Imágenes de página
PDF
ePub
[ocr errors]
[ocr errors]

Vous fermez pour jamais ces beaux yeux que j'adore;
Et, pour ne me point voir, vous les fermez encore !
Quoiqu'Hémon vous fût cher, vous courez au trépas
Bien plus pour m'éviter que pour suivre ses pas!
Mais, dussiez-vous encor m'être aussi rigoureuse,
Ma présence aux enfers vous fût-elle odieuse,
Dât après le trépas vivre votre courroux,
Inhumaine, je vais y descendre après vous.
Vous y verrez toujours l'objet de votre haîne,
Et toujours mes soupirs vous rediront ma peine,
Ou pour vous adoucir , ou pour vous tourmenter;
Et vous ne pourrez plus mourir pour m'éviter.
Mourons donc...

ATT A L E , lui arrachant son épée.

Ah seigneur! quelle cruelle envie!

CRÉON.
Ah! c'est m'assassiner que me sauver la vie!
Amour, rage, transports, venez à mon secours,
Venez, et terminez mes détestables jours !
De ces cruels amis trompez tous les obstacles !
Toi, justifie, ô ciel, la foi de tes oracles !
Je suis le dernier sang du malheureux Laïus;
Perdez-moi, dieux cruels, ou vous serez déçus.
Reprenez, reprenez cet empire funeste;
Vous m’ôtez Antigone, ôtez-moi tout le reste:
Le trône et vos présens excitent mon courroux;
Un coup de foudre est tout que

veux de vous

Ne le refusez pas à mes veux, à mes crimes;
Ajoutez mon supplice à tant d'autres victimes.
Mais en-vain je vous presse, et mes propres forfaits
Me font déjà sentir tous les maux que j'ai faits.
Jocaste, Polynice, Étéocle, Antigone,
Mes fils que j'ai perdus pour m'élever au trône,
Tant d'autres malheureux dont j'ai causé les maux,
Font déjà dans mon caur l'office de bourreaux.
Arrêtez... Mon trépas va venger votre perte;
La foudre va tomber, la terre est entr'ouverte;
Je ressens à-la-fois mille tourmens divers,
Et je m'en vais chercher du repos aux enfers.

( Il tombe entre les mains des gardes. )

FIN.

ALEXANDRE

LE GRAND,

TRAGÉDIE.

1665.

[ocr errors]
[ocr errors][merged small]
[ocr errors]

1

Il n'y a guère de tragédies où l'histoire soit plus
fidèlement suivie que dans celle - ci. Le sujet en est
tiré de plusieurs auteurs, mais sur-tout du huitième
livre de Quinte-Curce. C'est là qu'on peut voir tout
ce qu'Alexandre fit lorsqu'il entra dans les Indes ,
les ambassades qu'il envoya aux rois de ce pays-la,
les différentes réceptions qu'ils firent à ses envoyés,
l'alliance que Taxile fit avec lui, la fierté avec laquelle
Porus refusa les conditions qu'on lui présentait, l'ini-
mitié qui était entre Porus et Taxile , et enfin la vic-
toire qu'Alexandre remporta sur Porus, la réponse
généreuse que ce brave Indien fit au vainqueur, qui
lui demandait comment il voulait qu'on le traitåt, ct
la générosité avec laquelle Alexandre lui rendit tous
ses états et en ajouta beaucoup d'autres.

Cette action d'Alexandre a passé pour une des plus
belles que ce prince ait faites en sa vie ; et le danger
que Porus lui fit courir dans la bataille lui parut le
plus grand où il se fût jamais trouvé. Il le confessa
lui-même, en disant qu'il avait trouvé enfin un péril
digne de son courage. Et ce fut en cette même occa-
sion qu'il s'écria : « O Athéniens, combien de tra-
4 vaux j'endure pour me faire louer de vous ! »

[ocr errors]

a

« AnteriorContinuar »