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le comte de Richemont, n'ayant pas combattu depuis Azincourt, avait pu oublier la guerre 1. Ce refus offensa mortellement le comte; les faveurs par où les Anglais avaient voulu se l'attacher, le don du comté d'Ivry, la promesse d'une forte pension, ne calmèrent point son ressentiment; il se retira en Bretagne, et pour dérober sa marche aux Anglais, il s'embarqua dans un port de Flandre, tandis que tous ses serviteurs traversaient la Normandie, annonçant qu'il allait passer.

C'était un motif de plus pour ménager le duc Philippe; rien ne lui était refusé; les comtés d'Auxerre et de Mâcon, ainsi que la châtellenie de Bar-sur-Seine, lui furent concédés en compensation des sommes qu'il prétendait être dues tant à lui qu'à ses prédécesseurs, et un délai de deux ans lui fut accordé pour justifier de ses créances.

Il partit de Paris pour ses États de Flandre; là, sur la proposition et les instances de son conseil et de ses parens le duc de Brabant et le comte Jean de Bavière, il se résolut à épouser la veuve de son oncle, le comte de Nevers, qui avait péri à la journée d'Azincourt; c'était Bonne d'Artois,

Histoire de Bourgogne et Preuves.

fille du comte d'Eu, connétable de France, mort à la bataille de Nicopolis, et petite-fille du duc de Berri. Une ambassade, chargée de riches présens, partit pour solliciter du pape les dispenses nécessaires. Le souverain pontife fut aussi chargé d'un commun accord, par les ducs de Bedford et de Bourgogne, de prononcer sur le différent soumis à leur arbitrage au sujet du double mariage de Jacqueline de Brabant; c'est ce qui fut arrêté lorsque le Duc traversa Paris pour retourner dans son duché de Bourgogne. Il obtint encore de nouvelles marques de faveur; entre autres, il fit obtenir au sire de Chastellux une riche part dans des confiscations faites sur le cardinal de Bar et d'autres partisans du roi'.

Le duc de Bedford et le duc de Bourgogne quittèrent Paris à peu près en même temps; le premier, pour conduire son armée contre les forces redoutables que le comte Douglas avait assemblées sur les marches du Perche et de la Normandie; le second, pour assembler les hommes d'armes de Bourgogne, et pousser la guerre avec vigueur; mais, avant de s'être mis en campagne, il apprit la terrible victoire que les An

1 Histoire de Bourgogne.

glais venaient de remporter à Verneuil le 17 août '.

Toute l'espérance du roi Charles se trouvait dans cette armée; les Écossais, les Lombards, les meilleurs chevaliers du royaume étaient réunis. Il en fut comme à l'ordinaire; la discorde se mit entre les chefs. On vit éclater plus que jamais la haine que les gentilshommes de France avaient conçue contre les Écossais, qui venaient avec orgueil et convoitise exiger du roi de France les emplois, les seigneuries, l'argent et toutes les récompenses.

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Le comte Douglas et les Écossais furent d'abord d'avis d'avoir bataille avec les Anglais; telle n'était point l'idée du vicomte de Narbonne, du comte d'Aumale et des vieux capitaines français; ils préféraient faire des siéges, et mettre de fortes garnisons dans les forteresses dont on pourrait s'emparer. Ils venaient cependant de perdre celle d'Ivry, que le duc de Bedford était venu assiéger, et que l'armée du roi avait promis de délivrer; elle avança presque jusqu'à la vue de la garnison; mais, trouvant les Anglais en bonne position,

Monstrelet. - Chartier. Berri. Hollinshed. - Saint-Remi. - Fenin. Amelgard.

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elle se retira. Pour lors le gouverneur, Gérard de la Pallière, qui s'était engagé à se rendre s'il n'était pas secouru, vint porter les clefs au duc de Bedford: « Voici, dit-il, lui montrant une lettre qu'il tenait à la main, la signature de dix-huit « des plus grands seigneurs du royaume, qui a m'ont manqué de parole. »

«

Pendant ce temps-là les Français se dirigeaient sur Verneuil. Pour s'en emparer, ils imaginèrent d'assurer à la garnison qu'ils venaient de remporter une victoire signalée sur l'armée anglaise :

«

Voyez nos prisonniers, » disaient-ils, montrant quelques Écossais qu'ils avaient attachés à la queue de leurs chevaux, et qui semblaient être blessés et tout sanglans : « Ah! triste journée! criaient en anglais les soldats écossais. La garnison se laissa duper et rendit la forteresse.

Le duc de Bedford avait suivi l'armée de France, et s'avança sous les murs de Verneuil. Il envoya un héraut au comte Douglas, le faisant prier de s'arrêter, et qu'il serait bien aise de boire un coup avec lui : « Dis à ton maître, ré

«

pondit le lieutenant général, que, ne le trou<< vant pas en Angleterre, je viens exprès du << royaume d'Écosse pour le rencontrer en « France; qu'il se hâte, je l'attends; et, en at

« tendant que nous buvions ensemble, rapporte<< lui que j'ai fait faire bonne chère à son héraut. »

On s'apprêta au combat; les Français mirent pied à terre, et laissèrent leurs chevaux et les bagages dans la ville; seulement deux mille hommes d'armes, les uns lombards, les autres français, sous les ordres de la Hire et de Saintraille, furent chargés d'aller attaquer les Anglais par derrière.

Le duc de Bedford mit aussi tout son monde à pied, et garnit le front et les flancs de son armée d'archers retranchés derrière leurs épieux; les chevaux et les bagages furent placés par derrière, sous la garde de deux mille archers. Le régent parla ensuite aux Anglais; il leur rappela leurs anciennes victoires, et la glorieuse conquête qu'ils venaient de faire du royaume de France; il leur dit qu'il était temps de rabattre l'orgueil du Dauphin et de ses partisans, et que s'ils laissaient s'allumer le feu, l'incendie ne pourrait plus s'éteindre.

Le conseil du roi de France n'avait pas voulu qu'il fût de sa personne à cette bataille; tout eût été perdu avec lui, et il était sage d'en agir ainsi. Toutefois cette prudence faisait dire que ce prince n'aimait pas tant la guerre que les rois ses

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