,
Combien, au fond du cœur, ne dois-tu pas frémir?
A ces horribles traits faut-il te reconnoître ?
Je devrois te haïr : c'est toi qui m'as fait naître.
Ton nom feul me confterne & me remplit d'effroi :
Mes pleurs depuis vingt ans dépofent contre toi.
O toi, par le devoir à fes destins unie,
Fais-lui, pour me venger, l'histoire de ma vie.
Qu'il frémiffe à fon tour: porte au fond de fon cœur
L'accent de mes regrets, le cri de ma douleur.

D'un

« AnteriorContinuar »