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conte de Dampmartin, qui estoit constitué prisonnier en la bastide Saint-Anthoine, s'en party et eschapa hors dudit lieu, et s'en ala en Berry et en Bourbonnoys, où ilec il fut bien recueilly par les gens de mesdiz seigneurs de Bourbon et Berry. Et, pour occasion dudit eschapement, en furent plusieurs constituez prisonniers.

Et, le mercredi ensuivant, xv° jour1 dudit moys, messire Charles de Meleun, lieutenant du roy, maistre Jehan Balue, esleu evesque d'Evreux2, et maistre Jehan Le Prevost, notaire et secretaire du roy, vindrent et arriverent à Paris en l'ostel de la ville, où illec fut fait lecture d'aucuns articles, dont le roy leur avoit baillé charge. Et, après ladicte lecture ainsi faicte, furent faictes en l'ostel de ladicte ville plusieurs belles ordonnances pour la tuicion, garde et seureté d'icelle

1. Lisez XIIIe jour.

2. Charles de Melun, chevalier, conseiller et chambellan du roi, seigneur de Nantouillet, baron des Landes, etc., bailli de Sens, capitaine de Melun et du bois de Vincennes, grand maître de France, était fils de Philippe, seigneur de la Borde-le-Vicomte et de Jeanne de Nantouillet. Il épousa : 1o 21 janvier 1453, AnnePhilippe de la Rochefoucauld; 2o 23 mars 1466, Philippe de Montmorency. Il périt sur l'échafaud le 22 août 1468, comme on le verra plus loin (Positions des thèses soutenues à l'École des chartes en 1892, Essai sur Charles Ier de Melun, par C. Anchier). Jean Balue, né vers 1421, gagna la faveur de Louis XI par la protection de ce même Charles de Melun dont il devint un des pires ennemis. Élu évêque d'Évreux le 5 février 1462, il fut sacré le 4 août 1465. Évêque d'Angers (5 juin 1467), cardinal (18 sept. même année), il fut arrêté après l'aventure de Péronne, le 23 avril 1469, sortit de prison le 25 décembre 1480, s'en fut à Rome, revint en France comme légat du pape (8 oct. 1483-5 févr. 1485) et mourut en Italie le 5 octobre 1491 (Positions de thèses citées, Vie de Jean Balue, par H. Forgeot).

ville, comme de faire guet et de garder les portes d'icelle et les autres fermer et murer et mettre les chaynes de fer des rues de ladicte ville en estat, pour servir quant mestier en seroit, et plusieurs autres choses, qui longues seroient à escripre, que je passe cy pour cause de briefté.

En ce temps, furent prins par inventaire et mis en la main du roy tous et chascuns les biens de Pierre Morin, trouvez et estans à Paris, pour ce que ledit Morin, qui estoit tresorier de mondit seigneur de Berry, tenoit pour ledit seigneur contre le roy la ville et tour de Bourges1. Et, à ceste cause, le roy donna l'office de huissier du Tresor, qui estoit audit Morin, à ung nommé Jaques Testeclere.

Et, après le partement dudit Dampmartin, il trouva moien et façon de prendre et avoir sur Geoffroy Cuer, filz de feu Jaques Cuer, les places de Saint-Forgeau et Saint-Morisse, où il print ledit Geoffroy à son prisonnier, et avecques aussi prinst tous les biens qu'il avoit esdiz lieux2.

Et, après ces choses, le roy s'en tira devers Angers et le Pont de Sée, pour savoir le vouloir de ceulx qui ainsi s'estoient de lui departis et alez oudit pays de

1. Pierre Morin exerça la charge de trésorier des guerres de Normandie (31 déc. 1465) pendant les quelques semaines que Charles de France passa à Rouen. Trésorier de Guyenne, quand son maître reçut ce duché en apanage, il passa au service du roi après la mort du duc Charles et continua à exercer en Guyenne des fonctions d'ordre financier. En 1498, on le retrouve maître de la Chambre aux deniers d'Anne de Bretagne, veuve du roi Charles VIII (Louis XI, Jean d'Armagnac et le drame de Lectoure. Extrait de la Revue historique. Paris, 1888, p. 31).

2. Voy. le récit de cette expédition aux Interpolations et variantes, § IX.

Bretaigne1. Et avoit le roy avecques lui pour le acompaigner le roy de Secile et monseigneur du Mayne; et si le suivirent plusieurs gens de guerre de son royaume et en grant nombre, qu'on estimoit estre de xx à xxx combatans. Et, après que le roy ot ainsi esté ilec une espace de temps, voiant qu'il n'y faisoit gueres, s'en ala et tira ou pays de Berry, vers Yssodun, Vierron, le Bourg de Dieux et autres places environ2, et mena avecques lui grant quantité de ses gens de guerre et de son artillerie, et laissa lesdiz roy de Cecile et seigneur du Maine, bien acompaignez de gens de guerre, pour garder et defendre que lesdiz de Bretaigne n'entrassent en Normandie ne en autres lieux de ce royaume pour le dommager.

Et, quant le roy fut ainsi venu oudit pays de Berry que dit est, il sejourna ilec ung peu de temps et puis s'en parti pour aler au pays de Bourbonnoys, et laissa la ville de Bourges sans y aler, pour ce qu'il y avoit grant garnison dedens ladicte ville, dont estoit conducteur et cappitaine monseigneur le bastard de

1. Il n'est pas certain que Louis XI ait poussé jusqu'à Angers. Le roi ne paraît pas avoir quitté Saumur du 28 mars au 16 avril. Le lendemain de ce jour, l'Itinéraire signale sa présence à Langeais et le 19 à Tours. Pendant le séjour de Louis XI à Saumur, son oncle, le roi René de Sicile, eut aux Ponts-de-Cé (auj. dép. de Maine-et-Loire) une conférence sans résultat avec les ducs de Berry et de Bretagne et le comte de Dunois (Voy. Commynes, éd. Lenglet, II, 445 et suiv., et Quicherat, Mélanges historiques, II, 240).

2. En quittant Amboise, le roi prit sa route par Montrichard, Saint-Aignan (28 avril), Menetou et Vierzon, et demeura à Issoudun du 2 au 8 mai (Itinéraire cité). Le bourg de Déols est sur la rive droite de l'Indre, en face de Châteauroux. Si Louis XI passa à cet endroit, ce serait entre le moment où il quitta Issoudun et celui où il parvint à Lignières.

Bourbon pour mondit seigneur de Berry1. Et vint entrer oudit pays de Bourbonnoys, où ilec, environ le jour d'Ascension Nostre Seigneur, la ville et chastel de Saint-Amant l'Ailler fut prinse d'assault. Et, peu de temps après, lui fut rendue la ville et chastel de Molusson par composition, dedens laquelle estoient Jaques de Bourbon et xxxv lances, qui s'en alerent eulx et leurs biens saufz et jurerent que jamais ne s'armeroient contre le roy2.

:

1. C'est de Saint-Amand-Mont-Rond que Louis, bâtard de Bourbon, le futur amiral de France, fut brusquement appelé et introduit dans Bourges par les partisans du duc de Berry, au moment où ceux du roi allaient ouvrir leurs portes. Le 1er mai, Balue écrivait de Paris au chancelier Morvilliers, alors en Picardie « Le roi est ou sera demain dans Bourges, car il y a appointement avec ceulx de la ville » (Mélanges historiques, II, 238, 229 et 256. Cf. Vaesen, Lettres de Louis XI, II, 286 et suiv.). Louis XI eut la sagesse de ne pas assiéger Bourges et poursuivit sa marche vers le Bourbonnais. Cette habileté assura le succès de la campagne.

2. Saint-Amand (aujourd'hui Saint-Amand-Mont-Rond) et Montluçon sont des chefs-lieux d'arrondissement du département du Cher. Averti que Geoffroy de Chabannes, seigneur de Charlus, était resté pour garder Saint-Amand avec une vingtaine d'hommes d'armes, Louis XI envoya Charles de Melun, Houaste et les gens du sénéchal de Poitou saisir cette place. Charlus laissa à Saint-Amand une poignée de soldats et se jeta avec une dizaine d'hommes de pied dans le château de Montrond, la plus forte place du Bourbonnais et le boulevard de Bourges, mais dès le lendemain il capitulait (Louis XI au comte de Nevers, Vaesen, Lettres de Louis XI, II, 287). Après avoir pourvu à la défense de toutes les places du Berry, l'armée royale assiégea, le 12 mai, Montluçon, « qui est la seconde ville principalle du Bourbonnois. » Jacques de Bourbon, un frère cadet du duc Jean, commandait là quelque 30 ou 40 hommes d'armes et 120 piétons, qui se rendirent dès le lendemain ou le jour suivant (Ibid., 294). Comme l'Ascension tomba le 23 mai en 1465, notre chroniqueur a commis

1

Et, la veille dudit jour d'Ascension Nostre Seigneur [22 mai], arriverent à Paris monseigneur le chancelier de Traynel, maistre Estienne Chevalier, Nicolas de Louviers, maistre Jehan des Molins1, par lesquelz le roy escripvoit à ses bons bourgois, manans et habitans de Paris, en les merciant de leurs bons vouloirs et loyautez, en les priant et exhortant de bien en mieulx continuer. Et par eulx leur mandoit qu'il leur envoieroit la royne pour acoucher à Paris, comme à ville du monde que plus il aymoit.

Et, le jeudi xxx et penultime jour de may l'an mil CCCC LXV, advint que à ung moulin, qui est pardelà Moret en Gastinoys2, nommé le moulin Basset, en une hostellerie ilec estant, se vindrent loger ung nommé Jehan Lahure, marchant de la ville de Sens, ung sien nepveu et autres en sa compaignie. Et, en ladicte hostellerie, environ mynuit, vindrent de xxx à XL hommes de cheval, tous en armes, qui estoient venus desditz lieux de Saint-Morisse et Saint-Forgeau, qui en amenerent prisonniers esdits lieux lesdits Lahure et ceulx de ladicte compaignie, ensemble tous leurs biens et bagues. Et, oudit temps, le roy ordonna

une erreur de date, mais il est probable que les événements qu'il raconte ne furent connus à Paris que vers l'Ascension.

1. L'ex-chancelier et Étienne Chevalier, qu'on a vus arrêtés un moment à Moulins par ordre du duc de Bourbonnais, avaient rejoint l'armée royale sans s'être laissé gagner à la cause des princes. Jean de Moulins, notaire et secrétaire du roi, que Louis XI maria à sa filleule Louise Jamin, fut élu l'un des cent conseillers, puis, en 1464, maire de Poitiers, sur l'ordre du roi (Vaesen, Lettres de Louis XI, II, 181 et 188).

2. Aujourd'hui Moret-sur-Loing, dép. de Seine-et-Marne, arr. de Fontainebleau.

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