Imágenes de página
PDF
ePub

France; cependant il consentait à ce qu'elle lui fût seulement assurée par sa succession: quant au mariage avec madame Catherine, il demandait en dot toutes les provinces cédées autrefois par le traité de Bretigny, et de plus la Normandie; sinon il annonçait qu'il allait faire une rude guerre à la France.

Tout offensante que fût une telle proposition, le duc de Berri, qui pour lors se trouvait seul à Paris, n'en fit pas moins grand accueil aux ambassadeurs, et les combla de présens. Il s'excusa sur l'absence du roi, et ne donna point de réponse.

Au mois de janvier, arriva une nouvelle ambassade plus solennelle encore. Elle était formée du duc d'Exeter, oncle du roi, du lord Grey, amiral d'Angleterre, des évêques de Dublin et de Norwick. Leur suite était de plus de six cents chevaux. On leur fit une réception magnifique. Les comtes de Vertus, d'Eu et de Vendome allèrent au-devant d'eux jusqu'à la porte de la ville, ainsi que le prevôt des marchands et les échevins. Le Temple leur fut assigné pour logement. On leur fit de beaux présens. Ils assistèrent à un brillant tournoi, où le duc d'Aquitaine joûta contre le duc d'Alençon, et le duc de Brabant contre le duc

d'Orléans. Enfin leur séjour se passa en fêtes et en festins. Un tel accueil ne rendait pas leur roi moins exigeant, et n'abattait point ses espérances. Au lieu de répondre nettement à de semblables demandes, on se borna à promettre que le roi de France allait envoyer une ambassade à Londres.

Comme elle tardait, le roi d'Angleterre écrivit des lettres pressantes au roi, en demandant toujours madame Catherine aux conditions qu'il avait proposées, et menaçant de la guerre si elles n'étaient point acceptées. Après une prolongation de trève, l'ambassade de France partit enfin le 27 avril. Elle se composait du plus éloquent prélat du conseil, l'archevêque de Bourges, du comte de Vendôme, grand-maître de France, de l'évêque de Lizieux, du baron d'Ivry, du sire de Braquemont et de maitre Gontier Col. Le roi d'Angleterre les reçut avec autant de courtoisie qu'on en avait mis à recevoir ses envoyés. Mais il fut bientôt facile de voir qu'il ne se départirait en rien de ses prétentions.

Tel était l'état des affaires; cependant le roi était insensé, le Dauphin n'écoutait aucun conseil, et ne faisait que sa volonté; les princes étaient mortellement divisés; les conseillers pas

saient d'une partialité à l'autre ; le clergé n'avait plus le courage de dire la vérité; les grands se haïssaient; les moyens étaient ruinés par les impôts; les petits ne trouvaient pas à gagner leur vie; chacun s'efforçait à saisir la fortune à la volée; ni nobles ni bourgeois ne pouvaient compter sur leur état. Les traités et les sermens n'étaient pas observés; le peuple obéissait humblement à de faux protecteurs, qui le trompaient et lui faisaient endurer mille maux; des gens de guerre ravageaient les campagnes, tandis que là noblesse elle-même manquait de courage contre les ennemis : l'Angleterre, qui long-temps avait été plus faible que la France, était devenue menaçante, et semblait assurée de la victoire '.

Il importait donc de se réconcilier avec le duc de Bourgogne. Guichard, dauphin d'Auvergne, et maître Jean de Vailly, président au Parlement, lui furent envoyés en ambassade. Sur leurs assurances, et d'après le rapport de ses propres députés, le Duc convoqua son grand conseil au château de Rouvre, et donna des lettres de ratification, qui furent remises aussitôt aux ambas

-

' Vers insérés dans le registre du Parlement. Journal de

sadeurs du roi. Mais en même temps le Duc déclara chez un notaire qu'il donnait cet acte seulement sous la condition que le Dauphin tiendrait les promesses qu'il lui avait faites.

Le temps pressait; les ambassadeurs de France venaient d'arriver d'Angleterre. Les offres qu'ils avaient faites de donner en dot huit cent quarante mille écus d'or, quinze villes d'Aquitaine, comprenant sept comtés, et la vaste sénéchaussée de Limoges, avaient été dédaignées. Le roi d'Angleterre avait persisté à dire que si on ne lui accordait point la Normandie et tous les pays cédés par la paix de Bretigny, il aurait recours à l'épée pour ôter au roi de France sa couronne. L'archevêque de Bourges, qui, dans toute sa conduite et ses discours, avait noblement soutenu l'honneur du royaume, s'adressa, avec le respect convenable, au roi d'Angleterre, et lui dit2 :

« O roi! à quoi penses-tu, de vouloir ainsi dé« bouter le très-chrétien roi des Français, notre <<< sire, le plus noble et le plus excellent des rois « chrétiens, du trône d'un si puissant royaume? « Crois-tu qu'il t'ait fait offrir sa fille avec une si grande finance et une partie de sa terre par

[blocks in formation]

<< peur

«

[ocr errors]

«

de toi et des Anglais? Non, en vérité; mais il était mû par la pitié, par l'amour de la paix;

il ne voulait pas que le sang innocent fût ré

pandu, et que le peuple chrétien fût détruit dans « le tourbillon des batailles: Il appellera l'aide de Dieu tout-puissant, de la bienheureuse vierge << Marie et de tous les saints. Alors, par ses armes « et celles de ses loyaux sujets, vassaux et alliés, « tu seras chassé de son royaume et des régions << soumises à sa domination, et peut-être y mour<< ras-tu ou y seras-tu pris. »

Le roi d'Angleterre fit reconduire les ambassadeurs en grande cérémonie; et ils revinrent en France, où, en plein conseil, devant beaucoup de noblesse, de clergé et de peuple, ils racontèrent toute leur ambassade, et conseillèrent de s'apprêter à la guerre, sans se laisser prendre à aucune espérance de paix. Bientôt de nouvelles lettres du roi d'Angleterre, plus hautaines encore que les premières, signifièrent sa volonté de recourir aux

armes.

Pour accomplir sa promesse envers le duc de Bourgogne, le Dauphin fit expédier des lettres du roi, portant que le Duc ayant fait sa soumission et ses excuses, et juré la paix, le roi rendait à son cousin son amour et sa bonne grâce; qu'il

« AnteriorContinuar »