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qu'il avoit favorisé lesdiz Bourguignons et les avoit induiz et menez, en divers lieux, en plusieurs maisons assises en divers villages d'autour Paris, appartenans à aucuns bourgois dudit lieu de Paris, pour icelles maisons piller et prendre les biens desdiz bourgois de Paris, et que, en ce faisant, avoit fait plusieurs larrecins, fut fait son procès sur lesdiz cas, audit lieu de la Bastide, par aucuns commissaires à ce faire ordonnez. Par lesquelz fut dit et declairé audit de Mory qu'il estoit crimineulx de crime de leze majesté, et comme tel le condampnerent à estre escartelé es hales de Paris, et ses biens et heritages acquis et confisquez au roy. Dont et de quoy il appella en la court de Parlement; pour reverence duquel appel fut differé d'estre executé pour ledit jour. Et, le samedi ensuivant [20 juillet], par la court de Parlement fut widé ledit appel, et, en corrigant icellui, fut dit par arrest de ladicte court que ledit Laurens de Mory seroit pendu et estranglé au gibet de Paris, et fut executé cedit jour.

Et, cedit jour de samedi, l'evesque de Paris, nommé maistre Guillaume Chartier, et autres conseillers et gens d'eglise de ladicte ville furent devers le roy en son hostel des Tournelles, et là fut proposé devant lui par ledit evesque et dictes de moult belles paroles, qui toutes tendoient à fin que le roy conduisist de là en avant toutes ses affaires par bon conseil, ce que le roy acorda. Et fut lors ordonné que de là en avant yroient au conseil du roy, avecques le conseil ordinaire, c'est assavoir six conseillers bourgois de ladicte ville, six autres conseillers de la court de Parlement,

et six clers prins en l'Université de Paris1. Et aussi, pour ce que le roy vit qu'il avoit moult d'ennemis en son royaume, mist en deliberation de trouver des gens de guerre avecques ceulx que desja il avoit, et aussi combien on en trouveroit à Paris. Et à ceste cause fut ordonné que tous ceulx de Paris seroient prins par escript et par dixaines, pour en prendre de chacune dixaine dix hommes; mais il ne s'en fist rien.

Et, au moien de la venue du roy à Paris, il convint que plusieurs gens de guerre qui le suivoient feussent logez es villages d'autour Paris et de Brie et autres lieux voisins; lesquelz gasterent et destruisirent tous lesdiz villages et prindrent de fait et sans riens paier tous vivres qu'ilz y trouverent et autres choses qui appartenoient tant aux habitans desdiz villages que d'autres demourans à Paris. Et aussi, quant le roy se trouva à Paris, il se trouva fort chargié de gens de guerre, pour lesquelz paier de leursdiz gaiges et souldées lui convint finer de grant somme de deniers, car il ne recevoit riens d'aucunes villes sur lesquelles lesdiz gaiges estoient assignez, qui estoient tenues et usurpées par aucuns princes, qui ne vouloient riens souffrir estre cueilly dudit paiement en leurs pays, fut contraint de faire emprunt d'argent sur plusieurs offi

1. Ainsi qu'on le verra plus loin, Louis XI ne pardonna jamais à l'évêque Guillaume Chartier le rôle qu'il joua pendant le BienPublic (voy. à la date du 15 mai 1472). — Un passage d'une lettre adressée à Louis XI par Charles de Melun quelque temps auparavant, pendant le procès du comte de Dammartin, témoigne de la méfiance que le prélat inspirait déjà à l'entourage du roi : « Pleust à Dieu, écrit Melun, que le pape eust translaté l'evesque de Paris en l'evesché de Jerusalem! » (Bibl. nat., ms. fr. 20855, fol. 103, orig.).

ciers et autres de la ville de Paris, ausquelz de par lui fut demandé argent à prester; de quoy ilz furent refusans, au moins de si grant somme comme on leur demandoit. Et, pour leur refus, à aucuns d'eulx fut dit et declairé de par le roy que de lui ilz estoient privez de toutes offices royaulx, comme à maistre Jehan Cheneteau, greffier du Parlement1, maistre Martin Picart, conseiller des Comptes, et autres.

Et, le mercredi ensuivant, XXIII° jour de juillet, audit an LXV, le roy fist bailler commission au prevost forain de Senlis pour aler abatre les arches de Pons Saincte-Maixence, pour ce qu'il estoit grant bruit que le seigneur de Saveuzes avec grant nombre de gens de guerre venoient audit lieu pour le prendre sur ceulx qui le tenoient pour le roy. Et, ce mesme jour, le roy en avoit donné la cappitainerie à Jehan L'Orfevre, chastelain dudit lieu, et lui donna charge d'aler garder ladicte place, et lui defendi bien fort que riens ne feust rompu dudit pont.

Et, le vendredi ensuivant [26 juillet], le roy ordonna qu'il demourroit deux cens lances à Paris, soubz la charge et conduicte dudit bastard d'Armaignac, comte de Comminge, de messire Giles de Saint-Symon, bailli

1. C'est-à-dire greffier civil du Parlement. Le Parlement et la cour des Comptes étaient généralement mal disposés à l'égard du roi (voy. Mélanges historiques, II, p. 371 et suiv.).

2. Pont-Sainte-Maxence avait été repris par les royalistes. Philippe de Saveuses, seigneur de Flesselles et de Howair, avait alors soixante-douze ans; mais, presque seul en Picardie, il ne se laissa pas décourager par le bruit de la défaite du comte de Charolais, qui fut répandu par les fuyards de l'armée bourguignonne. Il leva des troupes à ses frais, se mit en campagne et, par son énergie, conserva au duc de Bourgogne plusieurs places déjà abandonnées par leurs défenseurs.

de Senlis1, le sire de la Barde, de Charles des Marés2 et dudit messire Charles de Meleun, que le roy continua lieutenant pour lui en ladicte ville, à la relacion et requeste d'aucunes gens d'Eglise et des prevost des marchans et eschevins de ladicte ville3.

Et, le samedi ensuivant, xxvII° jour dudit moys de juillet, oudit an LXV, ung nommé Jehan de Bourges, qui avoit esté clerc et serviteur de maistre Jehan Berard, conseiller du roy nostre sire en sa cour de Parlement, et qui avoit esté mis et constitué prisonnier avecques Gacien Meriaudeau et François Meriau

1. Gilles de Rouvroy, chevalier, seigneur de Saint-Simon, fut pourvu vers 1438 de la charge de bailli de Senlis, et mourut dans cette ville le 18 décembre 1477. Il avait épousé Jeanne de Flocques, et c'est de cette union qu'est descendu en ligne directe l'illustre auteur des Mémoires (voy. la notice de M. de Boislisle, Mémoires de Saint-Simon. Paris, Hachette, t. I, appendice I, p. 422 et suiv.).

2. Charles des Marets, écuyer, l'un des héros de la lutte contre les Anglais en Normandie, capitaine de Dieppe dès 1420, reçut de Louis XI, en 1462, un don de 2,000 écus d'or en récompense de certaine dépense qu'il avait faite à Dieppe pour entretenir des gens de guerre l'année où les Anglais mirent le siège devant cette ville (1442-1443) (Bibl. nat., ms. fr. 26088, no 106. Reçu sur parch. Cf. Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, II, 339 et suiv. et 449, et III, 392 et suiv.).

3. Ce ne fut pas sans une vive opposition de la part de certains membres du Parlement et de la Chambre des comptes. Au mépris d'une délibération prise le matin même à l'hôtel de ville, le prévôt des marchands Henry de Livres et les échevins Jean de Harlay, Audry d'Azy et Denis Gibert, tous ardents royalistes, « pour le bien de la ville et parce que Charles de Melun avoit obtenu du roi d'abattre partie des aides, supplièrent Louis XI, alors sur le point de quitter Paris, de laisser la lieutenance à Charles de Melun (voy., dans Mélanges historiques cités, II, 371, la déposition de Jean Clerbout, général des monnaies, au cours d'une enquête ouverte vers 1467 sur ces événements).

deau, son frere1, pour occasion de ce qu'ilz et autres s'estoient tirez de Paris en Bretaigne pardevers mondit seigneur de Berry, en conspirant contre le roy, fut icellui Jehan de Bourges tiré hors de ladicte Bastide et ledit François Meriaudeau, et, par la sentence du prevost des mareschaulx, furent noiez en la riviere de Seine par le bourreau de Paris devant la tour de Billy2. Et, le mardy ensuivant, XXIXe3 jour d'icellui moys, ledit Gacien, qui estoit notaire du roy ou Chastellet de Paris, aussi prisonnier audit lieu de Paris et pour ledit cas, fut pareillement tiré dudit lieu de la Bastide, comme les autres dessus nommez, et noié ou lieu dessusdit. Et pareillement y fut aussi noyé ung povre aide à maçon, qui avoit esté envoié de Paris à Estampes, de par la femme d'un nommé maistre Odo de Bussy, pour porter lettres à sondit mary, qui lors estoit advocat ou Chastellet de Paris, et qui estoit audit lieu d'Estampes avecques le frere dudit seigneur de Saint-Pol5, dont il estoit serviteur, estant audit Estampes avecques les autres princes et seigneurs estans contre le roy, comme dit est; et lequel aide à

1. A la date du 3 août 1456 et à celle du premier février 1460, v. st., on trouve un Gacien Mériaudeau qualifié de clerc notaire juré du roi et de par lui établi au Châtelet de Paris (Arch. nat., LL 729, fol. 162 v° et suiv.). Son frère François fut remplacé par Henri Perdriel, le 17 juillet 1465, dans les fonctions de clerc civil du greffe du Châtelet (Sauval, ouvr. cité, III, 386).

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2. La tour de Billy, qui flanquait la porte Barbeel, terminait l'enceinte de Paris au bord de la Seine, sur la rive droite. 3. Lisez XXXe.

4. Voy. plus loin, à l'année 1477, la fin tragique de ce person

nage.

5. Il s'agit ici de Jacques de Luxembourg, seigneur de Richebourg, mort le 20 août 1487.

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