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fante que l'homme né fenfible & fuperbe ne fauroit dédaigner; mais il faut la traiter comme ces maîtreffes capricieufes & coquettes, don't on n'obtient les faveurs qu'en paroiffant ne les pas trop defirer. Ce que la poéfie a de réel pour un philofophe, c'eft qu'elle nourrit la fenfibilité, étend l'imagination, & fixe pour quelques inftans une ame qui s'évite, & un efprit qui fe redoute: c'est que dans ces momens, où tout eft fombre autour de nous, elle devient un prifme heureux qui colore & embellit l'univers: c'est qu'elle nous aide enfin à charmer l'ennui, qui eft, après le crime, le plus horrible fléau de l'humanité.

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L'HIVER ceffoit d'attrister la nature,
L'oifeau déjà chantoit fous la verdure,
Et méditoit de nouvelles ardeurs ;
L'air exhaloit les plus douces odeurs.
Sur l'univers l'amour battant des ailes,
De fon flambeau femoit les étincelles;
Arrondiffant la voûte des berceaux,
De frais jafmins enlaçoit leurs rameaux;
Rioit de voir la rêveufe Egérie,
En foupirant errer dans la prairie,
Cueillir des fleurs, &, le fein agité,
Sans le favoir, chercher la volupté,
Dans ces inftans que faire dans les villes ?
J'abandonnai nos faftueux afyles

Et m'envolai vers ces fimples réduits,
Voifins des lieux habités par Zelmis.
O nom facré que je redis fans ceffe!
O nom fi beau de ma belle maîtreffe!
Toi qui me peins des fouvenirs fi chers,
A tout moment, reviens orner mes vers.

Je n'allois point porter dans ma retraite
D'un cœur ufé la froideur inquiete;
Ces froids dégoûts & ces longs repentirs,
Prefque toujours nés du fein des plaifirs;
Des fens perdus, un efprit fans foupleffe,
Un foible corps, vieilli par la molleffe,
J'avois fouftrait à l'haleine des vents,
Tout ce qu'il faut pour jouir au printems.
L'œil enflammé, l'ame encor neuve & pure,
J'allois chercher Zelmis & la nature.

Libre de crainte, exempt d'ambition, Ivre d'amour, amant de la raison, Je m'occupois de ces fimples ouvrages, Paifibles foins, premiers travaux des fages. Le bras armé de flexibles ciseaux, Je dirigeois mes jeunes arbriffeaux. Je ramenois les branches égarées, Calmois la foif des plantes altérées Ma main toujours du matin jufqu'au foir Tenoit la ferpe ou penchoit l'arrosoir.

Là j'oubliois tout ce peuple frivole,
Peuple d'enfans courbés devant l'idole:
Il faut un monde aux vœux d'un conquérant ;
Mais un jardin remplit ceux d'un amant.

Sous des tilleuls qui, mêlant leur feuillage,
Aux feux du jour oppofoient leur ombrage,
Une voliere, en ces réduits charmans,
Emprifonnoit mille oiseaux différens.

Des fils dorés entouroient cette enceinte,
Où l'on chantoit, où l'on aimoit fans crainte.
De toutes parts mille arbuftes femés
En couronnoient les lambris parfumés.
Du fein des fleurs une eau riante & pure,
En jets brillans atteignoit la verdure.
Pour les élus, dans ce lieu réunis,
L'amour par-tout avoit pofé des nids.
On y voyoit la linotte étourdie,
Allant, venant, toujours vive & hardie,
Et la premiere à faluer le jour,
Rendre gaîment fon hommage à l'amour;
A fes côtés, le ferin plus tranquille,
Amant plus tendre & chantre plus habile,
Qui fe taifoit, pour écouter la voix,
Les fons plaintifs de l'Amphion des bois.
Fuyant la foule & les plaifirs vulgaires,
Des tourtereaux, amans plus folitaires,

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Bornés au foin d'être toujours heureux,

Chantant moins bien, ne s'en aimoient que mieux.
J'en reçus deux, puis-je compter leurs charmes,
Puis-je en parler, fans répandre des larmes?
J'en reçus deux de la main de Zelmis
Qui dès long-tems m'avoient été promis.
Tendre Nitor, ô Blandule plus tendre,
Oiseaux plus chers que tous ceux du Méandre!
Leur col d'albâtre en blancheur furpaffa
Le cigne heureux qui féduifit Léda.
Peindrois-je bien leurs graces immortelles?
Leurs pieds de rofe & l'argent de leurs ailes?
Leurs doux foupirs, leur amoureuse ardeur,
Leur beau plumage auffi pur que leur cœur?
Zelmis voulut, & fouvenir que j'aime!

Dans leur prifon les conduire elle-même,
Et de fa main à mes yeux les plaçant,
Multiplier & parer fon présent.
Lorfque Zelmis entr'ouvrit le treillage,
Que vis-je, ô dieux! quelle riante image!
Tous les oifeaux, qu'elle enchanta foudain,
L'environnoient de leur folâtre effain.
A fon afpect, aucun n'étoit farouche:
Leurs becs ardens s'humectoient fur fa bouche.
L'un voltigeoit autour de fes cheveux:
De fes rubans l'autre agitoit les nœuds.

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