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SCÈNE VII.

Les précédents, un garde.

LE GARDE.

Voici cet étranger qu'à vos pieds on amène.
NEMROD à Mesraïm.

Songe à faire honorer la grandeur souveraine;
Dis-leur que le pardon cherche le repentir,
Et que dans mon royaume ils doivent m'obéir.
Sortons, ma fille.

SCENE VIII.

MESRAÏM, ENOS, ADA, gardes.

ENOS. O ciel !

ADA.

Où sommes-nous, mon père?

ENOS.

Du farouche Nemrod c'est ici le repaire;
Le prêtre de Baal va nous interroger;
Le voici sur ce trône assis pour nous juger.

MESRAÏM.

Approchez sans rien craindre, étranger vénérable; Le malheur vous protége et vous rend moins cou[pable.

ADA.

Mon père, il est bien jeune, et ses regards sont doux.

ENOS.

Craignons sa voix flatteuse, espérons son courroux.

MESRAÏM.

Qui cherchiez-vous ici, quel pays vous vit naître?

ENOS.

J'ai connu cette terre avant qu'elle eût un maître;
Voici bientôt cent ans: je suis né dans des lieux
Que n'avaient point souillés les autels des faux dieux.
Je m'en suis exilé... Mais cette voix si tendre
Me trouble, et malgré moi je frémis de l'entendre.
Ce regard...ô grand Dieu! combles-tu mes malheurs?
M'avais-tu réservé cet excès de douleurs !...
De mon fils égorgé par un barbare maître
Je viens chercher l'enfant; c'est ici qu'il doit être.
Jeune homme, à votre tour, parlez, répondez-moi :
Quelle est votre famille? Etes-vous fils du roi?
Votre nom? Dieu puissant, rends-le-moi pur encore,
Et fais-moi retrouver un enfant qui t'adore.
Oh! dis-moi, Dieu puissant, dis que ce n'est pas lui.
MESRAÏM.

Au culte de Baal consacré d'aujourd'hui,
Je suis un orphelin qui n'ai point vu mon père;
Mais vous tremblez! Quoi donc? ô terreur! ô misère !
Quoi! le fils, dites-vous, d'un père assassiné
Dans ce palais impie à languir condamné,
Quel affreux souvenir!.. ô mes rêves d'enfance!
Mais qui donc à Nemrod livra son innocence?

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Honteux d'un titre impur qu'il n'eût pas accepté, Nemrod l'avait choisi pour le chef de ses prêtres...

ENOS.

Et tu n'as pas tonné, grand Dieu de nos ancêtres!
Quand pour chercher mon fils, affrontant le trépas,
Mon cœur le voyait mort, il ne se trompait pas.
O Nemrod! que sur toi retombent nos misères !..
Comment t'a-t-il caché, le grand Dieu de tes pères,
Dont l'univers entier proclame la grandeur,
Et qui du eiel profond déroule la splendeur?
Comment t'a-t-il fait croire à son infàme idole,
Son dieu sans mouvement, sans âme et sans parole?
Non, tu n'es pas le fils du martyr Azraël;
Vil prêtre de Baal, rends-moi mon Ariel.

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Ils nous ont séparés. Veille sur mon vieux père,
Dieu puissant! et soutiens le zèle de mon frère !
Je suis seule en ces lieux qu'assombrit la terreur;
De l'antre des lions j'ai su braver l'horreur,
Et malgré moi je tremble au fond de cette tombe.
O Dieu! ne permets pas que jamais je succombe.
Ces voûtes de leur poids écrasent mes douleurs,
Et ces mornes piliers semblent suer des pleurs!
Grandes voix du désert et des forêts profondes,
Où des bruissements roulent comme des ondes;
De l'air et des oiseaux gazouillements confus,
Mon âme vous écoute et ne vous entend plus;
Car je suis parvenue au terme de la vie
Dont l'espoir dans nos bois flattait ma jeune envie.
Près d'un frère perdu qu'il fallait secourir,
Enos m'a ramenée en åge de mourir !
Que de pleurs il versa sur ma débile enfance
Qu'il ne pouvait laisser sans guide et sans défense!
Et combien j'ai frémi d'espoir mêlé d'effroi,
Lorsque, pour affronter le martyre sans moi,
Il remit en mes mains ces pages révérées
Où Noë de son Dieu grava les lois sacrées !
J'ai caché ce trésor, et j'ai suivi ses pas,
Pour trouver avec lui mon frère et le trépas.
Veillez, anges du ciel, sur ce noble héritage!
Qu'il transmette aux élus votre espoir d'âge en age;
Dirigez le proscrit qui viendra le chercher,
Aux regards des pervers veillez pour le cacher.
Que j'expire du moins sans cette inquiétude!
Mais mon corps affaibli cède à sa lassitude..

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Elle dort, et c'est moi que le chagrin tourmente;
Captive en ses grandeurs, mon âme se lamente,
J'ai peur que mon palais ne m'entende gémir,
Et dans ce noir cachot cette enfant peut dormir.
Suis-je donc en effet le maître de la terre,
Moi qui veux à mes pieds asservir le tonnerre,
Et qui viens, le cœur triste et la pâleur au front,
Dans le fond d'un tombeau recevoir cet affront?
Elle dort! et j'attends, moi son juge et son maître,
Le réveil d'une esclave et son mépris peut-être!
Quel est donc ce pouvoir qu'ils nomment la vertu?
Par les pleurs de Zelpha mon cœur est abattu:
Pourquoi l'ai-je exposée au mépris d'un barbare
Qui par le même orgueil l'aimait et s'en sépare?
Hélas? de mon bonheur l'astre s'est obscurci,
Nemrod rival de Dieu! Que viens-tu faire ici ?
Es-tu roi maintenant, pour la nuit qui t'écoute
Avouer à ton cœur l'affreux tourment du doute?
Non, je ne doute pas, je suis roi, je suis Dieu !
En vain mon diadème est un cercle de feu !
Ce front qu'il a ridé sous son poids se relève,
Et malheur à qui peut m'insulter... même en rève!
Captive, éveille-toi? jeune fille, entends-tu ?
ADA rêvant.

Mon père !.... je suis digne encor de ta vertu.

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NEMROD.

De ses adorateurs je puis sauver les restes.

ADA.

Peux-tu rendre la vie à ceux qui ne sont plus?
Mais je n'écoute pas tes discours superflus,
Va-t'en.

NEMROD.

Je puis du moins rendre la mort affreuse : Oseras-tu braver la torture hideuse?

ADA.

Tes bourreaux malgré toi me donneront la mort, Et je succomberai sous leur premier effort.

NEMROD.

Faut-il qu'à mes hienfaits ton orgueil s'endurcisse ?

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NEMROD.

Tu sentiras bientôt les vengeances d'un roi.

ᎪᎠᎪ.

J'ai pitié de la rage, et vais prier pour toi.

SCÈNE III. ADA, puis ARIEL.

ADA.

Tu triomphes par moi de ce tigre farouche,
Seigneur, et ton esprit a parlé par ma bouche;
Maintenant il me livre au poids de mes douleurs,
Et je sens que mes yeux se remplissent de pleurs.
Voix d'ARIEL.
Ada?

M'appelle-t-on ?

ᎪᎠᎪ.

ARIEL. Ma sœur Ada?

ADA.

Qu'entends-je ?

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ARIEL.

Sois sans crainte :

Au moindre bruit de pas que j'entends s'approcher,
Derrière ces débris je saurai me cacher.
Dans la prison voisine Enos est là qui veille,
Et doit de toute approche avertir mon oreille.
Oh! combien ses discours ont éclairé mon cœur!
Par son enthousiasme il calmait ma douleur,
Quand de mon triste amour l'importune mémoire
Du Dieu qu'on m'a rendu balançait la victoire.
Mais les moments sont chers; écoute, il me parlait
D'un livre précieux pour lequel il tremblait ;
Il t'avait confié ce dépôt redoutable,
Lorsque, pour me chercher dans la ville coupable,
Il te quitta naguère aux portes de Babel :
C'est le livre d'Hénoch, l'un des neveux d'Abel,
D'un testament si saint seul trésor du prophète.
Le destin dans ses fers l'afflige et l'inquiète,
Qu'en as-tu fait, ma sœur?

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ZELPHIA.

Je viens chercher la mort ou sauver mon époux.

ᎪᎠᎪ.

Celui qui l'a jugé n'est-il pas votre père?

ZELPHA.

Oh! pitié, jeune fille, et parlons de ton frère :
Que me font de Nemrod le titre et le courroux ?
Mon père, mon ami, mon Dieu, c'est mon époux !
Oh! si tu comprenais les douleurs d'une amante,
Tu prendrais en pitié l'horreur qui me tourmente.
Sœur d'Ariel, pourquoi détournes-tu les yeux ?
Ai-je donc pu choisir ma patrie et mes dieux ?
Mais lui, je l'ai choisi, mon bonheur, mon beau songe,
Mon amour seul est vrai; le reste est un mensonge;
Et pour ce triste amour j'oublie en ce moment
Mon père, mes grandeurs, mes trésors, mou serment.
Oh! laisse-moi baiser tes chaînes que j'envie,
Car les dieux de mon père ont tant flétri ma vie,
Et m'ont fait près du trône un destin si cruel,
Que je veux dans les fers croire au Dieu d'Ariel:
Jusqu'à la porte sombre échappée en silence,
J'ai de tes gardiens payé la complaisance;
Ceux de mon Ariel, plus nombreux et plus durs,
N'offraient nulle espérance à mes efforts peu sûrs;
Mais on dit qu'en ces lieux une ruine antique
Avec son noir séjour dans l'ombre communique.
ADA la retenant.

Voulez-vous l'amollir par un coupable feu
Et le rendre infidèle a son père, à son Dieu !

ZELPHA.

Je connais Mesraïm, et jamais, je le jure,
Jamais un âche amour ne le rendra parjure.
Mais puisqu'il veut mourir, joyeuse en frémissant,
Pour le confondre au sien j'apporte tout mon sang.
Laisse-moi l'appeler, il saura me comprendre.
Mesraïm !... Ariel!... dieux !...

ARIEL, se jetant dans ses bras.

Il vient de t'entendre ! Oui, de ton saint amour j'accepte la grandeur, Ada! viens embrasser mon épouse et ta sœur?

SCÈNE V.

Les précédents, ENOS.

(Enos entre par où Ariel est entré.)

ENOS.

Tu tardes bien, mon fils: oh!.. vers vous c'est à peine
Que ma lente vieillesse avec effort se traîne ;
Mais j'ai voulu moi-même aussi la voir encor,
Mes enfants! Mon Ada, qu'as-tu fais du trésor ?
C'est moi, ne craignez rien, sous ces pierres muettes
J'ai fait ramper vers vous mes douleurs inquiètes.
Mais que vois-je? est-ce un rêve, une erreur de mes
[sens?

La fille de Nemrod aux bras de mes enfants!

ZELPHA.

Nemrod veut désormais que sa fille périsse, Puisqu'il a condamné mon époux au supplice.

ARIEL.

Père, elle est exilée et veut nous suivre au ciel.

ADA.

Elle abjure ses dieux pour le Dieu d'Ariel.

ARIEL.

Pour ne plus la quitter j'allais servir un maître ; A l'horrible Baal j'avais pu me soumettre : C'était plus que mourir ; je ne m'étonne pas Qu'elle ose par amour affronter le trépas.

ENOS.

Jeune fille, vos mains sont bien tendres encore Pour porter les liens dont un martyr s'honore,

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