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leur signification et leur valeur naturelle ou allégorique, de sorte qu'un petit paquet gros comme le pouce, si l'on a égard à ce qu'il renferme, compose un discours fort expressif, qui s'entend par l'interprétation de chaque chose que l'on envoie en forme de bouts-rimés.

« Ainsi, pour faire entendre: Nous sommes tous deux du même sentiment, il faut envoyer une fleur d'ambrette. Du sucre signifie, Je vous désire; du charbon signifie, Je suis prêt à mourir, etc., etc..... »

Quelquefois on joue sur le nom des objets pour leur faire exprimer un mot étranger à leur nature, et alors la science des selam se réduit aux modestes proportions de ce que les enfants et les personnes désœuvrées appellent parmi nous des rébus.

Ces traditions orientales sont incontestablement fort anciennes. Les prophètes parlaient souvent par signes hieroglyphiques, et mettaient la parole en action. Leurs écrits sont pleins de figures qui pourraient sembler étranges à ceux qui n'en pénétre raient pas le sens, et Voltaire a eu bon marché de l'ignorance vulgaire pour faire rire les autres de ce qu'il ne comprenait pas luimême. Plus versé dans le génie des langues orientales et dans l'esprit de la science primitive, il aurait vu que rien dans la Bible n'est mis au hasard ; que les mots, les nombres et les figures y ont leur mystère, ce qui explique comment la lettre tue pendant que l'esprit vivifie; mais que lui importait tout cela? Il voulait faire rire, et il n'y a rien de bien plaisant dans la science et dans la vérité.

§ 2. Raison d'être de l'allégorie considérée dans son emploi.

Que le langage allégorique et figuré soit nécessaire, surtout dans les choses religieuses, on ne saurait en douter, après les paroles et les exemples de Notre-Seigneur lui-même. Ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, disait la Vérité incarnée, de peur qu'ils ne les foulent aux pieds, et que, se journant contre vous, ils ne vous déchirent.

Je parle à ce peuple en paraboles, disait il encore, afin qu'en voyant ils ne voient point, et qu'en écoutant ils n'entendent point. Car la bonté divine ne voulait point les rendre plus coupables encore, en leur faisant clairement entendre des vérités qu'elle ne les trouvait pas disposés à bien accueil

lir.

Le temple de Jérusalem avait son sanctuaire intérieur, où le peuple n'entrait ja mais. Ce sanctuaire, appelé le Saint des saints, était toujours fermé par un voile ce voile représentait l'ésotérisme des anciennes figures qui devait se déchirer à la mort du Sauveur, pour révéler l'alliance nouvelle. Aussi la mort du Sauveur mit-elle fin aux religions allégoriques, pour inaugurer la religion historique et réelle dont le grand culte de Moise ne contenait que la figure; mais le Sauveur, en venant mettre fin aux sacrifices et aux dogmes figuratifs, se

servit encore de quelques images pour proportionner la lumière aux faibles yeux des nouveaux voyants: J'ai encore bien des choses à vous dire que vous ne pouvez pas supporter maintenant ; mais quand viendra l'Esprit de vérité, il vous enseignera toute rérité et vous suggérera'ce que je vous aurais dit.

L'allégorie et les paraboles d'ailleurs sont assez justifiées par la nature même de l'homme, qui, semblable aux enfants, ne consent volontiers à approcher de ses lèvres la coupe amère de la vérité que si l'on en adoucit les bords avec le miel des fictions, pour me servir ici d'une belle comparaison du Tasse. L'allégorie et la parabole sont les apologues du genre religieux (Voy. PARABOLE), et l'on sait combien l'apologue a de charme pour l'imagination des enfants, et avec quelle facilité il aide à graver dans leurs jeunes esprits les premiers préceptes de la morale. Ils lisent aussi plus volontiers dans des livres illustrés d'images; or les allégories, les apologues, les comparaisons et les métaphores sont les images du dis

cours.

Plaider la cause des images, c'est s'occuper du sort de la littérature tout entière, mais surtout de la poésie. Du reste, les images peur usage, et une critique sévère doit prépeuvent avoir leur abus, aussi bien que sider à leur emploi. Les règles de cette critique seront l'objet du paragraphe suivant; mais, appuyé sur des autorités irrécusables, nous établissons ici la raison d'être des figures poétiques, et l'on nous permettra de trouver aussi peu catholiques en littérature les iconoclastes de la pensée, que nous d'images du Bas-Empire et de la prétendue trouvons absurdes en religion les briseurs

réforme.

§3. Règles à observer dans l'emploi de l'allégorie.

:

Nous croyons pouvoir rapporter ces règles à deux principales, qui sont la couvenance et la justesse la convenance doit s'observer d'abord relativement au sujet, et en effet peu de sujets comportent l'emploi des figures allégoriques; le devoir des orateurs et des écrivains religieux étant plutôt d'expliquer les figures des livres saints que d'en inventer de nouvelles, ils doivent se garder de faire un emploi inutile de ces beautés littéraires qui, déplacées, ne deviennent plus que de l'affectation et de l'enflure. Pourquoi dire au figuré ce qu'on peut convenablement et facilement énoncer au propre? Les images doivent faciliter et non distraire l'intelligence du discours; il ne faut mettre en images que les choses difficiles à faire accepter autrement, ou qui sont de nature à être senties par le cœur plutôt que comprises par l'entendement (car l'imagination s'adresse plus volontiers au cœur qu'à l'esprit, et les êtres plus affectifs que spirituels, comme les femmes et les enfants, sont plus facilement dominés par la faculté imaginative). Il faut bien comprendre qué la poésie ressemble aux chan.ons des nourri

ces, et que sa première mission est d'endormir les petits enfants, mais que ces chansons, quelque gracieuses qu'elles puissent être dans leur usage providentiel et naturel, deviendraient déplacées et même ridicules si on les substituait au langage des hommes faits. Ce que nous disons ici s'applique spécialement à ce genre, improprement nommé romantique, qu'on a essayé quelquefois, dans ces derniers temps, d'introduire dans la chaire chrétienne, quelques orateurs, d'ailleurs peut-être bien intentionnés, croyant augmenter l'intérêt de la parole sainte en donnant aux explications de l'Ecriture les formes métaphoriques et orientales du texte même, en enchérissant sur le texte et en essayant en quelque manière de rivaliser sinon d'inspiration, du moins d'obscurité, avec les passages les plus profonds des prophètes où des apôtres. Ce genre justement condamné par les hommes graves, trouve son premier et principal écueil dans le ridicule qui s'y attache facilement, parce qu'il accompagne ordinairement le mauvais goût. Il faut plaindre les orateurs qui ne trouvent pas assez d'élégance dans Massillon, assez de charme dans Fénelon, assez de solidité dans Bourdaloue, assez de génie dans Bossuet, et qui cherchent d'autres modèles.

Au reste, la convenance étant la première règle du bon style et se rapportant à l'usage des allégories et des figures comme à toutes les autres qualités de l'art de parier et d'écrire, cette convenance se réglant nonseulement sur le sujet qu'on traite, mais sur le caractère des lecteurs ou des auditeurs auxquels on s'adresse, et sur le goût dominant de l'époque où l'on exerce le ministère de la parole, il ne faut pas trop accuser les écrivains ou les orateurs sacrés qui sacrifient aux modes littéraires de leur temps et si plient au goût de ceux qu'ils sont appelés à instruire ou à convertir. On sait qu'un des caractères de la charité est de se faire tout à tous; est-on bien sûr cependant de vivre à une époque si dépravée en matière de goût, qu'en s'appuyant sur les vérités éternelles pour en déployer dans un style toujours pur les beautés toujours anciennes et toujours nouvelles, on aurait légitimement à craindre de ne rencontrer que des distractions et du dégoût? Ne vaudrait-il pas mieux essayer de conquérir son siècle que de se laisser gagner par lui? Ce sont des questions qu'il appartient à la conscience et au talent des orateurs et des écrivains de résoudre; mais, quelle que soit la résolution à laquelle on s'arrête par suite de ces considérations, il est certain qu'en parlant ou en écrivant selon les manies du miauvais goût, si l'on peut avoir quelquefois la conscience d'un saint et le zèle d'un apôtre, on ne doit jamais aspirer à la réputation d'un bon écrivain ni d'un orateur irrépro

chable.

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nature et de la raison. Toute comparaison cloche, dit un proverbe, et le proverbe a raison, si la comparaison ne devait tirer sa justesse que d'une similitude absolue; mais les similitudes absolues n'existent pas dans la nature: il n'existe pas dans le monde entier, dit-on, deux feuilles d'arbres qui se ressemblent au point d'être parfaitement identiques; il faut donc se contenter d'une similitude relative, et cette similitude sera juste si on la trouve dans des rapports réels. Ainsi, lorsque l'écrivain sacré dit, en parlant de Dieu : Il s'est revêtu de la lumière comme d'un vétement, l'imagination ne cherche pas à compléter tous les rapports qui pourraient ne pas exister entre la lumière et un vêtement, relativement à Dieu qui n'a pas de corps, et relativement à la lumière qui est impondérable et intangible; elle s'arrête seulement à cette magnifique idée que la lumière, qui revêt toute la nature de magnificence et de beauté, est comme un voile pour la splendeur de Dieu, que la clarté créée s'étend comme une ombre sur la lumière incréée, et que le plus subtil des fluides, si la lumière est un fluide, ne doit être considéré que comme une enveloppe grossière qui cache à nos conceptions l'essence du plus pur des esprits. Voilà donc une comparaison qui cloche, si l'on veut absolument s'en tenir au proverbe, mais qui n'en satisfait pas moins l'esprit d'une manière complète. Au contraire, prenons au hasard une comparaison dans un de nos célèbres poëtes modernes qui ont imité la Bible plutôt systématiquement que savamment : j'ouvre les odes de M. Victor Hugo, et j'y lis ces paroles adressées à Dieu :

De ton éternité le temps se précipite;
Tu tiens entre tes mains le monde qui palpite,

Comme un passereau sous nos doigts. Ici l'image étonne, mais ne satisfait pas le temps est comparé à un fleuve dont l'éternité est la source, et ce fleuve se hâte de couler; il se précipite, probablement parce que sa source doit bientôt tarir. Mais comment pouvons-nous voir dans l'éternité une source tarissable ? D'ailleurs, le temps sortil de l'éternité? et s'il en sort, où va-t-il? Ce fleuve qui a sa source dans l'éternité, où at-il son lit et son embouchure? Le poëte ne nous le dit pas, et toutefois cette première image est grande et belle, comparée à celle qui suit; mais le monde comparé à un passereau qui palpite sous nos doigts, quel abus des figures! Traduisez celle-ci en style trivial, et soutenez sans rire que le monde ressemble à un pierrot; puis figurez-vous un pauvre petit oiseau palpitant de douleur et de crainte sous la grossière pression des doigts d'un enfant, qui le blessent; ses mouvements inquiets, ses efforts pour dégager ses ailes et s'envoler, et dites-nous si la main de l'enfant, ou de l'oiseleur, si vous voulez, ou même du curieux indiscret et cruel, vous donne une représentation bien juste de cette main si douce de la Providence qui nous soutient sans nous retenir,

et nous dirige sans nous presser? Dites-nous si le pauvre petit captif, palpitant et effaré, vous offre une image bien satisfaisante pour l'esprit et pour le cœur, de ce monde qui tomberait dans le néant, si Dieu cessait un seul instant de le soutenir. Cette comparaison est donc mauvaise, parce qu'elle manque de justesse, et une allégorie où l'on nous offrirait le monde sous la figure d'un oiseau captif, et Dieu sous la forme d'un oiseleur, ou d'un enfant cruel, ou d'un curieux mal avisé, ne serait comprise de personne.

Malebranche et Pascal, deux grands hommes, cependant, et d'un jugement supérieur, mais qui n'avaient jamais tourné leurs réflexions du côté de la poésie, en sont venus, sans doute par suite de lectures mal choisies en ce genre, à douter de l'existence réelle de la poésie elle-même. Malebranche comparait tous les vers imaginables à ce distique ridicule, improvisé laborieusement par lui: Il fait en ce moment le plus beau temps du monde, Pour aller à cheval sur la terre et sur l'onde. Pascal attribuait l'origine de la poésie à je ne sais quelle convention imaginaire d'accoupler ensemble de grands mots étonnés de ce rapprochement, comme fatal laurier, bel astre, et en conséquence il ne trouvait rien de si futile: qu'eût dit l'inventeur de la machine à calculer, si on lui avait démontré que la vraie belle poésie est le résultat d'une science exacte, et que ses comparaisons, ses métaphores et ses allégories sont de véritables équations? Qu'eût répondu Malebranche si on lui eût affirmé que le beau en poésie correspond exactement à ce qu'on appelle le vrai en philosophie, et que la mesure poétique obéit, comme la géométrie, aux lois du nombre et de la comparaison? Les grands poëtes sont des mathématiciens sans le savoir, car la beauté incontestable de leurs productions est le résultat de leur exactitude. Les mots sont les chiffres de la pensée, et les figures sont l'algèbre du génie. Il n'y a de beau que ce qui est vrai, et ce en littérature, c'est l'exactitude, et l'exactiqui est vrai est toujours juste. La justesse tude est le propre des sciences mathématiques. Ferons-nous un sorite vicieux en concluant que le bon poëte est donc un véritable mathématicien? Notre conclusio 1 ne serait vraie que dans un sens, celui que nous avons indiqué en appelant le poëte un mathématicien sans le savoir: car malheureusement, en effet, peu d'esprits enclins à la poésie ont en même temps du goût pour l'étude des mathématiques, peut-être parce qu'en les forçant de s'apercevoir qu'ils sont mathématiciens, on les ferait cesser d'être poëtes, et qu'ils préfèrent les jouissances

d'une science dont ils devinent les beautés aux difficultés de cette même, science dont les aridités les fatiguent et les découragent. § 4. Exemples. -Allégories ou symbolisme de la Bible.

Sans entrer ici dans les admirables explications des Pères, qui considèrent l'Ancien Testament tout entier comme une figure du

Nouveau, nous nous bornerons à faire remarquer les grandes images du style de Moïse et des prophètes : Dieu se lève comme un guerrier pour défendre son peuple; il plane sur Israël comme un aigle qui vole au-dessus de ses aiglons. Il lève sa main jusqu'au ciel et jure par lui-même que l'éternité est à lui. Il s'assied sur les chérubins et il vole; il marche sur l'aile des vents; les ténèbres sont la retraite où il se cache, le soleil est le pavillon de sa gloire.

Aujugement de plusieurs docteurs en exégèse, le livre de Job est une longue allégorie qui a pour but d'expliquer la divine raison de la douleur (Voy. l'article JoB). La forme dramatique de ce poëme est des plus saisissantes, et Goëthe, un des plus célèbres poëtes de l'Allemagne, en a copié le début au commencement de son drame de Faust.

Lo Cantique des cantiques est aussi une allégorie, où, sous la figure du bonheur de deux époux, le prophète a représenté l'alliance intime de Dieu avec les âmes saintes.

Le livre de l'Ecclésiaste se termine par une série d'allégories presque énigmatiques pour représenter le temps de la vieillesse. Souviens-toi de ton Créateur dans les jours de ta jeunesse, dit l'Ecclésiaste, avant que vienne le temps de l'affliction et que s'approchent les années dont tu diras: Elles ne me

plaisent point; avant que s'obscurcisse le soleil, et la lumière, et la lune, et les étoiles, et que les nuées ne reviennent après la pluie ; quand seront ébranlés les gardiens de la maison, quand chancelleront les hommes les plus forts, quand les meunières moins nombreuses seront oisives, et quand se troubleront les regards de ceux qui voient par les fenêtres: quand on fermera les portes sur la place à cause de la faible voix du meunier; quand on se lèvera au cri de l'oiseau, et quand deviendront sourdes les filles de la poésie.

Les hauteurs craindront, et la terreur sera s'engraissera, le caprier se desséchera, parce sur la voie; l'amandier fleurira, la sauterelle place publique; avant que soit cassé le fil d'arque l'homme s'en ira dans la maison de son éternité, et l'on passera en' pleurant sur la

gent, et que retourne sur elle-même la bandelette dorée, et que la cruche soit brisée sur la fontaine, et que la roue se rompe sur la citerne, et que la poussière retourne dans sa terre d'où elle était venue, et que l'esprit retourne à Dieu, qui l'avait donné.

Nous n'avons pas besoin de faire ressortir la grâce mélancolique de ces images, ni d'en expliquer une à une les allégories. La Bible seule possède le secret de cette poésie qui saisit l'âme sans effort et s'empare de toute les images les plus simples. Anacréon luil'imagination, en n'employant pourtant que même eût-il trouvé quelque chose d'aussi gracieux que cette comparaison de la tête fleurit, et les oreilles qui sont appelées les blanchissante du vieillard avec l'amandier qui filles de la poésie, parce qu'elles ont été en quelque sorte allaitées et nourries de douces chansons, et toute cette peinture d'une belle saison qui s'en va, d'une maison qui se dé

peuple, d'une ombre qui s'accroît autour d'une solitude, n'est-ce pas bien le soir de la vie avec toute la tristesse de son dernier sourire et l'épouvante de la nuit qui va suivre! Comme ce tableau termine bien l'Ecclésiaste, ce chant d'un cœur découragé de toutes les chimères du monde : Hélas! tout change, tout s'en va, tout nous abandonne. Vanité donc que la jeunesse et ses plaisirs; vanité que l'âge mûr et ses ambitions; vanité que la rieillesse et ses inutiles prévoyances; vanité de vanités, et tout est vanité, excepté d'aimer Dieu et de le servir!

§ 5. Allégories religieuses des anciens peuples. En comparant ensemble les allégories des symbolismes anciens, l'auteur de l'Essai sur l'indifférence en matière de religion y a trouvé un tel pressentiment de nos dogmes, qu'il en est venu à supposer une révélation ancienne, complète, unique, universelle, dont les fables antiques seraient des réminiscences confuses. Mais pourquoi recourir à une conjecture au moins téméraire pour expliquer des analogies souvent arbitraires? On a dit que Tout est dans tout, mais c'est principalement dans le symbolisme et les allégories qu'on peut trouver tout ce qu'on veut. Tout récemment encore un savant, assez malheureux pour se croire athée, n'a-t-il pas ridiculement dépensé beaucoup d'érudition pour trouver dans tous les cultes des analogies astronomiques, analogies qu'un critique spirituel, dont nous regrettons d'ignorer le nom, a du reste également trouvées et victorieusement établies dans l'histoire de Napoléon, réfutant ainsi Dupuis par l'absurdité même de sa propre thèse, dans une petite brochure de quelques pages que tout le monde a lue, et qui portait pour titre: Comme quoi Napoléon n'a jamais existé.

Les ressemblances qui peuvent exister en effet entre les fables des gentils et nos dogmes sacrés s'expliquent assez facilement par les premières dispersions des juifs parmi les nations. Qui peut d'ailleurs assigner une date précise aux documents qui nous en restent? Rome n'a-t-elle pas bouleversé tout le vieux monde, et l'Evangile n'a-t-il pas opéré dans l'immense empire de Rome une révolution universelle? Le christianisme ne s'est-il pas infiltré partout? Julien l'Apostat lui-même n'était-il pas le plagiaire du christianisme dans la folle restauration qu'il essayait des anciennes idoles de l'empire? Qui peut nous assurer si les fragments que nous possédons encore du Zend ou des Védas n'ont pas été altérés par des copistes chrétiens ou par des idolâtres qui avaient, malgré eux et en quelque sorte à leur insu, subi des influences chrétiennes? L'ancien culte de Zoroastre ne s'est-il pas confondu avec le manichéisme vers le temps de saint Augustin? Les débris des cultes profanes qui subsistent encore ne doivent-ils pas toute leur consistance à quelque levain de christianisme mal expliqué, importé par les hérésies? Les cultes héliaques n'ont-ils pas été absorbés par les différentes sectes vouées à

la gnose, et les basilidiens n'avaient-ils pas emprunté aux mages leurs talismans constellés? N'est-ce pas le Christ lui-même que ces hérétiques ont eu la ridicule audace d'affubler de formes allégoriques et mythologiques sur la pierre des Abraxas? Voilà bien des questions qui peuvent faire douter de l'intégrité des anciens dogmes idolâtriques, et dont la solution expliquerait peut-être le reflet de nos vérités chrétiennes qu'on retrouve à travers les ténèbres des antiques erreurs; mais cette recherche appartient à la science archéologique plutôt qu'à la littérature, et nous n'avons dû faire ici que l'indiquer. Il en est de même des efforts tentés récemment pour retrouver la clef des écritures hiéroglyphiques, et nous avons à profiter seulement ici du résultat de ces recherches pour examiner sommairement le système d'allégories employé par les anciens Egyptiens.

les

Bosius, dans son livre de triumphanti cruce, fait remonter jusqu'à l'antique Égypte le signe adorable de la croix, parce que images qui nous restent des divinités égyptiennes tiennent souvent à la main un signe qui ressemble à une petite croix ansée ou munie d'un anse assez semblable à un largo anneau. Ce signe a été différemment expliqué par les savants: les uns y ont vu la mesure des inondations du Nil, qui était gardée avec soin d'année en année dans un des principaux temples de Memphis ou de Thèbes; d'autres y ont vu le signe hiéroglyphique des quatre points cardinaux du ciel, indiqués par les deux lignes croisées de l'écliptique et de l'équateur, et ce signe, mis dans la main des divinités favorables, représenterait la clef de la science et du ciel. Nous retrouvons en effet ce signe parmi les emblèmes mystiques des hérétiques valentiniens, et ils lui attribuent une vertu toute particulière, puisque ce fut lui qui arrêta la chute des éones hors du pléroma (Voy. l'article saint IRÉNÉE).

Dans les peintures qui ornent ordinairement l'enveloppe extérieure des momies, la croix ansée est l'attribut souvent répété des bons génies qui conduisent les âmes au ciel; il y a donc lieu de croire que ce signe hieroglyphique ne se rapporte pas seulement à la mesure des débordements du Nil; mais cette discussion n'appartient pas à notre sujet; il nous semble intéressant seulement de faire remarquer que le caducée égyptien, la clef de la science et du ciel, a la forme d'une croix, comme si, par une coïncidence singulière, le signe de la rédemption avait été en quelque sorte pressenti par la science humaine dans cette terre d'Egypte qui a été le pays de la captivité pour les ancêtres du Rédempteur.

La légende d'Osiris mis à mort par le cruel Typhon offre aussi plus d'une analogie avec la passion douloureuse du fils de Dieu, mais elle ressemble davantage encore à la fable d'Uranus mutilé par Saturne : l'Egypte ne saurait done fournir à nos recherches des allégories religieuses dignes d'un

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