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a aussi de Lescot un Recueil portatif de chan- fondé une société chorale connue sous le nom de sons en musique; Paris, 1765, in-8°.

LESCUREL (JEHANNOT), musicien français du commencement du quatorzième siècle, a été inconnu à tous les historiens de la musique. Un manuscrit du roman allégorique et satirique de Fauvel, qui se trouve à la Bibliothèque impériale à Paris (in-fol. max., no 6812 de l'ancien fonds), et que j'ai fait connaître par une notice trèsdétaillée dans la Revue musicale (t. XII, no 34), contient des ballades, rondeaux et dits entés sur refrains de rondeaux, composés par ce musicien. J'ai démontré, dans ma notice sur ce manuscrit, qu'il a été exécuté entre les années 1316 et 1321, en sorte que l'époque où Lescurel a écrit les morceaux qui y sont contenus est antérieure à cette dernière date. J'ai fait connaitre aussi, dans ma notice, la musique d'un rondel de ce musicien dans sa notation originale, avec sa traduction en notes modernes. Ce rondeau, dont les premiers vers sont :

A vous douce débonnaire

Ai mon cueur donné,

est d'abord à voix seule (folio 57 du manuscrit), puis à trois voix, avec la mélodie dans la partie intermédiaire. C'est un morceau très-remarquable sous plusieurs rapports, et du plus grand intérêt, à cause de son époque. L'harmonie en est beaucoup plus pure que dans d'autres compositions plus modernes, quoiqu'on y trouve quelques successions de quintes et d'octaves. Les ornements ou fioritures y abondent et présentent cette singularité que la plupart sont harmonisés dans les différentes parties.

LESEBERG (JOACHIM), prédicateur et chanoine à Wonstorp, au commencement du dix-huitième siècle, a publié une dissertation intitulée Oratio de honestorum conviviorum, cum primis musicorum ipsiusque Musices jucunditate et utilitate, Haga Schaumburgicorum, 1616, in-4°.

LESLIE (HENRI), compositeur anglais de beaucoup de mérite, né à Londres le 18 juin 1822, a fait ses études musicales sous la direction de M. Charles Lucas, professeur de l'Académie royale de musique de cette ville. Dans sa jeunesse, M. Leslie ne cultiva la musique que comme amateur. Plus tard, il s'est livré avec ardeur à la composition et à la direction des concerts. A l'époque de la formation de la Scciété musicale des amateurs de Londres (1847), i en fut nommé secrétaire honoraire. En 1855, on le choisit pour en être le chef d'orchestre : il remplit ces fonctions jusqu'à la dissolution de cette société, qui eut lieu en 1861. En 1856, il a

Chœur de M. Leslie : il en est le directeur, et lui a donné un grand mérite d'exactitude et de nuances dans l'exécution. Comme compositeur, M. Leslie s'est fait une honorable réputation par les ouvrages dont voici la liste: 1° Quatuor en la pour deux violons, alto et basse; 2o Quintette en ré pour 2 violons, alto, violoncelle et contre-basse. 3° Symphonie en fa à grand orchestre. 4 Ouverture dramatique intitulée The Templar (Le Templier). — 5o Antienne festivale (Let God arise) pour soprano, ténor, double chœur et grand orchestre. 6° Quintette en sol mineur pour piano, hautbois, clarinette, cor et basson. 7° Emmanuel, oratorio à plusieurs voix, chœur et orchestre. 8° Judith, idem. 9o Romanina; opérette jouée au théâtre anglais de Londres. 10° Holyrood, cantate pour soprano, contralto, ténor, basse, chœur et orchestre, composé pour le mariage de la princesse ALICE d'Angleterre. — 11° Un grand nombre de petites pièces vocales et instrumentales. Les oratorios de M. Leslie jouissent de beaucoup d'estime en Angleterre.

LESNE (Mile), professeur de solfége et de piano à Paris, a fait imprimer une méthode élémentaire de musique intitulée : Grammaire musicale basée sur les principes de la gram maire française; Paris, Pacini, 1820, 64 pages in-4°. Quoique cette édition soit annoncée comme la deuxième, il n'y en a jamais eu qu'une; le frontispice seul a été changé. L'auteur de la Grammaire musicale s'est servi de tous les termes de la grammaire générale pour expliquer ceux de la musique; ainsi, dans son livre, les lettres sont représentées par les sons, l'alphabet par la gamme, les articles par les clefs; les figures de notes sont les substantifs; les dièses, bémols et bécarres les adjectifs; les mesures sont des verbes, parce qu'elles ont des temps, etc. Rien de tout cela n'a de base réelle ni d'utilité, ce n'est qu'un jeu de mots.

LESSEL (FRANÇOIS), pianiste et composisiteur, né à Varsovie, en 1780, était fils d'un musicien qui fut attaché au service du prince Adam Czartoryski, à Pulawy. En 1800, il fut envoyé par ses parents à Vienne, pour y continuer ses études musicales. M. Sowinski dit qu'il y devint élève de Haydn, et qu'il eut pour condisciples Camille Pleyel et Neukomm (1); il y a dans cette assertion une erreur évidente : jamais Camille Pleyel n'alla à Vienne, et son père Ignace Pleyel, qui fut véritablement élève de Haydn, avait terminé ses études avec ce maître

(1) Les Musiciens polonais et slaves, p. 365.

en 1777. Quoi qu'il en soit, Lessel demeura à Vienne pendant dix années et y publia ses premiers ouvrages. De retour à Varsovie en 1810, il s'y fit entendre comme pianiste dans plusieurs concerts, et se livra à l'enseignemeut de son instrument. Les principaux ouvrages de cet artiste sont: 1° Quatuor pour 2 violons, alto et basse, 2o Trio pour piano, op. 3; Vienne, Artaria. violon et violoncelle, op. 5; Leipsick, Breitkopf et Hærtel. 3° Adagio et rondo pour piano et 4° Ouverture à grand orchestre, op. 9, ibid. orchestre (en ut), op. 10, ibid. 5° Fugue pour piano à 4 mains, op. 11, ibid. 6° Pot-pourri pour piano et orchestre, op. 12; ibid. -7° Concerto (en ut) pour piano et orchestre, op. 14; ibid. 8° Sonates pour piano seul, op. 2 et 6; 9° Chants histoVienne, Weigl et Haslinger. riques de J. U. Niemcewicz mis en musique; Varsovie, 1818.

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célèbre

LESSING (GOTTHOLD-EPHRAÏM ), littérateur allemand, né le 22 janvier 1729, à suivant Kamenz, petite ville de la Lusace, ou, d'autres renseignements, à Paserwalk, dans la Pomeranie, fut guidé dans ses premières études par son père, ministre luthérien et savant estimable. A l'âge de douze ans, il entra dans l'école de Meissen, puis il alla compléter son instruction à l'université de Leipsick. Il habita longtemps Berlin, visita les principales villes de l'Allemagne, et, en 1770, il accepta la place de bibliothécaire à Wolfenbüttel. Trois ans après, il entreprit un voyage pour rétablir sa santé et accompagna le duc Léopold de Brunswick dans le nord de l'Italie. De retour à Wolfenbüttel, au commencement de 1774, il y passa le reste de ses jours, et y mourut le 15 février 1781, à l'âge de cinquante-deux ans. Lessing est un des écrivains dont les opinions et le talent ont exercé l'influence la plus active sur la littérature allemande du dix-huitième siècle; mais l'appréciation de ses ouvrages n'appartient pas à la Biographie universelle des musiciens. Il n'y est cité que pour ceux dont les titres suivent, et dans lesquels il a traité de quelques parties de la musique : 1° Kleine Schriften, etc. (Bagatelles, ou petits écrits); Berlin, 1753 à 1756, in-12. On y trouve un fragment d'un poëme didactique sur les règles des arts et des sciences, particulièrement de la poésie et de la musique. — 2o Dramaturgie de Hambourg; Hambourg, année 1769, 2 vol. in-8°. Cet ouvrage consiste en une suite de lettres sur les ouvrages joués au théâtre de Hambourg pendant l'année 1767 et jusqu'au mois d'avril 1768.

LESTAINIER (JEAN), organiste de la chapelle de l'empereur Charles-Quint, à Madrid,

dans la première moitié du seizième siècle, était né vraisemblablement en Belgique, car tous les artistes de cette chapelle étaient Belges ou Espagnols. Lestainier n'est connu comme compositeur que par deux motets insérés dans la collection qui a pour titre Cantiones selectissima quatuor vocum, ab eximiis et præstantissimis Cæsarex Majestatis capella Musicis M. Cornelio Cane, Thoma Crequillone, Nicolas Payen, Johanne Lestainier organista, compositæ, et in comitiis Augustanis studio et impensis Sigismundi Salmingeri in lumen edita; Augsbourg, Ulhard, 1548, petit in-4° obl.

LESTOCART (PASCAL DE), musicien français établi à Lyon, dans la seconde moitié du seizième siècle, obtint, en 1584, le prix de la harpe d'argent au concours du Puy de musique, fondé à Évreux, pour le motet de sa composition sur le texte Ecce quam bonum. Il a publié de sa composition: 1° Octonaires de la vanité du monde à trois, quatre, cinq et six voix; Lyon, Barthélemy Vincent, 1582, in-4° obl. Les vers de cet ouvrage, composés par La Roche Choudieu, ont été remis en musique par Claude Lejeune. 2o Les Psaumes en vers latins et français, mis en chant à quatre parties, distingués en plusieurs livres, en forme de moiets, ibid. 3° Mélanges de chansons latines et françaises.

LESUEUR (JACQUES), maître de chapelle de la cathédrale de Rouen, naquit dans cette ville et y fut d'abord enfant de chœur. Musicien habile et latiniste instruit, il crut pouvoir prétendre à l'une des places de maître de la chapelle du roi, devenues vacantes par la retraite de Dumont et de Robert. Lalande, Goupillet, Colasse et Minoret étaient ses concurrents. On leur donna pour sujet de la composition de concours le psaume Beati quorum remissæ sunt iniquitates. L'ouvrage de Lesueur fut jugé inférieur à ceux de ses compétiteurs, et la place ne lui fut pas donnée. De retour à Rouen, il obtint celle de maître de chapelle de l'église métropolitaine en 1667, et la conserva jusqu'à sa mort, qui eut lieu en 1693. Ce fut Lesueur qui introduisit dans cette église l'usage de l'orgue et de la basse de viole. Il avait fait exécuter dans l'église des Dominicains de Rouen, le 9 septembre 1663, une messe et une symphonie funèbre; mais aucune de ses compositions n'est parvenue jusqu'à nous.

LESUEUR (JEAN-FRANÇOIS), compositenr et écrivain sur la musique, né à Drucat-Plessiel, près d'Abbeville, le 15 janvier 1763, d'une ancienne famille du comté de Ponthieu, fut admis, à l'âge de sept ans, à l'école de la maîtrise d'Abbeville. Peu de mois après, il entra comme enfant

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de chœur à la cathédrale d'Amiens. C'est là qu'il fit pendant sept ans à peu près toutes ses études pratiques de musique, et qu'il apprit les éléments des langues latine et française. Sorti de cette maîtrise à l'âge de quatorze ans, il entra au collége d'Amiens pour y faire sa rhétorique et sa philosophie; mais il n'acheva point ses études, parce que la place de maître de musique de la cathédrale de Séez lui fut offerte dès qu'il eut atteint l'age de seize ans. Il alla en prendre possession en 1779; six mois après, il quitta cet emploi pour celui de sous-maitre de musique à l'église des Saints-Innocents de Paris. Ce fut alors qu'il reçut quelques notions d'harmonie chez l'abbé Roze, qui ne pouvait lui enseigner autre chose, n'ayant fait lui-même que d'assez faibles études. Tout ce que Lesueur acquit ensuite de connaissances dans l'art d'écrire, il le dut à lui-même et à ses propres observations. En 1781, il quitta l'église des Innocents pour la place de maître de musique de la cathédrale de Dijon; deux ans après, il accepta une position semblable au Mans; mais, malgré les avantages qui lui furent offerts pour conserver celle-ci, il l'abandonna en 1783, pour la direction du chœur de Saint-❘ Martin de Tours. Appelé à Paris, en 1784, pour faire exécuter plusieurs morceaux de sa composition au concert spirituel, il y obtint la maitrise des Saints-Innocents, sur la recommandation de Gossec, de Grétry et de Philidor. Sacchini était alors à Paris; le jeune maître de chapelle de l'église des Innocents lui inspira de l'intérêt ; il revit quelques-uns de ses ouvrages, et lui conseilla d'écrire pour le théatre. Devenue vacante, la place de maître de musique de la cathédrale de Paris fot mise au concours en 1786, et Lesueur, qui s'était mis sur les rangs, l'emporta sur ses rivaux et fut mis en possession de cet emploi. La règle l'obligeait à prendre le petit collet pour en remplir les fonctions; il dut s'y soumettre, et dès lors il fut connu sous le nom d'abbé Lesueur, quoiqu'il n'ait jamais été dans les ordres.

Agé de vingt-trois ans, et n'ayant obtenu jusque-là que d'éphémères succès, le jeune artiste n'était point connu du public; mais, dès ce moment, ses travaux prirent une direction qui fixa sur lui l'attention, et dont il ne s'est plus écarté jusqu'à la fin de ses jours. Ses pressantes sollicitations avaient obtenu de l'archevêque de Paris et du chapitre de Notre-Dame qu'une musique à grand orchestre fût établie dans cette église pour les fêtes solennelles; les moyens d'exécution que lui présentait cette réunion de voix et d'instruments lui permirent de réaliser ses vues concernant la musique d'église, et de faire entendre des motets qui excitèrent une assez vive sensa

tion. Les études de Lesueur avaient été faibles, parce que les circonstances n'avaient pas été favorables pour qu'il en fit de meilleures. D'ailleurs, il n'y avait réellement pas d'école en France dans sa jeunesse; les doctrines et les beaux modèles des grandes écoles d'Italie y étaient absolument inconnus. C'était donc en lui-même qu'il devait chercher le principe de sa direction, et son instinct le conduisit à le trouver dans l'imitation, et lui fit considérer la musique descriptive comme la meilleure, quei que fût l'objet de sa destination. Il est rare que les convictions de la jeunesse accompagnent un artiste dans les travaux de toute sa vie, sans être modifiées par sa propre expérience ou par des influences eirangères; mais la suite de cette notice fera voir que ces convictions furent inébranlables dans l'esprit de Lesueur, et que le principe d'imitation qui le guidait dans ses premiers travaux, le dirigeait encore au terme de sa carrière. C'est une considération qu'il ne faut point perdre de vue, si l'on veut apprécier avec justesse la valeur des œuvres de ce compositeur, et lui assigner la place qui lui appartient dans l'histoire de l'art de son temps.

Dans les années 1786 et 1787, la foule se pressa à l'église Notre-Dame pour entendre les motels de Lesueur; les journaux de ce temps émirent des jugements divers sur le mérite de ces morceaux, particulièrement sur un Regina coli, sur un Gloria in excelsis, et une ouverture (nouveauté inouïe) que le nouveau maitre de musique avait écrite pour la messe de Pâques. Les gens du monde approuvaient fort cette musique brillante; d'autres la condamnaient comme peu convenable à la majesté du culte, au recueillement de la prière; parmi ceux-ci, les plus emportés appelaient la musique de Notre-Dame l'Opéra des gueux. Lesueur, persuadé qu'il était nécessaire qu'il expliquât sa pensée, et qu'il ft connaître l'objet qu'il se proposait dans sa transformation de la musique d'église, fit paraitre, au mois de février 1787, un écrit intitulé: Essai de musique sacrée, ou musique motivée et méthodique, pour la fete de Noël, à la messe du jour. Paris, Hérissant, broch. in-8°. Il y exposait ses vues, à l'occasion de la messe qu'il avait fait exécuter le 25 décembre 1786, premier jet de sa Messe de Noël, une de ses productions les plus originales. Le succès de cet écrit ne réalisa pas ses espérances. Dans un pamphlet anonyme, daté de l'Ile des Chats fourrés, on attaqua avec violence le principe d'une musique qui transformait l'office divin en un spectacle, et l'on accusa Lesueur de s'être servi de la plume d'autrui pour écrire son Essai. Il répondit par une théorie

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plus étendue de son système dans un ouvrage qui a pour titre: Exposé d'une musique une, imitative, et particulière à chaque solennité, où l'on donne des principes généraux sur lesquels on l'établit, et le plan d'une musique propre à la fete de Noël. Paris, Ve Hérissant, 1787, in-8°. La préface de ce livre ne laisse aucun doute sur l'objet que se proposait Lesueur, car il dit en termes exprès, à propos des messes qu'il avait écrites pour Noël, Pâques, Pentecôte, l'Assomption, qu'il veut rendre la musique d'église dramatique et descriptive. Ce système était certainement une grave erreur, car la prière est une acte de dévotion, où l'âme s'efforce de s'isoler des passions humaines, et conséquemment du principe dramatique, pour s'élever jusqu'à Dieu, principe de toute sagesse. Et c'est pour avoir parfaitement compris ce dernier principe que Palestrina et les grands maîtres de son école ont, dans la musique d'église, une incontestable supériorité sur tous les autres compositeurs.

Dans le même temps où Lesueur publiait ses livres et faisait exécuter sa musique d'église, il présenta au comité de l'Académie royale de musique son Télémaque, grand opéra en trois actes qui fut reçu pour être représenté; mais, après plusieurs années passées en sollicitations infructueuses, il fut obligé de retirer son ouvrage et de rendre deux mille francs qu'il avait reçus à titre d'avances. Ce même opéra fut arrangé plus tard pour le théâtre Feydeau au moyen de la suppression du récitatif. D'autres tracasseries commencèrent pour lui dans le même temps. Le penchant qu'il laissait percer pour le théâtre et sa résistance aux désirs de l'archevêque et du chapitre de Notre Dame, pour qu'il entrât dans les ordres, lui nuisirent dans l'esprit des chamoines, dont le plus grand nombre désapprouvaient sa nouvelle musique comme trop mondaine et trop dispendieuse. Pendant les vacances de 1787, on profita de son absence pour la supprimer et rétablir l'ancien usage des messes com. posées pour des voix et des violoncelles et contrebasses. Lesueur n'avait accepté la maîtrise de la cathédrale qu'à la condition d'y réaliser ses idées de musique nouvelle; l'affront qui lui était fait en cette circonstance le détermina à se retirer. Ce ne fut pas le seul chagrin qu'il eut alors, car, à l'occasion de discussions qui s'élevèrent entre lui et le grand chantre de Notre-Dame pour le règlement des comptes de dépenses du chœur et de l'orchestre, ses ennemis prétendirent qu'il avait été chassé honteusement, et publièrent un pamphlet où sa probité était attaquée de la manière la plus violente. Roquefort possédait un

:

exemplaire de cet abominable libelle, qui avait pour titre Dessert des plats deson métier que M. l'abbé L*** a fait servir à Son E. Monseigneur l'archevêque de Paris et à messieurs du chapitre de la métropole (sans nom de lieu ni d'imprimeur), une demi-feuille in-8°. Il ne fallut pas moins qu'un mémoire publié par un conseiller au parlement, ami du jeune compositeur, et les certificats honorables des chanoines de Notre-Dame, pour lui rendre favorable l'opinion publique, un instant égarée dans cette affaire. Mais tel est l'effet de la calomnie qu'il en reste toujours quelque chose. Longtemps après, Lesueur, engagé dans de nouvelles discussions, vit reproduire par ses ennemis ces injurieuses imputations. Fatigué de ces intrigues et découragé par la calomnie, il se retira à la campagne chez M. Bochard de Champagny, vers la fin de 1788, et y passa quatre années, les plus heureuses de sa vie, uniquement occupé de composition. La mort de son bienfaiteur le ramena à Paris, en 1792. L'année suivante il fit représenter au théâtre Feydeau la Caverne, opéra en 3 actes, dont le succès fut populaire, et qui fut suivi, en 1794, de Paul et Virginie, ouvrage froid et rempli de longueurs, mais où l'on remarque de beaux choeurs, particulièrement un hymne au soleil, qui fut exécuté dans les concerts de Feydeau, après que la pièce eut disparu de la scène; puis on représenta au même théâtre le Télémaque, destiné autrefois à l'Opéra, et dont on avait remplacé le récitatif par un dialogue parlé.

Désigné dès l'origine du Conservatoire de musique de Paris comme un des inspecteurs, et membre du comité d'enseignement, Lesueur entra en fonctions en 1795, et coopéra avec Méhul, Langlé, Gossec et Catel, à la rédaction des Principes élémentaires de musique et des solfeges de cette école. Il prononça en cette qualité, aux obsèques de Piccinni, le 8 mai 1801, un éloge de ce grand musicien, ou plutôt un discours sur la musique dramatique, suivant ses propres idées. Peu de jours après commença au Conservatoire et au dehors de cet établissement une lutte d'intérêts où Lesueur n'eut peut-être pas toute la prudence nécessaire, et dont il fut victime. Deux de ses ouvrages (les Bardes, et la Mort d'Adam) avaient été reçus à l'Opéra, et leur rang de réception lui donnait le droit de les faire représenter; mais, soit que la musique de ces opéras ne fût pas achevée et que les partitions n'eussent pas été livrées, comme le prétendit alors Chaptal, ministre de l'intérieur, dans deux lettres qu'il écrivit à Lesueur à ce sujet, soit que des considérations d'une mise en scène plus facile et plus prompte leur eussent fait préférer

la Sémiramis de Catel, premier ouvrage dramatique de ce compositeur, ce fut ce dernier que l'administration choisit et mit à l'étude. Irrité de ce qu'il considérait comme une injustice, Lesueur écrivit à Guillard, auteur des poëmes de ses deux opéras, retiré à la campagne, et réclama son appui; mais ce littérateur, fatigué des tracasseries du théâtre,, répondit avec indifférence. Ce fut alors que parut un écrit de Lesueur qui amena une rupture éclatante entre lui et Sarrette, directeur du Conservatoire et protecteur de Catel. Cet écrit fut le signal d'une guerre violente entre le Conservatoire et ses détracteurs; il a pour titre : Lettre en réponse à Guillard sur l'opéra de la Mort d'Adam, dont le tour de mise en scène arrive pour la troisième fois au théâtre des Arts, et sur plusieurs points d'utilité relatifs aux arts et aux lettres; Paris, Baudoin, brumaire an x (octobre 1801), in-8° de 111 pages, avec un avertissement de 24 pages. Il faut l'avouer, cet écrit ne se fait remarquer que par de vaines et longues déclamations, des assertions hasardées, et des insinuations peu bienveillantes contre plusieurs artistes distingués et hommes honorables de ce temps. A peine eut-il paru que tous les vieux musiciens de l'Opéra et les partisans des anciennes écoles des maîtrises de cathédrales se réunirent autour de Lesueur pour lui former un parti, et que plusieurs pamphlets ainsi que des ar ticles de journaux furent publiés contre le Conservatoire, dont les brillants débuts annonçaient une génération nouvelle d'artistes remarquables; c'est ainsi que, dans l'espace de peu de mois, on vit paraître le Russe à l'Opéra, ou Réflexions sur les institutions musicales de la France (Paris, 1802, une feuille in-8°); une diatribe violente dans le Censeur des Théatres (18 germinal an x), une Lettre à M. Paisiello, par les amateurs de la musique dramatique (Paris, an x, in-8°); et la Fantasmagorie des Menus (Paris, 1802, in-8°), où le système d'enseignement suivi dans le Conservatoire était amèrement critiqué, tandis que celui des anciennes maîtrises était proposé comme un modèle parfait. Déjà Lesueur lui-même, oubliant sa position dans le Conservatoire, avait donné l'exemple de ce dénigrement, dans un écrit anonyme intitulé : Projet d'un plan général de l'instruction musicale en France; Paris, an Ix (1801), in-4° d'une feuille. Vivement irrités de ces attaques imprévues et multipliées, le directeur, les inspecteurs et les professeurs du Conservatoire firent rédiger et publièrent une sorte de factum intitulé: Recueil de pièces à opposer à divers libelles dirigés contre le Conservatoire de musique (Paris, an x, de l'imprimerie de P. Di

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dot), in-4° de 40 pages. Dans cet écrit, de vifs reproches étaient adressés à Lesueur, à l'occasion de certaines expressions de sa lettre à Guillard, considérées comme des attaques contre ses collègues, et l'on y rapportait des lettres sévères du ministre Chaptal à ce compositeur. Un ami de Lesueur, Ducancel (voyez ce nom), fit paraître, en réponse à ce factum un volume in-8° de 208 pages intitulé: Mémoire pour J.-F. Lesueur, l'un des inspecteurs de l'enseignement au Conservatoire de musique, au conseiller d'État chargé de la direction et de la surveillance de l'instruction publique, en réponse à la partie d'un prétendu Recueil de pièces, imprimé soi-disant au nom du Conservatoire, et aux calomnies dirigées contre le citoyen Lesueur par le citoyen Sarrette, directeur de cet établissement, et autres, ses adhérents, etc., Paris, vendémiaire an xi (1802). Ce mémoire, malheureusement empreint d'un caractère passionné, ne fut point utile à celui qu'on voulait défendre, car, lorsqu'il parut, Lesueur venait d'être destitué. Gerber a été trompé par de faux renseignements lorsqu'il a dit (Neues Lexikon der Tonkünstl.) que justice lui avait été rendue, et que Sarrette avait perdu sa place. Forcé de quitter le logement qu'il avait occupé au Conservatoire pendant sept ans, ne tirant aucun produit de ses ouvrages, et privé de tout revenu, Lesueur, père de famille, tomba dans la situation la plus malheureuse, et connut toutes les horreurs de la gêne. Je le vis alors chez Rey, mon vieux maître d'harmonie et son ami : le souvenir du désespoir qui l'accablait n'est pas sorti de ma mémoire.

Un événement inattendu vint tout à coup le tirer de sa pénible situation, pour le placer au poste le plus élevé qu'un musicien pût alors occuper en France. Depuis deux ans, Paisiello était maître de chapelle du premier consul Bonaparte : des considérations de santé lui firent demander sa retraite, au mois de mars 1804. N'ayant pu le déterminer à rester près de lui, Napoléon lui dit de désigner son successeur, et Paisiello, ami de Lesueur, le présenta comme le plus digne de le remplacer. Ce fut ainsi que de l'excès du malheur il passa sans transition à une position enviée par les plus grands artistes. Il profita de sa nouvelle situation pour faire re présenter les Bardes à l'Opéra. Cette pièce fut jouée en effet au mois de juillet 1804, et obtint un des plus beaux succès qu'il y eût eu à ce théâtre depuis dipe à Colone. La messe et le Te Deum qu'il écrivit immédiatement après pour le couronnement de l'empereur lui valurent la faveur de Napoléon, qui, ayant assisté au

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