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Dauphin, à la tête de ses hommes d'armes, entra à cheval dans la ville, vint faire sa prière à l'église, puis retourna à Paris, laissant les gens de Rouen dans une obéissance mal assurée1.

Cependant Rheims, Châlons, Troyes, Auxerre, Nogent, Abbeville, Amiens, Saint-Riquier, Doulens, Montreuil, s'étaient laissé persuader par les capitaines ou les conseillers du Duc, et firent alliance avec lui. Partout les bourgeois prenaient la croix de Saint-André, et criaient joyeusement: « Vive Bourgogne ! » se persuadant que les intentions du Duc n'étaient que pour le bien de la chose publique'.

Or, voici quelles étaient les conditions d'alliance entre lui et les bonnes villes 3. Les échevins, capitaines, bourgeois, manans et les habitans de la ville promettaient d'aider le Duc à remettre le roi en sa franchise et seigneurie, et le royaume en sa franchise et justice, de sorte que le commerce pût y avoir son cours; de secourir le Duc de tout leur pouvoir, pour que le roi et le royaume fussent bien gardés et défendus; de le recevoir lui et les siens, quand il aurait forces suffisantes;

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de lui donner pour son argent vivres et toutes choses dont il aurait besoin, la ville restant suffisamment fournie; de permettre que les marchands de la ville amenassent vivres et marchandises dans ses camps, pourvu qu'il y eût sûreté; de faire punir selon la rigueur de la justice quiconque de fait, de parole ou autrement s'opposerait aux projets du Duc. - Le Duc s'engageait de son côté à ne faire prendre aucun habitant, de quelque condition qu'il fût, sinon par justice et information précédente; à faire punir ceux de ses gens qui feraient injure ou offense à quelqu'un de la ville; à permettre que les habitans allassent librement dans ses États et pays pour y traiter leurs affaires et y faire leur commerce sûrement, sans trouble, sans nul empêchement à leur personne ou à leurs biens; à les aider et soutenir contre tous ceux qui voudraient leur nuire pour s'être mis en faveur du roi et du Duc ; à ne pas mettre garnison dans la ville; à ne point y prétendre de seigneurie; à se contenter qu'elle se gouvernât comme elle avait accoutumé. En même temps on saisissait cette occasion de conjurer humblement le Duc d'empêcher que les gens d'armes, qui s'autorisaient de son nom, continuassent à troubler les travaux de la cam

pagne, surtout la moisson, qui allait se faire, à emmener les bestiaux; ce qui rendait le pauvre peuple si malheureux, qu'il commençait à abandonner le pays.

Le Duc, après avoir assemblé ses gens d'armes, partit d'Arras au commencement d'août pour se diriger vers Paris. Auparavant, il s'était saisi de la ville et du comté de Boulogne, que la duchesse douairière de Berri venait d'apporter en mariage au sire Georges de la Trémoille, qu'elle avait épousé cinq mois après la mort de son mari. Comme le sire de la Trémoille était du parti d'Armagnac, le Duc s'empara de ce fief, qui relevait du comté d'Artois.

Ces rapides progrès du duc de Bourgogne n'intimidaient nullement le connétable et les conseillers du roi. Ils continuaient leurs préparatifs de défense, et leur autorité s'exerçait avec d'autant plus de rigueur sur la ville de Paris.

Le Parlement avait condamné les lettres du duc de Bourgogne adressées aux bonnes villes, comme mauvaises, séditieuses, scandaleuses et offensives à la majesté royale. Elles furent déchirées et brûlées publiquement. Il fut enjoint à tous ceux qui en avaient des copies de les rapporter, sous peine d'amende. En même temps on répandait partout

qu'il voulait se faire roi, et que c'était lui qui appelait les Anglais en France. La ville était remplie d'espions, et il y régnait tant de haine et tant de crainte, que les voisins se dénonçaient les uns les autres. Personne n'osait dire une parole sur le duc de Bourgogne. Plus le comte d'Armagnac voyait croître le mécontentement public, plus il devenait dur et hautain envers tout le monde. Le seigneur de l'Isle-Adam ayant voulu avoir le commandement de cent chevaliers et écuyers qu'il aurait levés lui-même, le connétable lui répondit qu'on avait assez de gens; pour lors il devint Bourguignon. C'est ce que firent aussi plusieurs autres nobles rebutés par le connétable'.

Le duc de Bourgogne était déjà à Amiens lorsque le sire Albert de Canny demanda à lui présenter des lettres du roi. « Très-noble prince et « redouté seigneur, lui dit-il, il m'est commandé, « par les lettres que je vous remets, de vous enjoindre strictement de laisser le voyage que « vous avez commencé, de congédier votre armée, de retourner en votre pays, et d'écrire au << roi pourquoi vous avez fait cette assemblée sans « son commandement. »

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Registres du Parlement. Journal de Paris. - Juvénal.

« Sire de Canny, reprit le Duc, je sais bien « que vous êtes de nos parens par la maison de « Flandre; néanmoins, pour l'ambassade que vous « faites, il tient à bien peu, en vérité, que je ne « vous fasse trancher la tête. » Le chevalier, épouvanté de ces paroles, se jeta à genoux bien humblement, s'excusant de son mieux sur les ordres qu'il avait reçus du roi, et montrant les instructions qu'il avait reçues du conseil'. Les chevaliers qui étaient là s'empressèrent aussi à apaiser le Duc : il se calma. « Je n'obéirai pas, dit-il, au « commandement du roi; mais je vais prompte<ment à Paris avec toute ma puissance, et pour «<lors je lui répondrai bouche à bouche. » Cependant, mieux avisé, il fit écrire une réponse à tous les articles des instructions du sire de Canny, la lui remit, et lui recommanda de ne la rendre qu'aux mains du roi.

Il y répétait tous les griefs qu'il avait exposés dans ses lettres aux bonnes villes; il ajoutait que ceux qui étaient autour du roi avaient voulu, devant les cours spirituelles et civiles, obtenir son déshonneur et la damnation de sa bonne renommée, ainsi que de sa postérité; mais que la sentence du

'Monstrelet.

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