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qu'ils demandaient : c'étaient la liberté de leur Duc et de ses serviteurs, la garantie des biens et meubles qui se trouvaient au château, un délai de quinze jours, afin de faire venir leurs chevaux, et un sauf-conduit pour s'en aller où bon leur semblerait'.

Il leur fut répondu qu'ils n'eussent plus à parler du duc de Bourgogne qui ne pouvait leur être rendu; que ses serviteurs étaient prisonniers de monseigneur le Dauphin, qui les traiterait bien, et leur donnerait des offices dans le royaume; que ce qui appartenait au Duc dans le château serait remis par inventaire aux gens du Dauphin, qui en signeraient quittance, et que, quant à eux, on allait les conduire à Bray. Ils acceptèrent, et s'y rendirent sur-le-champ. La dame de Giac et Jossequin, qui étaient dans le château, restèrent avec le Dauphin et passèrent dans son parti.

Dès que le sire de Neufchâtel fut à Bray, il écrivit au roi, à la duchesse de Bourgogne, au comte de Charolais, à la ville de Paris, et aux autres bonnes villes, pour leur rendre compte

1 Monstrelet. Lefebvre de Saint Remi.

et de Bourgogne. Heuterus.

Mémoires de France

du crime commis sur la personne du duc de Bourgogne.

I

Lorsque la nouvelle fut connue à Troyes, la reine et le conseil du roi envoyèrent aussitôt Jean Mercier à la duchesse de Bourgogne, en lui écrivant qu'elle mandât le plus tôt possible auprès du roi et pour sa défense les chevaliers, les vassaux, les hommes d'armes de son duché. Comme on craignait de lui porter un trop rude coup, le roi et la reine lui disaient seulement que son mari avait été blessé et retenu prisonnier. Jean Mercier était chargé de la préparer doucement à recevoir la triste nouvelle.

La Duchesse obéit à l'ordre qu'elle recevait; et en même temps elle envoya une ambassade solennelle au roi, pour demander justice et vengeance de la trahison consommée sur la personne de son seigneur et mari. Elle fit partir aussi messire Gauthier de Rupes et quelques autres serviteurs pour aller trouver son fils en Flandre; enfin elle informa par lettres et ambassades le pape et les princes de la chrétienté de ce déplorable événement.

! Lettres du roi et de la reine, 15 septembre.

Le comte de Charolais était à Gand lorsque le message du sire de Neufchâtel lui arriva. Sa douleur fut grande : ses gouverneurs et son conseil ne pouvaient le calmer, ni sécher ses larmes; il ne voulait voir personne. « Michelle, dit-il à « sa femme, votre frère a assassiné mon père. La pauvre princesse ressentit vivement ces paroles: outre qu'elle était d'un excellent naturel, elle craignait que ce malheur lui ótât à jamais le cœur de son mari qu'elle aimait tant. Cependant lui-même la consola, et lui montra plus d'affection que jamais.

Le nouveau Duc avait vingt-trois ans; malgré sa jeunesse, il se montra tout aussitôt animé du ferme désir de venger son père et de se maintenir dans une puissance que sûrement le parti du Dauphin allait s'efforcer de détruire. Après avoir consulté son conseil et les gens de Gand, d'Ypres et de Bruges, il prit, comme unique héritier du duc Jean, les titres de toutes ses seigneuries; puis il se rendit à Malines, où il eut une conférence avec le duc de Brabant son cousin, Jean de Bavière son oncle, le duc de Clèves son beaufrère, et la comtesse de Hainault. Dans cette assemblée de famille, il sembla qu'il fallait avant tout traiter avec le roi d'Angleterre et s'assurer

son alliance; des ambassadeurs lui furent aussitôt envoyés '.

Le Duc vint ensuite à Lille; ce fut là qu'il reçut les députés de Paris. La nouvelle de la mort de son père avait produit une indignation générale dans cette ville, qui se voyait par-là livrée à des malheurs terribles et inévitables. Dès le 12 septembre, le comte de Saint-Pol avait réuni dans la chambre du Parlement le chancelier, plusieurs nobles capitaines et gens d'armes, le prevót de Paris, le prevôt des marchands, d'autres conseillers et officiers du roi, des bourgeois et des habitans en grand nombre. Ils prêtèrent serment de lui obéir comme au lieutenant du roi, de l'assister et de s'entendre avec lui pour la garde, la conservation et la défense de la ville, et généralement pour la conservation et défense du royaume; de résister de tout leur pouvoir aux damnables projets et entreprises des criminels, séditieux, infracteurs de la paix et de l'union, conspirateurs, coupables et consentans à l'homicide du feu duc de Bourgogne; d'en poursuivre la vengeance et la réparation; de vivre et mourir avec le comte de Saint-Pol dans cette

■ Heuterus.

Monstrelet. Lefebvre de Saint-Remi.

poursuite; de dénoncer et accuser en justice tous ceux qui voudraient soutenir et aider lesdits criminels, et de ne faire aucun traité partiel à ce sujet sans le consentement l'un de l'autre.

C'est ce serment que maître de Morvilliers, premier président du Parlement, vint porter au duc Philippe, tandis que d'autres envoyés allaient à Dijon le présenter à la duchesse Marguerite.

Le Duc répondit aux Parisiens, et écrivit aux autres bonnes villes, qu'il espérait leur faire avoir trève avec les Anglais, et que si elles voulaient lui envoyer des députés le 17 d'octobre à Arras, on aviserait à ce qu'il convenait de faire. Rien n'était plus pressant, en effet, que de délivrer Paris des courses que les Anglais faisaient jusqu'aux portes de la ville; la misère et la disette y augmentaient chaque jour.

Lorsque l'affluence commença à être grande à Arras, et avant l'ouverture des assemblées, le Duc fit faire un service solennel pour le salut de l'âme de son père. Cinq évêques et dix-neuf abbés mitrés y assistèrent. Le deuil fut mené par messire Jean de Luxembourg et messire Jacques de Harcourt. Frère Pierre Floure, inquisiteur de la foi au diocèse de Rheims, prêcha un fort beau sermon : il exhorta le Duc à ne point pour

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