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Assis sur les bords de l'Euphrate,
Dont le fier et rapide cours
Baigne les orgueilleuses cours
De qui Babylone se flatte.

Les trois premiers vers sont beaux; mais que nous importent ici le fier et rapide cours de l'Euphrate, et les orgueilleuses tours de Babylone? Est-ce que nous avons le loisir de songer à tout cela? Cum recordaremur Sion!

Malfilâtre commence ainsi :

Assis sur les bords de l'Euphrate,

Un tendre souvenir redoublait nos douleurs ;
Nous songions à Sion sur cette terre ingrate,
Et nos yeux, malgré nous, laissaient couler des pleurs.

C'est déjà plus simple; mais pourquoi la terre des bords de l'Euphrate est-elle ingrate si ce n'est pour rimer et ne pas être disparate? Pourquoi nos yeux laissaient-ils couler des pleurs malgré nous ? Le texte ne dit pas cela. C'est peut-être parce qu'il eût mieux valu cacher ses regrets à l'orgueil des vainqueurs? Pourquoi, puisque ces vainqueurs demandaient de la musique et de la joie? I! y avait alors du courage dans les larmes.

Essayons de traduire plus simplement et plus exactement: peut-être arriverons-nous à bien faire. Nos deux premiers vers sont tout faits dans le texte.

Près des fleuves de Babylone,
Nous nous sommes assis et nous avons pleuré.

Mais nous voici arrêté tout court par la rime. Madame Pernelle, dans Molière, est la seule qui soit parvenue à rimer richement avec Babylone.

Et c'est précisément la tour de Babylone,
Car chacun y babille et tout le long de l'aune.

Or, nous n'avons que faire ici des rimes de madame Pernelle, et nous voilà forcé, si nous voulons conserver notre premier vers, de cheviller un trône ou de faire intervenir une zone quelconque. Changeons donc le premier vers:

A Babylone, au bord des fleuves,
Nous nous sommes assis et nous avons pleuré,
Suspendant nos cithares veuves
Aux branches du saule éploré.

La rime nous a forcé encore d'ajouter deux épithètes: mais l'une de ces épithètes exprime une métaphore assez juste: la cithare est en quelque sorte l'épouse du chant, qu'elle accompagne et qu'elle embellit. On peut donc dire qu'elle est veuve lorsqu'elle est privée du chant qui la rendait féconde en accords. La seconde épithète fait image et caractérise le saule. Fort bien done: reprenons et continuons :

A Babylone, au bord des fleuves,
Nous nous sommes assis, et nous avons pleuré,
Suspendant nos cithares veuves
Aux branches du saule éploré.

Nous songions à la cité sainte,

Et nos vainqueurs disaient Sur des airs de chanson
Chantez nous votre gloire éteinte
Et les cantiques de Sion.

Hélas! sur la terre étrangère Comment chanterons-nous les hymnes du Seigneur!

O Jérusalem! ô ma mère!

Si je t'efface de mon cœur,

Que ma main tombe desséchée!

Si tu n'es le premier, le seul de mes amours,
Qu'au palais ma langue attachée
Reste muet:e pour toujours!

Seigneur, au jour de ta justice

Souviens-toi de nos pleurs et des enfants d'Edoni
Qui criaient : Qu'on l'anéantisse,
Qu'on efface jusqu'à son nom!
Babylone, ah! fille insolente,
Heureux qui te paira tes crimes triomphants!
Heureux, sur la pierre sanglante,

Qui pourra broyer tes enfants!

l'élégie sans rendre compte d'un charmant Nous ne terminerons pas cet article sur recueil de poésies que nous aimons à citer souvent, et qui a été publié à Paris en 1835, sous le titre d'Elégies chrétiennes, par maderente-Inférieure). Nous regrettons que cette moiselle Angélique Gordon, de Pons (Chademoiselle, fort âgée sans doute maintenant, si elle vit encore, n'ait pas conscrve les grâces modestes de l'anonyme qui donnait tant de charmes à la première édition de ses œuvres intitulées : Essais poétiques d'une jeune solitaire. Cette muse inconnue et si chrétienne se révélait alors par un parfum semblable à celui de la violette qui se cache; c'était beaucoup plus qu'une muse, c'était une virginité de talent et de vertu aussi a-t-on parlé beaucoup de la jeune solitaire et très-peu de mademoiselle Angélique Gordon.

Ses élégies n'en sont pas moins pleines de charmes, surtout la première, qui seule peutêtre dans son recueil appartient réellement et seulement au genre de l'élégie: car, sous ce titre, mademoiselle Gordon a réuni des ballades, des cantiques, des gloses, des dialogues et des chansons spirituelles. Nous en avons déjà cité plusieurs aux articles BALLADE et CHANSON. (Voy. ces articles.)

Toutefois nous ne saurions disconvenir que l'ensemble de ses poésies n'appartienne au genre élégiaque, tant par les sentiments doux et tristes qu'on y sent partout dominer, que par la pureté et la simplicité touchantes du style. Voici quelques-unes de ces pièces :

Saint Augustin pleurant son ami.

SUJET.

Saint Augustin a décrit l'amitié comme il l'a sentie, d'abord avec la véhémence d'un homme qui n'était pas encore chrétien, et qui s'attachait aux objets passagers aussi ardemment que s'ils avaient dû être éterne's; puis, avec cette sensibilité profonde, mais calme, d'un cœur solidement affermi en Dieu, et sûr de retrouver au sein du Père céleste les objets de son attachement sur la terre.

J'ai réuni dans les vers suivants les regrets de saint Augustin sur son ami de Thagaste, et ses espérances après la mort du vertueux Nébride.

« Tout ce que je voyais me semblait la mort..... Je haissais toutes ces choses qui ne pouvaient plus me dire: Le voici! comme elles me led saient durant sa vie, lorsqu'il était absent..... Je ne savais où reposer mon âme; rien ne lui plaisait plus, ni les riants bosquets, ni les jeux, ni les chants, ni les lieux les plus agréables, ni les festins, ni la lecture ni la poésie. » (Confess. liv. Iv, ch. 4 et 7.) « Maintenant, heureux pour toujours, il puise à la source spirituelle, et boit la sagesse avec avidité; mais je ne puis l'en croire assez enivré pour m'oublier, puisque vous, ô mon Dieu, qui l'abreuvez de votre essence même, vous vous souvenez de moi. »> (Lib. 1x, ch. 3.)

Ajoutons à ces passages celui d'un panégyrique de saint Victor, par saint Bernard:

« Victor nage dans un océan de d lices; mais il s'occupe encore de nous. La terre des saints qu'il habite n'est point une terre d'oubli. Le ciel ne refroidit point les cœurs ; il les rend, au contraire, et plus tendres et plus compatissants; il communique une nouvelle activité à leurs affections.» (Traduction de Godescard.)

Quels songes douloureux agitent mon sommeil!...
J'ai vu son œil mourant me regarder encore;
Il vivait, et pour nous allait briller l'aurore...
Les élans de l'espoir ont pressé mon réveil.
Séduisante et vaine espérance,

Tu rends mes tourments plus aigus:
J'appelle mon ami, je cherche sa présence:
Hélas! je ne le verrai plus!

Ecoutez... Jusqu'à moi quel long soupir arrive?
Est-ce lui? ses accents me sont si bien connus!
Malheureux! je lui prête une oreille attentive:
Hélas! je ne l'entendrai plus!

Mais l'aube matinale a chassé les ténèbres;
Une pâle lueur vient éclairer ces lieux;

Les objets qui frappent mes yeux
Rappellent à mon cœur des souvenirs funèbres.
C'est là qu'un doux repos suspendait ses douleurs.
Ce livre à nos loisirs prèta souvent des charmes :
Quand l'écrivain touchant faisait couler nos larmes,
Thagaste essuyait mes pleurs.

Combien tu nous plaisais, divine poésie,
Mais combien mes sanglots sont amers aujourd'hui !
Je suis seul, et sa main chérie

N'essuiera pas les pleurs que je verse pour lui.

A ma douleur vive et profonde
Qu'importe l'ombre de ces bois,
Le parfum de ces fleurs et la fraîcheur de l'onde,
Et le touchant concert des lyres et des voix ?...
Malheureux! je suis seul au monde,
L'image de la mort est tout ce que je vois.
Quand il vivait, ces eaux, ces fleurs, ce rocher même,
Tout disait à mes yeux émus:

Vous allez le revoir. Le voir, plaisir extrême!
Hélas! rien ne me le dit plus.

O mon Dieu! prends pitié des peines que j'endure!
A nos maux tu sais compatir :

En revêtant notre nature

Tu voulus apprendre à souffrir (1),
Et, sous les murs de Béthanie,

Quand Lazare au tombeau reposait endormi,
Bien sûr de lui rendre la vie,
Tu daignas pleurer ton ami.

1) Epitre de saint Paul aux Hébreux, ch. IV,

v. 15.

Oh! que ne puis-je au mien rendre aussi la lumière...
Qu'ai-je dit?... je murmure... Ah! pardonne, ô mon
[Dieu!
Voudrais-je l'arracher au charme de ce lieu
Où les pleurs à jamais fuiront notre paupière (1) ?
Ah! son amour au ciel ne s'est point affaibli;
La terre des saints qu'il habite
N'est point une terre d'oubli,
Comme ce triste monde où ma douleur s'agite.
Oui, qu'un doux souvenir m'unisse encore à toi,
Qui puises le bonheur à la source sacrée !
Pourrais-tu m'oublier, quand ton âme enivrée
Se pénètre d'un Dieu qui se souvient de moi?
Soupirs d'Ethelgive.

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Succombant aux ennuis d'une pénible veille,
Et donnant une trêve à ses longs déplaisirs,
Ma mère enfin légèrement sommeille,
Je puis exhaler mes soupirs....
Aide mes pas tremblants, ô ma douce compagne !
Je veux à la nature adresser mes adieux.
Le soleil disparaît au bas de la montagne,
L'éclat de ses rayons ne blesse plus mes yeux;
Un souffle parfumé rafraîchit la campagne,
Tout renait..... Seule, hélas! je languis en ces licux.

Adieu, vallon témoin des jeux de mon enfance!
Tu me vis croitre avec tes arbrisseaux :
Quand l'aquilon viendra dépouiller tes berceaux,
Il finira mon existence.

Son haleine glacée a flétri mes couleurs :
Telle sous les frimas périt la sensitive.....
Il finira mes jours..... et la pauvre Ethelgive
N'aura pas dix-sept fois vu la saison des fleurs.
L'automne, qui s'enfuit dans sa course rapide,
Ne la reverra plus près du ruisseau limpide.....
Beau lieu que j'aimais tant, pourquoi t'ai-je quitté?
Comme le lis de la vallée (2),

Tendre fleur, des champs èxilée,
J'ai rencontré la mort au sein de la cité.....

De crainte et de plaisir combien j'étais émue,
En ce jour où le monde, étalant ses attraits,
Pour la première fois vint éblouir ma vue!
Ah! qu'un moment d'erreur m'a causé de regrets!
Régnez, régnez en souveraine, ›
Disait à mes genoux un peuple adorateur :
Mériter vos dédains est notre unique peine,
Et vous plaire est notre bonheur..... ›
Insensés! ils juraient, dans leur délire extrême,
De me rendre un culie immortel!.....
Le Très-Haut de son trône entendit ce blaspheme;
Son regard renversa l'idole et son autel.....

J'ai langui, j'ai souffert, du monde abandonnée ; Il eût craint près de moi de gagner mon ennui; En folatrant il s'est enfui

Loin de sa reine infortunée.

Dans les cercles brillants, hélas! qui songe à moi?
Ces mondains si flatteurs, si légers, si volages
A des objets nouveaux prodiguent leurs hommages.
Le plaisir est leur dieu, l'égoïsme est leur loi
Janiais des cours si froids et des âmes si vaines
Dans la douleur d'autrui ne furent de moitié;
Je n'ai, comme Jésus, pour témoin de mes peines,
Que l'amour maternei et la tendre amitié.....

Quoi! j'ose à vos tourments comparer mes souffrances,
Vous qui pour mes péchés êtes mort sur la croix !
O mon Dieu! pardonnez : j'ai mérité cent fois
Le châtiment de mes offenses.

(1) Apocalypse, ch. vII, v. 17. Voyez aussi Isaie, ch. xxv, v. 8.

(2) Cantique des cantiques, ch. 11, v. 1 et 2.

Une vapeur brillante avait séduit mon cœur,
Je m'égarais dans une nuit profonde;
Vous, pour me détacher du monde,
Vous m'avez envoyé l'ange de la douleur.
Je m'unis à vos maux, j'accepte ce calice;
Mais lorsque mes regards se détournent des cieux,
Je vois ma mère, hélas! présente à mon supplice,
Et des larmes baignent mes yeux............

Toi, qu'un si doux lien unissait à ma vie,
Toi qui partageais tout, mes peines, mes plaisirs,
Isaure, ô ma fidèle amie,

Quand je ne serai plus, réprime tes soupirs;
Ah! console ma pauvre mère !

Qu'elle retrouve en toi mes soins et mon amour.
En précédant vos pas dans l'éternel séjour,

Pour vous sans cesse à Dieu j'offrirai ma prière.....

Pensive, à l'heure de partir,

Ma raison s'agrandit dans cette solitude;
J'ai sur le monde appris à réfléchir :
Il cause mon inquiétude;

Pourquoi jamais ne l'ai-je combattu?.....

Pour lui mon jeune cœur, timide, ardent, sincère, S'ouvrit au vif désir de plaire;

Il eût pour lui peut-être oublié la vertu.

Si ce cœur, innocent encore,

Contre un sévère honneur ne se reproche rien, Hiélas! je le sens trop, c'est un grand mal, Isaure, De n'avoir jamais fait le bien (1) !....

La fleur s'épanouit; le vent du soir l'effeuille,
Et disperse au hasard ses parfums dans les airs (2),
Qu'importe à cette fleur la ville ou les déserts,
Qu'un insecte la ronge, ou qu'un prince la cueille?
L'esprit n'habite point son calice embaumé;
Elle tombe sur la poussière

Sans avoir rien senti, sans avoir rien aimé,
Sans rendre compte au ciel de sa vie éphémère.
Deux matins j'ai brillé comme la jeune fleur;
Mais une âme, ardente étincelle,
Animait de ses feux ma dépouille mortelle,
Et le souffle de Dieu faisait battre mon cœur.....
Devant ce Dicu bientôt la tremblante Ethelgive
Rendra compte de ses talents,

Et du frivole emploi des précieux instants
D'une existence fugitive.

Econome infidèle, ai-je fait prospérer

Les bienfaits de mon divin maître?.... Elait-ce pour briller qu'il m'avait donné l'étre? Non, non, c'était pour l'adorer.....

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Aux rives du Gardon le devoir vous rappelle,
L'aube fuit, et déjà l'horizon étincelle,
D'Ellinor à jamais il faut vous séparer.
Vers l'automne, en ce lieu vous reviendrez encore,
Vous reverrez ce tertre, et le Gave, et l'aurore,
Mais vous serez seule à pleurer.

Ne cherchez pas, ô bonne Hélène,
A me dérober vos douleurs :

Sur mon front pâlissant vous lisez que je meurs :
Ah! je savais ma fin prochaine.

Des plantes et des eaux les secrètes vertus
Ont prolongé mes jours, mais ne m'ont point guérie.
Je m'éteins lentement..... Non, mes yeux abattus
Ne reverront jamais le ciel de ma patrie.

Beau lac de Killarney, torrents, voûtes des bois,
Pittoresque séjour où croissait mon enfance,
Je vous ai dit adieu pour la dernière fois
Ellinor dormira sous le gazon de France.

La France! déjà je l'aimais;
Hélène me la rendait chère :
Pouvais-je rester étrangère

A ce pays charmant auquel je vous devais?.....
Mais, et le monde et vous, tout va donc disparaitre !
Le sort, toujours constant à me persécuter,

Ne m'a permis de vous connaître,
Hélas! que pour vous regretter.......

Je cherchais à la fois un cœur qui sût m'entendre
Des talents distingués, de touchantes vertus
Lasse de mes vœux superflus,

Au bonheur, ici-bas, je n'osais plus m'attendre,
L'espoir d'un bien si doux me semblait une erreur
Que la raison devait combattre :
Enfin, j'ai rencontré ce cœur,
Mais le mien va cesser de battre.
A l'aspect du bonheur il s'était ranimé :
Pourquoi faut-il que je vous quitte!
Pourquoi faut-il briser si vite
Un lien à peine formé !

Qu'elle est récente la journée
Où, près d'Ellinor amenée,

Sur ce rocher mousseux Hélène vint s'asseoir!..
Des oiseaux gazouillaient sous l'aile de leur mère,
Ils inclinaient du saule une branche légère,
Bercés par la brise du soir.

Vers le mouvant rameau votre main étendue
Cherchait en vain à le saisir :

Et moi, je l'atteignis, tremblante de plaisir,
Mais le nid s'échappa de ma main trop émue;
Le Gave le reçut dans ses rapides eaux,
Et vos yeux attristés suivirent les oiseaux
Jusqu'au moment de leur naufrage...
De notre sort, Hélène, ah! c'était le présage!
Je suis le pauvre oiseau qui, du nid maternel,
Est tombé dans l'onde agitée;
Par les flots longtemps ballotée,
Je descends au gouffre éternek...

Qu'ai-je dit? oh! non, chère Hélène,
La tombe ouverte sous mes pas

Pour une éternité ne se fermera pas :
J'emporte en expirant l'espoir d'une chrétienne...
Si le fleuve des ans nous entraîne au cercueil,
L'âme, invincible passagère,

Echappe à ce naufrage, et, dans les bras d'un père
Se jette au sortir de l'écueil.

Vers le port du salut à mon tour je m'élance.
Si le ciel m'eût encore accordé de longs jours,
N'aurais-je pas quitté la France,

Et peut-etre, hélas! pour toujours?
Je pars: la mort n'est qu'une absence,
Dont les instants seront bien courts
Vous, qui restez sur le rivage,

Quand le soir votre cœur offrira son hommage

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Depuis que la hache révolutionnaire avait abattu le vénérable abbé de Fénelon, c'està-dire, depuis 1794, les pauvres enfants de la Savoie étaient abandonnés. Le vertueux abbé Legris-Duval, aidé de quelques bons jeunes gens, releva l'œuvre des Savoya:ds à Paris en 1816.

Une petite œuvre se forma sur ce modèle à Bordeaux en 1818. C'est dans l'ouvrage (1) de M. Adrien Dupuch qu'il faut lire les touchants détails qui la concernent; et c'est à Bordeaux même qu'il faut voir tout ce qu'il y a d'intéressant, de gracieux, d'aimable, tout ce qu'il y a de piété, de charité ingénieuse dans cette association d'enfants de 7 à 12 ans qui protégent les pauvres émigrés des montagnes. A diverses époques, une messe est dite à la chapelle des Savoyards pour les protecteurs et pour les protégés. Les Trésoriers apportent les recettes produites par la souscription d'un sou par mois de la part des associés, et les dons qu'ils ont recueillis dans leurs familles ou chez leurs amis. Des ressources si faibles en apparence ont suffi à tous les besoins de cette noire famille.

M. l'abbé Dupuch m'ayant demandé quelques vers pour son Essai sur les Savoyards, le morceau suivant a été inséré dans son ouvrage.

Non, Dieu ne veut point qu'il périsse
L'enfant que sur nos bords ramènent les hivers.
Donnez au Savoyard, et que Dieu vous bénisse;
Que les cieux pour vous soient ouverts!
Quand la saison de la tempête
Du foyer paternel a pressé son départ,
Comme l'Enfant divin, le petit Savoyard
N'a pas où reposer sa tête.

L'oiseau retrouve un nid sous l'abri d'un vieux toit,
Le renard, son terrier caché dans la campagne,
Et nul asile ne reçoit

Le pauvre enfant de la montagne.
Pourtant, sous des lambeaux défiant les frimas,
I jette vers le ciel un regard d'espérance ;
Déjà les cités de la France

Ont offert à ses yeux leur luxe et leur fracas....
Mais il succombe à la souffrance,

Et la faim ralentit ses pas.
Non, Dieu ne veut point qu'il périsse,
L'enfant que sur nos bords ramènent les hivers :
Donnez au Savoyard, et que Dieu vous bénisse,

Que les cieux pour vous soient ouverts!

‹ Mon fils! › dit un vieillard au voyageur novice, Ne prends pas conseil de la faim: Repousse le poison que l'organe du vice

Te propose en t'offrant du pain.

(1) Essai sur l'OEuvre des Petits Savoyards, 1 vol. in-8, à Bordeaux, chez les principaux libraires.

L'ange qui, plein d'amour, te garde sous ses ailes,
Elève un regard pur vers le maître des cieux,
H voit à chaque instant les splendeurs éternelles :
Ne lui fais pas baisser les yeux.

« Ah! demeure innocent comme auprès de ta mère,
Laisse au crime son or, et garde la misère..
Mais, hélas! je te vois pâlir:

Tes genoux ont fléchi, ta voix est oppressée, Ton front s'est appuyé sur la pierre glacée, ‹ Pauvre petit, vas-tu mourir?

Non, Dieu ne veut point qu'il périsse L'enfant que sur nos bords ramènent les hivers : Donnez au Savoyard, et que Dieu vous bénisse, Que les cieux pour vous soient ouverts!

‹ Cesse, ô mon fils! ta plainte amère;
Lève-toi, ne t'afflige plus :
Voici les anges de la terre,
Les enfants aimés de Jésus.
Vers toi l'Enfant-Dieu les envoie;
Les transports d'une sainte joie
Eclatent dans leur doux regard;
De charité leur cœur palpite,
Et c'est à qui sera plus vite
Auprès du pauvre Savoyard.
De leur main bienfaisante et pure
Tu peux recevoir sans danger
L'indispensable nourriture

Qu'elle apporte au jeune étranger. ›

Non, Dieu ne veut point qu'il périsse L'enfant que sur nos bords ramènent les hivers; Donnez au Savoyard, et que Dieu vous bénisse;

Que les cieux pour vous soient ouverts! Aimables bienfaiteurs, quel sort pour vous s'apprête! Un jour le Roi des rois acquittera la dette Des Savoyards reconnaissants; Et, devant tous les chœurs des anges, Jésus, répétant vos louanges, Vous dira ces mots si touchants: Venez, les bénis de mon Père! J'étais pauvre et mourant de faim : Vous m'avez nourri sur la terre, Venez à l'éternel festin!.....

ELOCUTION. (Voy. STYLE.)

ELOQUENCE.

9 août 1852.

Nous avons peu à nous occuper ici des préceptes de l'éloquence en général, qui se trouvent dans toutes les rhétoriques; quant à l'éloquence de la chaire, il ne nous appartient pas d'en parler après Fénelon, et pour le reste nous renvoyons nos lecteurs au Dictionnaire d'Eloquence religieuse, qui fait partie de cette Encyclopédie.

L'abbé Sabatier de Castres, dans son Dictionnaire de littérature, a fait sur l'éloquence de la chaire un fort bon article, que nous nous bornerons à transcrire tout simplement ici.

L'espèce d'éloquence consacrée à la religion se propose d'instruire les hommes des vérités que Dieu a révélées à son Eglise. Elle embrasse le dogme et la morale, c'est-à-dire les mystères et autres vérités spéculatives dont la connaissance est nécessaire au salut, les vertus chrétiennes et toutes les vérités de pratique qui tendent à la sanctification de l'homme; et, par une conséquence nécessaire, elle s'attache à combattre les erreurs. opposées à ces vérités, et à déraciner les vi¬ ces contraires à ces vertus. Ses deux princi

paux devoirs sont donc d'éclairer l'esprit et de triompher des résistances du cœur.

L'étude des livres saints et celle des Pères doivent être l'étude capitale d'un orateur chrétien. C'est dans ces sources qu'il puisera les principes du dogme et de la morale, les autorités propres à appuyer ses raisonnements, et l'unique fonds des vérités qu'il entreprend d'expliquer et de développer. La théologie et l'histoire ecclésiastique ne lui doivent pas être moins familières, soit pour distinguer exactement ce qui est de foi d'avec ce qui n'est que d'opinion, soit pour établir la religion par des faits; méthode que Dieu lui-même nous a tracée dans les Ecritures. A ces connaissances qui, pour le dire en passant, ne font point d'un prédicateur un homme aussi superficiel que l'imaginent certains esprits, ajoutons les secours qu'il peut tirer de l'éloquence humaine, non pour s'attirer une vaine réputation indigne de son ministère, mais pour ne pas rendre ce même ministère méprisable aux hommes par une négligence qu'on regarde faussement comme une perfection.

C'est en effet une erreur démontrée par le raisonnement et par l'expérience, que la parole de Dieu doit être annoncée sans art et sans ornement. On croit avoir foudroyé l'éloquence, quand on n'exige d'un prédicateur que la simplicité apostolique, et quand on allègue ce mot de saint Paul, que la prédication ne doit point être fondée sur les discours persuasifs de la sagesse humaine. L'apôtre a voulu dire seulement que la conversion des peuples et l'établissement de l'Eglise n'étaient point dus aux raisonnements et aux discours persuasifs des hommes, mais à la vertu de la croix, et que les apôtres ne faisaient as dépendre l'efficace de la parole des I grâces du langage auxquelles s'attachaient les orateurs païens. Mais si l'éloquence consiste principalement à convaincre et à toucher, saint P ul lui-même n'a-t-il pas été très-éloquent? Ses raisonnements dans ses Epitres aux Romains et aux Hébreux ne sontils pas serrés, subtils et profonds? Ses discours devant Félix et en présence de l'Aréopage ne sont-ils pas forts et véhéments? Et quelle idée les Lycaoniens n'eurent-ils pas de son éloquence, lorsqu'ils le prirent pour un autre Mercure, qu'ils regardaient comme le dieu de l'éloquence!

Quelques auteurs modernes ont pensé que l'étude de la rhétorique et la lecture des anciens orateurs profanes n'étaient d'aucune utilité pour l'éloquence de la chaire, parce que c'était un genre nouveau, inconnu aux anciens, qui ne s'étaient appliqués à former. des orateurs que pour la tribune et le barreau. Mais il semble que ces auteurs ont confondu le fond de l'éloquence avec la forme qu'on peut lui donner. Il est évident qu'on n'ira point chercher des modèles de sermons dans Cicéron ni dans Démosthènes; mais on y trouvera sûrement de l'ordre, de la véhémence, des agréments, qui contribuent la persuasion. Ce sont des couleurs applicables à toutes sortes d'objets: il ne s'agit que

à

de les employer habilement. La nécessité d'instruire, de toucher et de plaire, est indispensable à l'orateur chrétien comme à l'orateur profane. La persuasion est également le but de l'un et de l'autre; les moyens leur sont communs: toute la différence n'est que dans les sujets; l'art de les traiter est, dans le fond, à peu près le même.

En supposant ce principe, dont le developpement serait inutile, nous ne craindrons pas de définir l'éloquence de la chaire, comme Cicéron a quelque part défini l'éloquence en général: Hoc est proprium oratoris, oratio gravis et ornata, et hominum sensibus accommodata (De Orat. liv. 1). Ainsi, par application, l'éloquence de la chaire sera le talent de persuader, en parlant des matières de la religion d'une manière grave, ornée, proportionnée à l'intelligence et aux dispositions des auditeurs. Dès qu'elle sera grave, elle aura toute la bienséance et la majesté convenables à l'importance des sujets qu'elle traite. Proportionnée à l'intelligence des auditeurs, elle ne laissera rien à désirer pour leur instruction, et ne craindra pas de s'avilir en descendant jusqu'à eux. Ornée, mais avec la retenue qui convient à la religion, elle invitera les auditeurs, par l'attrait d'un plaisir innocent, à mieux goûter la vérité. Enfin, si elle sait tirer parti de leurs dispositions, les bien et fuir le mal, n'aura-t-e le pas rempli remuer à propos pour leur faire pratiquer le son principal objet, qui est d'incliner ou de vaincre la volonté? Saint Augustin n'en avait point d'autre idée, quand, appliquant à l'éloquence chrétienne ce que Cicéron avait dit de l'orateur, il ajoute que la prédication a trois fins que la vérité soit connue, qu'elle soit écoutée avec plaisir et qu'elle touche les cœurs (De Doct. Christ., liv. Iv).

Quoique ce soient là, en général, les trois principaux devoirs de l'orateur chrétien ainsi que de l'orateur profane, et que, pour arriver à son but, l'un doive comme l'autre connaître et employer les trois genres d'éloquence, toutes les matières qui sont du ressort de la chaire ne sont cependant pas également susceptibles de tous ces genres; tous les sujets ne doivent pas être traités du même ton. Les vérités spéculatives se contentent d'une exposition simple et de raisonnements solides; les vérités pratiques demandent plus de véhémence et de feu; les exemples qu'on propose à imiter veulent des couleurs attrayantes. Ce qu'on annonce à des auditeurs ignorants ou grossiers exige des détails plus approfondis et moins de suppositions que ce qu'on prononce devant un auditoire éclairé. Enfin il est des pièces d'éloquence destinées, en certaines occasions, à annoncer des événements intéressants, et à exciter, à leur occasion, la piété des peuples. C'est à quelqu'une de ces différentes classes qu'on peut rapporter les homélies ou prônes, les sermons de mystères et de morale, les panégyriques et oraisons funèbres, les conférences et les mandements des évêques. La théorie que nous nous proposons d'établir ne sera

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