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Refferrer pour jamais le plus facré lien,
Te rapporter mon cœur, & réclamer le tien !
Voici l'inftant propice où tu vas me connoître ;
Serois-je moins aimé, méritant mieux de l'être?
J'ai reçu de mon roi la palme des guerriers ;
Tu vas, en les touchant, embellir mes lauriers.
J'aime, je fuis françois : dans cette double ivreffe,
Je fers avec orgueil la gloire & ma maîtreffe;
Libre enfin par la paix, je hâte mon retour;
J'ai fatisfait l'honneur, il me rend à l'amour.
Me livrant tout entier au defir qui me guide,
Je te ferai rougir de m'avoir cru perfide.
Aux climats que j'habite, eh! qui pourrois-je aimer ?
Vas, mon premier befoin eft celui d'eftimer.
Vas, je connois trop bien nos volages maîtreffes;
Malheur au mortel vrai qui croit à leurs promeffes!..
Qui, moi, te préférer ces objets dangereux,
Changeant vingt fois d'amans, fans faire un feul heureux ?
Ah! ce n'eft pas à toi qu'on peut être infidele.
Avec plus de vertu, quelle amante eft plus belle?
Mes crimes apparens, mon filence odieux,
Etoient, je te l'avoue, un projet de mes feux.
De te revoir un jour n'ayant plus l'efpérance,
Par les plus faints devoirs retenu dans la France,
Je voulois te guérir, &, par pitié de toi,
Je me donnois des torts pour t'armer contre moi...

Ils ne font plus... Mais ciel! fe croyant oubliée,
Par de coupables noeuds fi ton ame liée...

J'en frémis... quels foupçons! quels noirs preffentimens!
S'il eft ainfi, crains tout de mes emportemens.
J'irois te difputer, dans ma douleur extrême,
A tes parens, à toi... que fais-je! à ton Dieu même...
Non, tu n'auras point mis de barriere entre nous;
Je ferai ton amant, je ferai ton époux.

Si ta famille encor veut traverfer nos flames,
Par les plus forts fermens nous unirons nos ames;
Je mourrai fur les bords où tu fais ton féjour...
La force de l'hymen eft fur-tout dans l'amour...

Adieu. J'attends les vents, & ta voix qui m'appelle.
Abyme redouté, mer profonde & cruelle,
Tu refpectas mes jours quand ils m'étoient affreux,
Refpecte-les encor lorfqu'ils vont être heureux.

MA PHILOSOPHIE.

C'EST trop! haïffe qui voudra:

Pour moi, j'en ai ma fuffifance.
Vous tous, cerberes de la France,
Aboyez tant qu'il vous plaira,

Et mordez-vous à toute outrance:
Cette poétique licence

Jamais jufqu'à moi ne viendra,
Et la lice fe fermera,

Avant que j'entre en concurrence,
Pauvres mufes, que je vous plains!

Les teintes fombres de la haine
Ont noirci votre eau d'Hipocrêne,
L'aconit croît dans vos jardins :

Votre art n'a plus rien qui me tente.
J'aime mieux un cultivateur,

Qui, près de fa fille innocente,
Suit de fes boeufs la marche lente
Et me nourrit par fon labeur,
Que cette engeance infortunée
De fots, par d'autres enhardis,

Qui rimaillent dans leur taudis,
Et meurent, l'ame gangrenée
De fiel, de mifere & d'ennuis,
En maudiffant leur destinée!
Paffons vite... Ciel ! que j'en veux
A ma janféniste de tante!
Emporté par mes premiers vœux,
Je méditois un vol heureux
Vers une gloire plus brillante.
Loin de me voir enforcelé
Par un talent toujours funefte,
Que n'ai-je encor la foubrevefte,
Et le courfier gris-pommelé!
Héros que Vénus favorife,
Et dont elle aime la valeur,
Parmi vous regnent la franchise,
La loyauté, la bonne humeur.
L'amitié, l'amour & l'honneur,
Du corps, je crois, font la devife:
Ma vieille tante s'en moqua;

Ces noms lui caufoient la migraine >
Elle eût donné, fans nulle peine,
Toute la gloire de Turenne,
Pour un grain de caffé-moka.
Après mainte & mainte neuvaine,
De par Quefnel on me damna,

Comme

Comme Efcobar & Molina;

Et, qui pis eft, on m'ennuya.
Je me dépitois dans ma chaîne ;
Je n'y tins point.... Avec regrets
Je quittai l'école guerriere.
Adieu mes belliqueux projets !
Adieu la palme militaire,

Et mes combats & mes fuccès!
Force invifible! ô providence!
Quels font tes decrets abfolus?
Peut-être, fans Janfénius,
J'euffe été maréchal de France.
Tous mes beaux rêves disparus,
L'ame vuide & défoccupée,
Je reportois un meil confus.
Sur toute ma gloire échappée.
Mes vœux flottoient irréfolus.
L'amour, fous les traits de Glicere,
Cherchoit en vain à m'enrôler
Dans la milice de fa mere;
Je voulois une autre chimere,
Qui mieux que lui fût confoler.
Des camps transfuge involontaire,
L'honneur encor me rappelloit;
Le myrte ne me flattoit guere,
C'eft un laurier qu'il me falloit.
Tome I.

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