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le ciel. Ainsi donc, il conjura cette étoile une fois, deux fois, trois fois, et lors devint une poutre de feu, un homme au-dessus qui se défit, puis après, ce furent six globes de feu comme des lumignons, et s'en éleva un au-dessus, et puis un autre par-dessous, et ainsi conséquemment, tant qu'il se changea du tout, et qu'il s'en forma une figure d'un homme tout en feu, qui allait et venait tout autour du cercle, par l'espace d'un quart d'heure. Soudain ce diable et esprit se changea sur-le-champ en la forme d'un moine gris, vint avec Faust en propos, et demanda ce qu'il voulait.

Le nom du diable qui visita Faust.

Le docteur Faust demanda au diable comme il s'appelait, quel était son nom. Le diable lui répondit qu'il s'appelait Méphistophélès

Les conditions du pacte, quelles elles sont.

Au soir, environ vêpres, entre trois et quatre heures, le diable volatique se montra au docteur Faust derechef, et le diable dit au docteur Faust : « J'ai fait ton commandement, et tu me dois commander. Partant, je suis venu pour t'obéir, quel que soit ton désir, d'autant que tu m'as ainsi ordonné, que je me présentasse devant toi à cette heure ici. Lors Faust lui fit réponse, ayant encore son âme misérable, toute perplexe, d'autant qu'il n'y avait plus moyen de différer l'heure donnée. Car un homme en étant venu jusque-là ne peut plus être à soi; mais il est, quant à son corps, en la puissance du diable, et de là en avant la personne est en sa puissance. Lors Faust lui demanda les pactions qui s'ensuivent.

Premièrement, qu'il peut faire prendre une telle habitude, forme et représentation d'esprit, qu'en icelle il vint et s'apparût à lui. Pour le second, que l'esprit fit tout ce qu'il lui commanderait, et lui apportât tout ce qu'il voudrait avoir de lui. Pour le troisième, qu'il lui fût diligent, sujet et obéissant, comme étant son valet. Pour le quatrième, qu'à toute heure qu'il l'appellerait et le demanderait il se trouvât au logis. Pour le cinquième, qu'il se gouvernât tellement par la maison, qu'il ne fût ni vu ni reconnu de personne que de lui seul, à qui il se montrerait, comme serait son plaisir et son commandement. Et finalement, que toutes fois et quantes qu'il l'appellerait, il eût à se montrer en la même figure comme il lui ferait commandement.

Sur ces six points, le diable répondit à Faust qu'en toutes ces choses, il lui voulait être volontaire et obéissant, et qu'il voulût aussi proposer d'autres articles par ordre, et lorsqu'il les accomplirait, qu'il n'aurait faute

de rien.

Les articles que le diable lui proposa sont tels que ci-après : Premièrement, que Faust lui promit et jurât qu'il serait sien, c'est-àdire en la possession et jouissance du diable. Pour le second, qu'afin de plus grande confirmation, il lui ratifiât par son propre sang, et

que de son sang il lui en écrivit un tel transport et donation de sa personne. Pour le troisième, qu'il fût ennemi de tous les chrétiens. Pour le quatrième, qu'il ne se laissât attirer à ceux qui le voudraient convertir. Conséquemment, le diable voulut donner à Faust un certain nombre d'années qu'il aurait à vivre, dont il serait aussi tenu de lui, et qu'il lui tiendrait ces articles, et qu'il aurait de lui tout son plaisir et tout son désir. Et qu'il le pourrait en tout presser, que le diable eût à prendre une belle forme et telle qu'il lui plairait.

Ledit Faust fut tellement transporté de la folie et superbité d'esprit, qu'ayant péché une fois, il n'eut plus de souci de la béatitude de son âme; mais il s'abandonna au diable, et lui promit d'entretenir les articles susdits. Il pensait que le diable ne serait pas si mauvais, comme il le faisait paraître, ni que l'enfer fût si impétueux, comme on en parle.

Le docteur Faust s'oblige.

Après tout cela, le docteur Faust dressa par dessus cette grande oubliance et outrecuidance, un instrument au diable et une reconnaissance, une briève soumission et confession, qui est un acte horrible et abominable. Et cette obligation-là fut trouvée en sa maison après son misérable départ de ce monde.

C'est ce que je prétends montrer évidemment pour instruction et exemple des bons chrétiens, afin qu'ils n'aient que faire avec le diable, et qu'ils puissent retirer d'entre ses pattes leurs corps et leurs âmes, comme Faust s'est outrageusement abandonné à son misérable valet et obéissant, qui se disait être par le moyen de telles œuvres diaboliques, qui est tout ainsi que les Parthes faisaient, s'obligeant les uns aux autres ; il prit un couteau pointu et se piqua une veine en la main gauche, et se dit un homme véritable. Il fut vu en sa main ainsi piquée un écrit comme d'un sang de mort, en ces mots latins: O homo, fuge! qui est à dire : 0 homme, fuis-t'en de là, et fais le bien.

Puis le docteur Faust reçoit son sang sur une tuile et y met des charbons tout chauds, et écrit comme s'ensuit ci-après :

a Jean Faust, docteur, reçois de ma propre main manifestement pour une chose ratifiée, et ce en vertu de cet écrit ; qu'après que je me suis mis à spéculer les éléments, et après les dons qui m'ont été distribués et départis de là-haut, lesquels n'ont point trouvé d'habitude dans mon entendement; et de ce que je n'ai peut-être enseigné autrement des hommes, lors je me suis présente ment adonné à un esprit qui s'appelle Mé-, phistophélès, qui est valet du prince infernal en Orient, par paction entre lui et moi, qu'il m'adresserait et m'apprendrait, comme il m'était prédestiné, quí aussi réciproquement m'a promis de m'être sujet à toutes choses, partant et à l'opposite, je lui ai promis et lui certifie que d'ici à vingt-quatre ans, de la date de ces présentes, vivant jus

que-là complétement, comme il m'enseignera en son art et science, et en ses inventions me maintiendra, gouvernera, conduira, et me fera tout bien, avec toutes les choses nécessaires à mon âme, à ma chair, à mon sang et à ma santé, que je suis et serai sien a jamais. Partant je renonce à tout ce qui est pour la vie du maître céleste et de tous les hommes, et que je sois en tout sien. Pour plus grande certitude et plus grande confirmation, j'ai écrit la présente promesse de ma propre main, et l'ai sous-écrit de mon propre sang, que je me suis tiré expressément pour ce faire, de mon sens et de mon jugement, de ma pensée et volonté, et l'ai arrêté, scellé et testifié, etc. »>

Faust tira cette obligation à son diable, et lui dit Toi, tiens le brevet. Méphistophélès prit le brevet et voulut encore de Faust avoir cela, qu'il lui en fit une copie, que le malheureux Faust dépêcha.

Les hôtes du docteur Faust se veulent couper le nez.

Le docteur Faust avait, en un certain lieu, invité des hommes principaux pour les traiter sans qu'il eût apprêté aucune chose. Quand donc ils furent venus, ils virent bien la table couverte, mais la cuisine était encore froide. Il se faisait aussi des noces, le même soir, d'un riche et honnête bourgeois, et avaient été tous les domestiques de la maison empêchés, pour bien et honorablement traiter les gens qui y avaient été invités; ce que le docteur Faust ayant appris, commanda à son esprit que de ces noces il lui apportât un service de vivres tout apprêtés, soit poissons ou autres, et qu'inconiinent il les enlevât de là pour traiter ses hôtes. Soudain il y eut en la maison où l'on faisait les noces un grand vent par les cheminées, fenêtres et portes, qui éteignit toutes les chandelles. Après que le vent fut cessé et les chandelles derechef allumées, et qu'ils eurent vu d'où le tumulte avait été, ils trouvèrent qu'il manquait à un mets une pièce de rôti, à un autre une poule, à un autre une oie, et que dans la chaudière il manquait aussi de grands poissons. Lors furent Faust et ses invités pourvus de vivres; mais le vin manquait, toutefois non pas longtemps, car Méphistophélès fut fort bien au voyage de Florence dans les caves de Fougres, dont il en emporta quantité. Mais après qu'ils eurent mangé, ils désiraient (qui est ce pour quoi ils étaient principalement venus) qu'il leur fit pour plaisir quelques tours d'enchantement. Lors il leur fit venir sur la table une vigne avec ses grappes de raisin dont un chacun en prit sa part. il commanda puis après de prendre un couteau et le mettre à la racine comme s'ils l'eussent voulu couper; néanmoins ils n'en purent pas venir à but; puis après il s'en alia hors des étuves, et ne tarda guère sans revenir. Lors ils s'arrêtèrent tous et se tinrent l'un l'autre par le nez et un couteau dessus. Quand donc puis après ils voulurent, ils purent couper les grappes. Cela leur fut ainsi mis aucunement; mais ils eurent bien

voulu qu'il les eût fait venir toutes dres.

Au jour du dimanche, Hélène enchantée. Au jour du dimanche, des étudiants vinrent, sans être invités, en la maison du docteur Faust pour souper avec lui, et apportèrent avec eux des viandes et du vin, car c'étaient gens de dépense volontaire.

Comme donc le vin eut commencé à monter, il y eut propos à table de la beauté des femmes, et l'un commença de dire à l'autre qu'il ne voulait point voir de belles femmes, sinon la belle Hélène de Grèce, parce que sa beauté avait été cause de la ruine totale de la ville de Troie, disant qu'elle devait être très-belle de ce qu'elle avait été tant de fois dérobée, et que pour elle s'était faite une telle élévation.

Le docteur Faust répondit: Puisque vous avez tant de désir de voir la belle personne de la reine Hélène, femme de Ménélaüs et fille de Tyndare et de Léda, sœur de Castor et de Pollux (qui a été la plus belle femme de la Grèce), je vous la veux faire venir elle-même, que vous voyicz personnellement son esprit en sa forme et stature comme elle a été en vie.

Sur cela, le docteur Faust défendit à ses qu'ils ne se levassent point de la table pour compagnons que personne ne dit mot, et s'émouvoir à la caresser, et sortit hors du poêle.

Hélène suivait après lui à pied, si admiraAinsi, comme il entrait dedans, la reine pas s'ils étaient eux-mêmes ou non, tant blement belle que les étudiants ne savaient ils étaient troublés et transportés en euxmêmes.

pourpre noire précieuse; ses cheveux lui traîLadite Hélène apparut en une robe de naient jusques en bas si excellemment beaux qu'ils semblaient être fin or, et si bas qu'ils venaient jusques au-dessous des jarrets, au gros de la jambe, avec de beaux yeux noirs, façonnée, ses lèvres rouges comme des ceun regard amoureux et une petite tête bien rises, avec une petite bouche, un beau long cou blanc comme un cygne, ses joues vermeilles comme une rose, un visage trèsbeau et lissé, et son corsage longuet, droit et proportionné. Enfin il n'eût pas été possible de trouver en elle une seule imperfecdu poêle avec une façon toute mignarde et tion. Elle se fit ainsi voir par toute la salle poupine, tellement que les étudiants furent enflammés en son amour, et si ce n'est qu'ils savaient que ce fût un esprit, il leur fat facilement venu un tel embrasement pour la toucher. Ainsi Hélène s'en retourna avec le docteur Faust hors de l'étuve.

L'enfant de Faust et d'Hélène.

Ici la légende de Faust raconte comment le démon prit pour séduire ce docteur la fi gure de cette Hélène célèbre dans l'antiquité pour avoir causé tous les malheurs qui accompagnèrent la guerre de Troie. Faust en eut un fils qui périt malheureusement et fut englouti tout vivant dans l'enfer avec le fan

tôme de sa mère. Cette allégorie nous semble caractériser d'une manière remarquable le génie de la renaissance, qui fut une passion malheureuse de l'esprit humain pour une beauté morte qui était le fantôme du paganisme. Il en naquit une littérature profane condamnée d'avance à périr comme le fils de Faust et d'Hélène. Nous substituons ici notre analyse au texte même de la légende, qui, dans sa naïveté, nous a paru manquer un peu de gravité et de ré

serve.

Les lamentations et gémissements du docteur Faust.

Au docteur Faust coulaient les heures comme une horloge, toujours en crainte de casser; car il était tout affligé, il gémissait, et pleurait, et rêvait en soi-même, battant des pieds et des mains comme un désespéré. Il était ennemi de soi-même et de tous les hommes, en sorte qu'il se fit céler et ne voulut voir personne, non pas même Méphistophélès ni le souffrir auprès de lui. C'est pourquoi j'ai bien voulu insérer ici une de ses lamentations qui ont été mises par écrit. Ah! Faust, tu es bien d'un cœur dévoyé et non naturel qui, par ta compagnie, es damné au feu éternel, lorsque tu avais pu obtenir la béatitude, lors tu l'as instamment perdue. Ah! libre volonté, est-ce que tu as réduit mes membres, que dorénavant ils ne peuvent plus voir que leur destruction! Ah! miséricorde et vengeance, en quoi j'ai eu occasion de m'engager pour gage et abandon! O indignation et compassion! pourquoi ai-je été fait homme? O la peine qui m'est apprêtée pour endurée! Ha ha! malheureux que je suis! Ha! ha! que me sert de me lamenter?

Ha ha ha! misérable homme que je suis! O malheureux et misérable Faust! tu seras fort bien en la troupe des malheureux, que je suis pour endurer les douleurs extrêmes de la mort, et même une mort plus pitoyable que jamais créature malheureuse ait endurée. Ha! ha! mes sens dépravés, ma volonté corrompue, mon outrecuidance et libertinage! O ma vie fragile et inconstante! ô toi qui as fait mes membres et mon corps, et mon âme aussi aveugle comme tu es, ô volupté temporelle, en quelle peine et travail in'as-tu amené, que tu as ainsi aveuglé et obscurci mes yeux! Ha! ma triste pensée, et toi, mon âme troublée, où est ta connaissance? O misérable travail ! ô douteuse espérance ! que jamais plus il ne soit mémoire de toi! Ha! tourment sur tourment, ennui sur ennui! Hélas! déploration! Qui me délivrera? où m'irai-je cacher? où fuirai-je? Or je suis où j'ai voulu être : je suis pris!

Sur un tel regret ci-dessus récité, il apparut à Faust son esprit Méphistophélès, qui vint à lui et l'attaqua par ses discours injurieux de reproche et de moquerie.

Comment le docteur Faust fut en enfer.

Le docteur Faust s'ennuyait st fort, qu'il songeait et rêvait toujours de l'enfer. Il demanda à son valet Méphistophélès qu'il fit

en sorte qu'il pût enquérir son maître Lucifer et Bélial, et allèrent à eux; mais ils lui envoyèrent un diable qui avait nom Belzébub, commandant sous le ciel, qui vint et demanda à Faust ce qu'il désirait. Il répond que c'était s'il y aurait quelque esprit qui le pat mener en enfer et le ramener aussi, tellement qu'il pût voir la qualité de l'enfer, son fondement, sa propriété et substance, et s'en retirer ainsi. Oui, dit Belzébub, je te mènerai environ la minuit, et t'y emporterai. Comme donc ce fut à la minuit, et qu'il faisait obscur, Belzebub se montra à lui, et avait sur son dos une selle d'ossements, et tout autour elle était fermée, et y monta Faust là-dessus, et ainsi s'en va de là. Maintenant, écoutez comment le diable l'aveugla et lui fit le tour du singe; c'est qu'il ne pensait en rien autre chose, sinon qu'il était en enfer.

Il l'emporta en un air où le docteur Faust s'endormit, tout ainsi que quand quelqu'un se met en l'eau chaude ou dedans un bain. Puis après il vint sur une haute montagne, au-dessus d'une grande île. De là les foudres, les poix et les lances de feu éclataient avec un si grand bruit et tintamarre, que le docteur Faust s'éveilla. Le serpent diabolique faisait de telles illusions en cet abîme au pauvre Faust; mais Faust, comme il était tout entouré de feu, comme il lui semblait, c'est qu'il ne trouva pourtant pas aucune roussure ni brûlure; mais il sentait un petit vent comme un rafraîchissement et une récréation. Il entendit aussi là-dessus certains instruments dont toute l'harmonie était fort plaisante; et toutefois il ne put voir aucun instrument ni comment ils étaient faits, tant l'enfer était en feu, et n'osa pas demander de quelle forme ils étaient faits, car il lui avait été défendu auparavant qu'il ne pouvait absolument parler ni demander d'aucune chose, parce qu'il était ainsi englouti de son diabolique serpent, de Belzebub et de deux ou trois autres. Alors le docteur Faust entra encore plus avant dans l'abîme, et les trois s'en étant allés avec le susdit Belzébub, il se rencontra au docteur Faust sur cela un gros cerf-volant avec de grosses cornes et trompes qui voulut fracasser ou enfondrer le docteur Faust en l'abîme susdit, dont il eut grande frayeur; mais les trois susdits serpents chassaient avec ledit cerf. Comme donc le docteur, Faust se vit entrer plus avant au fond de la caverne, il vit que tout à l'entour de lui il n'y avait rien que des verminiers et couleuvres puantes. Mais les couleuvres étaient fort grosses; après lesquelles vinrent des ours volant comme au secours, qui combattirent et joûtèrent contre les couleuvres et les vainquirent tellement, qu'il lui fut sûr et libre de passer par là, et comme il fut arrivé plus en avant en descendant, voici un gros taureau volant qui venait d ssus une grande porte et tour, qui s'en courut ainsi furieux et bramant contre Faust, le poussa si rudement contre son siége, que le siége et le serpent avec vint à donner dessus dessous avec ledit Faust.

Le docteur Faust tomba encore plus bas dans l'abîme avec de grandes blessures et avec un grand cri; car il pensait déjà maintenant c'est fait de moi; même il ne pouvait plus avoir son esprit. Toutefois il le vint encore attaquer pour le faire tomber plus bas; un vieux, tout hérissé magot vint le tourmenter et irriter. En la suprémité de l'enfer il y avait un brouillard si épais et ténébreux, qu'il ne voyait rien du tout, et au-dessus il se forma une grosse nuée sur quoi montaient deux gros dragons, et menaient un charriot avec eux où le vieux magot mit le docteur Faust; après s'ensuivit, l'espace d'un gros quart d'heure, une grosse nuée ténébreuse, tellement que le docteur Faust n'eût su voir ni les dragons ni le chariot, ni s'y prendre en tâtonnant; et en allant plus avant, il descendit encore plus profondément. Mais aussitôt que cette grosse nuée ténébreuse et puante fut englo tie, il vit un cheval et un chariot suivant après. Et après, fut le docteur Faust remis à l'air, et au même instant il entendit plusieurs coups de foudre et éclairs, tellement que cela allait si menu, que le docteur Faust se tint coi sans dire mot, ayant grande frayeur et tout tremblant. Sur cela, le docteur Faust vint sur une eau grosse et tempestueuse, où les deux dragons le poussèrent dedans pour y être submergé; mais il n'y trouvait point d'eau. Ainsi il y trouva une grosse vapeur de chaline ardente, et les vapeurs et les ondes venaient à battre tellement le docteur Faust, qu'il perdit le cheval et son chariot, et tomba encore de plus en plus au profond et en une impétuosité de haut en bas, tant que finalement il vint à tomber dans l'abîme, qui était fort creux et tout pointu par le dedans des rochers; c'est pourquoi il se tint là comme s'il eût été mort: il regardait de tous côtés, et ne vit personne ni ne put rien entendre. Mais enfin il lui commença à naître une petite lumière : comme il fut descendu encore plus bas, il vit de l'eau à l'entour de lui. Le docteur Faust regarda alors ce qu'il devait faire, disant : «Puisque tu es abandonné des esprits infernaux, il faut que tu t'enfonces dans ce gouffre ou dans cette eau, ou que tu te défasses comment que ce soit. » Alors il se dépita en soi-même, et se va mettre en un courage désespéré au travers un endroit qu'il vit tout en feu, en disant : « Maintenant, vous, esprits, recevez cette offrande dévouée à votre service, à quoi mon âme est condamnée. » Comme il se fut ainsi jeté à travers par précipitation, il entendit un bruit et tumulte fort effroyable qui faisait ébranler les montagnes et les rochers, et tant plus que lui pensait qu'il se passat, le bruit se faisait encore plus grand; et comme il fut venu jusqu'au fondement, il vit dans le feu plusieurs bourgeois, quelques empereurs, rois, princes, seigneurs, et des gens d'armes tout enharnachés à milliers. Autour du feu il y en avait une grande chaudière pleine d'eau, dont quelques-uns d'eux buvaient; les autres se rafraîchissaient et bai

gnaient; les autres, sortant de la chaudière, s'en couraient au feu pour s'échauffer.

Le docteur Faust entra dans le feu, en voulut tirer une âme damnée, et comme il pensait la tenir par la main, elle s'évanouit de lui tout à coup en arrière. Mais il ne pouvait alors demeurer là longtemps à cause de la chaleur; et comme il regardait çà et là, voici que vint le dragon ou bien Belzébub avec sa selle dessus, et s'assit dessus et le passa ainsi en haut; car Faust ne pouvait là plus endurer à cause des tonnerres, des tempêtes, des brouillards, du soufre, de la fumée, du feu, froidure et chaleur mêlés ensemble; de plus, à cause qu'il était las d'endurer les effrois, les clameurs, les lamentations des malheureux, les hurlements des esprits, les travaux et les peines, et autres choses. Le docteur Faust n'ayant eu en tout ce temps-là aucun bien au dedans de cet enfer, aussi son valet n'avait pensé autre chose d'en pouvoir rien emporter, puisqu'il avait désiré de voir l'enfer, il eût mieux aimé le voir une fois et demeurer toujours dehors, puis après. En cette façon vint Faust derechef en sa maison. Après qu'il se fut ainsi endormi sur sa selle, l'esprit le rejeta tout endormi sur son lit; et après que le jour fut venu et que le docteur Faust fut réveillé, il ne se trouva point autrement que s'il se fút trouvé aussi longtemps en une prison ténébreuse, car il n'avait point vu autre chose, sinon comme des monceaux de feu et ce que le feu avait baillé de soi. Le docteur Faust, ainsi couché sur son lit, pensait après l'enfer. Une fois il le prenait à bon escient qu'il eût été là-dedans, et qu'il l'avait vu; une autre fois il doutait là-dessus que le diable lui eût fait quelque illusion et trait d'enchanterie par les yeux, comme cela fut vrai; car il n'avait garde de lui faire voir effectivement l'enfer, de crainte de lui causer trop d'appréhension. Cette histoire et cet acte, touchant ce qu'il avait vu, et comment il avait été transporté en enfer, et comment le diable l'avait aveuglé, le docteur Faust lui-même l'a ainsi écrit, et a été ainsi trouvé après sa mort en une tablette de la propre écriture de sa main, et ainsi couché en un livre fermé qui fut trouvé après

sa mort.

Esprits infernaux, entre lesquels les sept principaux sont Dormés par leurs noms.

Le diable, qui s'appelle Bélial, dit au docteur Faust: Depuis le septentrion j'ai vu ta pensée, et est telle que volontiers tu pourrais voir quelques-uns des esprits infernaux qui sont princes; pourtant j'ai voulu m'apparaitre à toi avec mes principaux conseillers et serviteurs à ce que tu aies ton désir accompli. Le docteur Faust répond: Or sus, où sont-ils ? Sur cela Bélial les fit venir. Or Bélial était apparu au docteur Faust en la forme d'un éléphant marqueté et ayant l'épine du dos noire; seulement ses oreilles lui pendaient en bas, et ses yeux tout remplis de feu, avec de grandes dents blanches comme neige, et une longue trompe qui avait

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vaient aussi prendre forme et barbe d'homme quand ils voulaient. Le docteur Faust dit là-dessus : C'est assez, puisque les sept sont ici, et pria les autres de prendre leur congé, ce qui fut fait.

trois aunes de longueur démesurée, et avait au col trois serpents volants. Ainsi vinrent au docteur Faust les esprits l'un après l'autre dans son poêle; car ils n'y eussent pu être tous à la fois. Or Bélial les montra au docteur Faust l'un après l'autre comme ils Lors le docteur Faust leur demanda qu'ils étaient et comment ils s'appelaient. Ils vin- se fissent voir en essai pour voir ce qu'il en rent devant lui, les sept esprits principaux, arriverait, et alors ils se changèrent l'un à savoir le premier, Lucifer, le maître gou- après l'autre, comme ils avaient fait auparaverneur du docteur Faust, lequel se děc it vant, en toutes sortes de bêtes, aussi en ainsi : c'était un grand homme, et était che- gros oiseaux, en serpents et en bêtes de ravelu et picoté, de la couleur comme des pine à quatre et à deux pieds. Cela plut bien glands de chênes rouges, qui avaient une au docteur Faust, et leur dit : Si lui aussi grande queue après eux. Après venait Bel- le pourrait davantage? Ils dirent oui, et lui zébub, qui avait les cheveux peints de cou- jetèrent un petit livre de sorcellerie, et qu'il leur, velu par tout le corps; il avait une tête fit aussi son essai, ce qu'il fit de fait. Toutede bœuf avec deux oreilles effroyables, aussi fois le docteur Faust ne put pas faire datout marqueté de hampes, et chevelu, avec vantage. Et devant qu'eux aussi voulussent deux gros floquets și rudes comme les cha- prendre congé, il leur demanda qui avait fait rains du foulon qui sont dans les champs, les insectes? Ils dirent: Après la faute des demi-vert et jaune, qui flottaient sur les flo- hommes ont été créés les insectes, afin que quets d'en bas, qui étaient comme d'un four ce fût pour la punition et honte des homtout de feu; il avait une queue de dragon. mes, et nous autres ne pouvons tant, que de Astaroth, celui-ci, vint en la forme d'un serfaire venir force insectes, comme d'autres pent, et allait sur la queue tout droit; il n'a- bêtes; lors tout incontinent apparurent, au vait point de pieds; sa queue avait des cou- docteur Faust, dans son poêle ou étuve, leurs comme de briques changeantes; son toutes sortes de tels insectes, comme fourventre était fort gros; il avait deux petits mis, lézards, mouches bovines, grillons, saupieds fort courts, tout jaunes, et le ventre terelles et autres. Alors toute la maison se un peu blanc et jaunâtre, le cou tout de chatrouva pleine de cette vermine. Toutefois, il tain-roux, et une pointe en façon de piques était fort en colère contre tout cela, transet traits, comme le hérisson, qui avançaient porté et hors de son sens; car entre autres de la longueur des doigts. Après vint Satan, de tels reptiles et insectes, il y en avait qui tout blanc et gris, et marqueté; il avait la le piquaient comme fourmis le mordaient, tête d'un âne et avait la queue comme d'un les bergails le piquaient, les mouches lui chat, et les cornes des pieds longues d'une couraient sur le visage, les puces le moraune. Suivit aussi Annabry: il avait la tête daient, les taons ou bourdons lui volaïent d'un chien noir et blanc, et des mouchetures autour. Tant qu'il en était tout étonné, les blanches sur le noir, et sur le blanc des noipoux le tourmentaient en la tête et au cou, res; seulement il avait les pieds et les oreilles araignées lui filaient de haut en bas, les les pendantes comme un chien, qui étaient chenilles le rongeaient, les guêpes l'attalongues de quatre aunes. quaient. Enfin il fut tout partout blessé de toute cette vermine, tellement qu'on pourrait bien dire qu'il n'était encore qu'un jeune diable, de ne se pouvoir pas défendre de ces bestions. Au reste, le docteur Faust ne pouvait pas demeurer dans lesdits étuves ou poêles; mais d'abord qu'il fut sorti du poêle, il n'eut plus aucune plaie, et n'y eut plus de tels fantômes autour de lui, et tous disparurent, s'étant dévorés l'un l'autre vivement, et avec promptitude.

Après tous ceux-ci, venait Dythican, qui était d'une aune de long; mais il avait seulement le corps d'un oiseau, qui est la perdrix; il avait seulement tout le cou vert et moucheté ou ombragé.

Le dernier fut Drac, avec quatre pieds fort courts, jaune et vert, le corps par-dessus flambant brun, comme du feu bleu, et sa queue rougeitre. Ces sept, avec Bélial, qui sont ses conseillers d'entretien, étaient ainsi habillés des couleurs et façons qui ont été récitées.

D'autres aussi lui apparurent, avec semblables figures, comme des bêtes inconnues, comme des pourceaux, daims, cerfs, ours, loups, singes, lièvres, buffles, chevaux, boucs, verrats, ânes et autres semblables. En telles couleurs et formes, ils se présentèrent à lui selon que chacun sortait dudit poêle, l'un après l'autre. Le docteur Faust s'étonna fort d'eux, et demanda aux sept qui s'étaient arrêtés, pourquoi ils étaient apparus en autres? Ils répondirent et dírent qu'autrement ils ne pourraient plus rentrer en enfer, et pourtant qu'ils étaient les bêtes et les serpents infernaux ; quoiqu'ils fussent fort effroyables et hideux, toutefois, ils pou

Moqueries de Méphistophélès, et gémissements du docteur
Faust.

Comme le docteur Faust se tourmentait tellement qu'il ne pouvait plus parler, son esprit Méphistophéles vint à lui, et lui dit : D'autant que tu as su la sainte Ecriture, et qu'elle t'enseigne de n'aimer et adorer qu'un seul Dieu, le servir seul, et non pas un autre, ni à gauche, ni à droite, et que c'était ton devoir d'être soumis et obéissant à lui; mais comme vous n'avez pas fait cela, ainsi au contraire, vous l'avez abandonné, et renié, vous avez perdu sa grâce et miséricorde; et vous vous êtes ainsi abandonné en corps et en âme à la puissance du diable; c'est pourquoi il faut que vous accomplis

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