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célébrée, le 4 septembre 1467, la fête des noces de Nicole Balue, frère du cardinal, avec la fille de Jean Bureau, seigneur de Montglat, fête que le roi, la reine, le duc et la duchesse de Bourbon honorèrent de leur présence. C'est là encore que, le 12 septembre 1480, Julien de la Rovère, cardinal de Saint-Pierre-ès-Liens, légat du pape, dîna et soupa avec le cardinal de Bourbon. C'est là enfin qu'au mois de janvier 1482, pour célébrer la paix conclue entre Louis XI et Maximilien et pour faire honneur aux ambassadeurs flamands, le même Charles de Bourbon fit représenter « une moult belle moralité, sottie et farce, où moult de gens de la ville alerent pour les voir jouer, qui moult priserent ce qui y fut fait; » et le chroniqueur d'ajouter, avec un soupir de regret, « que les choses eussent esté plus triumphantes se n'eust esté le temps qui moult fut pluvieux et mal advenant pour la belle tapisserie et le grand appareil fait en la cour dudit hostel, laquelle cour fut toute tendue de la tapisserie de mondit seigneur le cardinal, dont il en avoit grand quantité et de belle. »

Dans le cours de son récit, Jean de Roye fait une mention fréquente des faits et gestes du duc de Bourbon et du cardinal son frère. Jean II est nommé plus de quarante fois, Charles de Bourbon à vingt reprises différentes. Comme l'a remarqué M. Vitu, « de tous les promoteurs de la guerre du Bien public, le duc de Bourbon est le seul que le chroniqueur ménage. » Après cette époque, Mgr et Mme de Bourbon sont toujours cités très respectueusement après le roi et la reine. La mort d'Agnès de Bourgogne, veuve du duc Charles de Bourbon, au mois de décembre 1476, est l'occasion que saisit Jean de Roye d'énumérer fort exactement les enfants issus de cette union et encore vivants à cette date. C'est une marque de préférence qu'il n'a donnée à aucune autre mai

son, et il dit aussi que la défunte duchesse « vesquit sainctement et longuement » et que « son trespas fut fort plaint et ploré de tous ses enfants, parens, serviteurs et amis et de tous aultres habitans esdits pays de Bourbonnois et d'Auvergne. En benoist repos gise son ame! »

Plus émue encore est la mention consacrée à celle que le chroniqueur qualifie « sa tres redoubtée dame tres noble, puissante, saincte et des bonnes vivans l'exemplaire » Jeanne de France, sœur du roi, épouse de Jean II, duc de Bourbon, laquelle mourut au mois de mai 1482.

Jean de Roye, c'est lui qui nous l'apprend dans son préambule, avait trente-cinq ans en 1460: il serait donc né vers 1425. A quelle époque mourut-il? quelles furent ses alliances? laissa-t-il une postérité? On n'en sait rien. Il est probable qu'il n'existait plus en 1495, car à cette date un certain Ambroise de Villiers, écuyer, seigneur dudit lieu, fut pourvu de la garde de l'hôtel de Bourbon à Paris. Ce personnage, qui avait été écuyer tranchant du duc Jean II, puis capitaine de la ville et du château de Thizy (1er déc. 1488), résigna ces fonctions à la fin de 1495 ou au commencement de 1496 pour prendre possession à Paris de la conciergerie de l'hôtel de Bourbon. Or, il est dit que sa femme se nommait Perrette de Roye1. Les chances ne sont-elles pas pour que cette Perrette fût la fille de notre chroniqueur?

On a observé que la Chronique Scandaleuse, assez indifférente pour la dernière année du règne de Charles VII,

1. « Provision de concierge de l'hôtel de Bourbon à Paris en faveur de maistre Jehan de Colonges, seigneur de la Motte, conseiller et maître des requêtes de Mme la duchesse, pour se pouvoir loger commodement à Paris, que souloit tenir feu Ambrois de Villiers et Perrette de Roye, sa femme. A Montbrison, penultieme fevrier 1503» (Extraits de titres de la Chambre des comptes de Moulins. Bibl. nat., ms. fr. 22299, vol. I, fol. 195. Cf. fol. 128).

est absolument nulle pour les années 1462 et 1463. Le chroniqueur se borne à dire que, pendant cette période, « ne survint riens que doye estre mis en grant memoire. » Quicherat, qui voyait dans la Scandaleuse une rédaction faite sur les notes de Jean Castel, donne pour raison au silence de la Chronique les pérégrinations que Castel entreprit à cette époque à la suite de Louis XI. Mais que penser d'un historiographe officiel qui aurait omis de garder mention de ces événements d'importance capitale, l'acquisition du Roussillon et de la Cerdagne, la guerre de Catalogne et surtout le rachat des villes de la Somme? Inexplicable est bien aussi, il faut le dire, le silence de Jean de Roye sur des faits dont le dernier fut l'occasion d'emprunts considérables effectués au greffe du Parlement et dans les caisses particulières des membres de la bourgeoisie de Paris. Comment n'a-t-il pas conservé le souvenir de cet acte despotique, qui fit grand bruit à l'époque? C'est un mystère que l'absence de tout renseignement sur la vie de Jean de Roye, pendant les années 1462 et 1463, ne permet pas d'éclaircir. Avec les années 1464 et 1465 surtout, la Chronique devient extrêmement détaillée et prend les allures d'un journal tenu au jour le jour. L'auteur fréquentait certainement l'hôtel du prévôt de Paris, Robert d'Estouteville, où l'intelligence et les grâces de Mme d'Estouteville, Ambroise de Loré, réunissaient tout ce que Paris contenait de personnages d'importance'; il était donc en mesure d'être très exactement informé de ce qui se passait soit en Bourbonnais pendant la triomphante campagne de Louis XI, soit à Paris durant les longues et moins brillantes journées de cette guerre de mesquines intrigues,

1. Il faut noter que le chroniqueur officiel Jean Castel était, lui aussi, l'un des familiers de la maison d'Estouteville et qu'assurément des relations ont dû exister entre Jean de Roye et lui,

qui se poursuivit au dedans comme au dehors des murs de la grande ville pendant l'automne de la néfaste année du Bien public.

Le plus ancien manuscrit de la Scandaleuse, celui que Jean de Roye a signé, s'arrête, on l'a déjà dit, à la date de Pâques 1479. Ceux-là mêmes qui n'ont pas connu les manuscrits ont observé qu'après l'année 1477, et jusqu'à la fin, le récit du chroniqueur devient moins détaillé et prend une allure beaucoup plus rapide1. C'est une remarque juste, surtout si on substitue la date de 1479 à celle de 1477; mais ce qui est également facile à constater, c'est qu'à partir de cette année 1479 les jugements du chroniqueur sur les actions de Louis XI et de ses agents deviennent plus sévères. Aux éloges des précédentes années succède une réserve dont les motifs sont aisément pénétrables pour qui veut bien se souvenir qu'à la suite des révélations plus ou moins sincères du duc de Nemours, Louis XI conçut de terribles soupçons contre le duc de Bourbon, et que le cardinal son frère, jusque-là un des favoris du roi, dut quitter Paris pour un temps, complètement disgracié, tandis que les officiers de Jean II, poursuivis devant le Parlement pour avoir empiété sur les droits du roi, étaient emprisonnés, soumis à de sévères interrogatoires et finalement relâchés. Il ne serait pas surprenant que, dans ces circonstances, Jean de Roye eût interrompu son œuvre pour ne la reprendre et la compléter qu'après la mort de Louis XI. Ceci expliquerait la

Voir les vers adressés par Castel à Ch. de Gaucourt, au nom du prévôt de Paris, en mars 1465, v. st. :

« Cent mille fois, monseigneur le prevost

D'Estouteville a vous se recommande, etc. >

(Quicherat, Recherches sur Jean Castel, dans la Bibl. de l'École des chartes, 1re série, t. II.)

1. Vitu, ouvr. cité, p. 37.

rapidité avec laquelle la Chronique, remplie auparavant de détails sur les événements parisiens, résume les dernières années du règne.

Concluons donc que la Chronique Scandaleuse est l'œuvre d'un notaire parisien nommé Jean de Roye, secrétaire du duc de Bourbonnais Jean II et garde de l'hôtel de Bourbon à Paris. La Scandaleuse n'est pas, comme on l'a dit, une réédition de la Chronique officielle du règne de Louis XI, mais une œuvre originale et personnelle, dont le contenu a été au contraire reproduit parfois textuellement par ceux qui ont écrit l'histoire de cette époque1 et par les compilateurs qui, au xvre siècle, travaillèrent à la continuation des Grandes Chroniques de France.

Nous adressons, en terminant cette trop longue préface, de sincères remerciements à ceux qui ont bien voulu nous assister dans les recherches qu'a nécessitées l'annotation de la Chronique. Nous sommes particulièrement reconnaissant à nos confrères MM. Vaesen et Spont, qui ont mis à notre service les trésors de leur érudition et nous ont libéralement communiqué des renseignements sur une époque de l'histoire nationale qu'ils possèdent mieux que personne.

1. Cf. particulièrement le Compendium supra Francorum gestis, de Robert Gaguin, 1497, in-4°.

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