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Et, le samedi ensuivant, x° jour dudit moys, le roy s'en party de Paris pour aler à Rouen, Evreux et autres lieux en Normandie, et ala ce jour à Pontoise. Et, à son partement de Paris, ordonna plusieurs frans archers qui estoient venus dudit pays de Normandie, et environ ш lances des compaignies de feu Floquet, du conte de Boulongne, de feu Geoffroy de Saint-Belin, du seigneur de Craon1 et du seigneur de la Barde estre et demourer à Paris pour la tuicion et garde de ladicte ville2.

Et, ledit jour du partement du roy, se tint et assembla ung grant conseil en l'Ostel de ladicte ville de Paris. Et, en icellui tenant, vint et arriva audit conseil ung gentilhomme de par le roy, nommé le seigneur de Buisset, qui vint dire à tout le conseil ainsi assemblé que le roy leur mandoit de par lui qu'il avoit changié propos, et que le mardi ensuivant il seroit de son retour audit lieu de Paris3.

Et, au regard desdiz frans archers de Normendie,

avait promis à son cousin, pour son fils Nicolas, marquis de Pont, la main d'Anne de France, sa fille, et que le duc avait touché déjà, en tout ou en partie, la dot de 100,000 écus d'or que le roi donnait à sa fille (Bibl. nat., ms. fr. 26088, n° 181. Quittance sur parchemin signée JEHAN).

1. Georges de la Trémoille, seigneur de Craon, de Jonvelle, etc., comte de Ligny, chevalier de l'Ordre, mort en 1481, était fils de Georges de la Trémoille et de Catherine de l'Isle-Bouchard et avait épousé Marie de Montauban. - Bertrand VI de la Tour, comte de Boulogne, avait servi vaillamment Charles VII. Il mourut le 26 septembre 1494.

2. Interpolations et variantes, § XII.

3. Averti de l'état de l'opinion à Paris, Louis XI jugea prudent de ne pas rester plus longtemps éloigné.

qui estoient des bailliages de Caen et Alançon, ils furent logez par distribucion : c'est assavoir ceulx de Caen, qui avoient jaquetes où estoit escript dessus de broderie Caen, furent mis et logez tous dedens l'ostel et pourpris du Temple, et les autres dudit bailliage d'Alençon, qui avoient jaquetes où estoit dessus escript aussi de broderie Audi partem, furent logez ou quartier dudit Temple, partout où ilz peurent estre logez, oultre l'ancienne porte dudit Temple1.

En ce temps, maistre Jehan Berard, conseiller du roy en sa court de Parlement, s'en party et ala oudit pays de Bretaigne, pardevers mondit seigneur de Berry?, pour ce qu'il disoit qu'on avoit arrestée prisonniere sa femme à Paris et fait wider hors ladicte ville, pour ce qu'on la chargoit d'avoir favorisé mondit seigneur de Berry et autres ses serviteurs contre

le roy.

Oudit temps fut publié et crié par les carrefours de Paris que tous ceulx de ladicte ville qui avoient maretz3 aux champs d'icelle ville feissent copper et abatre tous les saulx et autres arbres estans en iceulx, et tout ce dedens deux jours, ou autrement tous iceulx saulx et autres arbres estoient habandonnez à tous ceulx qui les vouldroient abatre.

Et, ce mesmes jour, vint et arriva à Paris monseigneur le conte d'Eu comme lieutenant du roy, et

1. Maupoint dit aussi que les capitaines qui commandaient pour le roi à Paris avaient sous leurs ordres 500 lances et 2,300 francs archers de Caen et d'Alençon (Journal, p. 61. Cf. Mélanges historiques, II, 377).

2. Le duc de Berry n'était plus en Bretagne, mais en Brie, avec ses alliés du Bien-Public.

3. C'est-à-dire des jardins maraîchers.

comme tel y fut receu ledit jour, qui estoit le xir jour d'aoust IIII LXV1.

Et, le mardi ensuivant, xi jour2 dudit moys d'aoust, ledit Casin Cholet, dont devant est parlé3, pour le cas dessusdit d'avoir crié en courant par les rues de Paris : « Boutez vous en vos maisons et fermez voz huis, car les Bourguignons sont dedens Paris! et qui a cause de ce avoit depuis esté constitué prisonnier par sentence du prevost de Paris, fut condampné à estre batu par les carrefours de ladicte ville et privé de toutes offices royaulx, et à estre ung mois encores en prison au pain et à l'eaue. Et fut ainsi mené que dit est batre par lesdiz carrefours dedens ung ort, vilain et paillart tumbereau dont on venoit de porter la boe en la voierie. Et, en le batant par lesdiz carrefours, comme dit est, le monde1 crioit à haulte voix au bourreau: « Batez fort et n'espargnez point ce paillart, car il a bien pis desservy! >

Et, ce mesmes jour, arriva à Paris CC archers, tous à cheval, dont estoit cappitaine Mignon5; tous lesquelz

1. C'est à Pontoise, le 12 août 1465, que Louis XI signa cette nomination, considérant qu'il lui était nécessaire de se rendre à Rouen, « pour recouvrer gens d'armes, » et qu'en son absence la garde de Paris et des pays de France, Brie, Vimeu, bailliage de Senlis et duché de Normandie devait être confiée à un seigneur du sang (Félibien, Histoire de Paris, V, 275).

2. Lisez xiije jour ou mercredi xive jour d'août.

3. Voy. ci-dessus, p. 59.

4. Et non le roy, comme portent les anciennes éditions.

5. Jean Mignon avait fait, à la tête des francs archers de Nivernais, de Gien et d'Orléans, la campagne de Bourbonnais (mandats de paiement adressés par le roi à Antoine Raguier et datés d'Issoudun, 3 mai, et de Montluçon, 19 mai [1465], dans ms. fr. 20496, fol. 19 et 29, orig.).

estoient assez bien en point, ou nombre desquelz y avoit plusieurs crennequiniers, vougiers et couleuvriniers à main1. Et, tout derriere icelle compaignie, aloient aussi à cheval huit ribauldes et ung moyne noir, leur confesseur2.

En ce temps, messire Charles de Meleun, qui avoit esté lieutenant pour le roy audit lieu de Paris durant le temps dessusdit, fut desappoincté de sa charge3, et fut baillée audit monseigneur d'Eu. Et, ou lieu dudit estat de lieutenant, le roy le fist son grant maistre d'ostel, et si lui bailla le bailliage et la cappitainerie d'Evreux et la cappitainerie de Honnefleu.

En ce temps, aucuns desdiz Bourguignons et Bretons, qui s'estoient rafreschis en la ville de Provins, s'en retournerent à Laigny sur Marne le jour feste de my-aoust. Et, le vendredi ensuivant, vindrent loger à Cretueil, Maisons sur Seine, Cheele Saincte-Bapteur et autres lieux ilec environ. Et, pour ce qu'on doubtoit fort lesdiz Bourguignons et Bretons retourner devant Paris, et qu'il fut raporté que maistre Girault, canon

1. Le cranequin était une sorte d'arbalète à pied; le vouge, une pique à fer long et assez large, aigu et tranchant; la couleuvrine, tantôt une arme à feu portative, tantôt un canon long et mince. 2. Interpolations et variantes, § XIII. 3. Interpolations et variantes, § XIV. · C'est pour donner satisfaction aux adversaires de Charles de Melun que Louis XI lui enleva la lieutenance de Paris.

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4. Créteil et Maisons-Alfort (Seine, cant. de Charenton-le-Pont). Chelles (Seine-et-Marne, cant. de Lagny) tirait son nom de Chelles - Sainte-Bapteur ou Bauteur, d'une célèbre abbaye de filles fondée en 662 par la reine Bathilde, femme de Clovis II. Le 11 août, les alliés occupèrent Nogent-sur-Seine, Bray et Provins. Le 15, le seigneur de Hautbourdin rentra dans Lagny (Maupoint, Journal cité, p. 60 et suiv.).

nier, s'estoit vanté de asseoir et assortir de son artillerie à la voierie devant la porte Saint-Denis et celle de Saint-Anthoine, pour fouldroier aucuns lieux de ladicte ville et au long des murs, fut ordonné ce jour en ladicte ville que chacune personne alast le lendemain en ladicte voierie, garnis de piques et pelles, pour ruer et espandre icelle voierie ou ce qu'on en pourroit faire, et ainsi fut fait; mais on n'y fist que peu ou neant, et fut tout laissé. Et, à ceste cause, furent faiz dessus lesdiz murs plusieurs tauldis, boulevers et trenchées au long desdiz murs pour la seureté et defense de ladicte ville et des habitans d'icelle, et aussi de ceulx qui se emploieroient à la garde et defense d'icelle1.

Et, le samedi ensuivant [17 août], plusieurs notables personnes et de divers estas de ladicte ville furent pardevers mondit seigneur le conte d'Eu, lieutenant pour le roy en ladicte ville, auquel ilz firent de moult belles remonstrances, qui concluoient qu'il lui pleust, pour le bien, prouffit et utilité du roy, de ladicte ville

1. Les monceaux d'immondices qui, au moyen âge, garnissaient les abords des portes des villes et s'entassaient parfois plus haut que la muraille elle-même, constituaient, en cas de siège, un véritable péril et favorisaient les surprises (voy. dans le Jouvencel la prise d'Escallon, éd. Favre et Lecestre (Soc. de l'hist. de France), t. I, p. 115 et suiv.). Par une ordonnance datée d'Orléans, le 2 novembre 1466 (Collection des ordonnances, XVI, 521), Louis XI, pour avoir « vu et cognu à l'œil que les mottes qui sont près et joignans des fossez de la ville de Paris, mesmement à l'endroit des portes de Saint-Antoine, Saint-Denis et SaintHonoré, » nuisaient à la sécurité des habitants, manda au prévôt de Paris et aux gens des Comptes d'interdire aux bourgeois de continuer << à porter gravois, immondices et mottes alentour desdits fossés. >>

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