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Et le lendemain, premier jour de septembre oudit an LXI, il se desloga dudit palais et s'en ala loger en son hostel des Tournelles près de la bastide SaintAnthoine, où il fut et sejourna depuis par aucun temps. Et là il fist et ordonna plusieurs choses touchant les afaires de son royaume. Et ilec fist plusieurs ordonnances et desappoincta les plus grans et principaulx officiers de sondit royaume, comme le chancelier Juvenel, le mareschal, l'amiral, le premier president de Parlement1, le prevost de Paris et plusieurs autres, et en leurs lieux y en mist d'autres tous neufz. Pareillement aussi desapointa plusieurs maistres des requestes, secretaires, conseillers et clers des comptes, de la court de parlement, des generaulx des aides, de la chambre du tresor, des generaulx des monnoyes et autres, et en leurs lieux y en mist de tous nouveaulx2.

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donné de fête depuis la réception, à Paris, en 1378, de l'empereur d'Allemagne Charles IV, car c'est en des occasions fort rares que le Palais était enlevé au Parlement pour reprendre momentanément sa destination primitive de palais royal. Le 1er septembre, Louis XI dîna encore au Palais, et le soir « se retrahy en l'hostel des Tournelles, où il avoit choisi sa demeure..., et y tint son estat, mais non gaire grand » (Chastellain, IV, 93).

1. Yves de Scepeaux fut remplacé par Hélie de Torrettes, « homme de grant efficace, juste autant aux povres comme aux riches, » qui par ses remontrances réussit à empêcher les bouleversements que Louis XI paraissait sur le point d'introduire dans le personnel de la cour souveraine pour plaire à son oncle de Bourgogne, qui avait à se plaindre du Parlement (Fragment de la Chronique officielle des rois de France, conservé au ms. de la reine Christine 753, fol. 93 (communication de M. Vaesen). Cf. Journal de Maupoint, et Chastellain, IV, 100). La nomination d'Hélie de Torrettes est du 3 septembre 1461. Il prêta serment le 11 du même mois (Ordonnances, XV, p. 12, note; cf. ci-après).

2. C'est le mercredi 2 septembre que Louis XI réunit, « en

Et, le tiers jour de septembre mil IIII LXI, le roy avecques les seigneurs et aucuns gentilzhommes de sa maison soupperent en l'ostel de maistre Guillaume de Corbye, lors conseiller en sa court de Parlement, et celle nuit le roy [le] fist et crea premier president du Daulphiné1. Et là y furent plusieurs damoiselles et

l'hostel neuf construit par Charles V à côté de celui des Tournelles, les ducs et une grant partie des contes et chevaliers et aultres sages,» afin de pourvoir aux offices du royaume. Ce conseil siégea trois semaines, mais le roi suivit peu ses avis. Maupoint, qui fournit ce renseignement, ajoute que « plusieurs chefs de guerre... furent desapointez et aultres moins nobles et de moindres ostelz furent mis en leurs estas et offices. » Les mutations portèrent sur nombre d'officiers de tout ordre, « dont et pourquoy plusieurs personnes furent dolens et desplaisans et se donnoient grant merveille de telle et si soudaine muance en tant et en si grant nombre d'estas et offices parmi ce royaulme. Et nota que lors on disoit que en ce royaulme avoit soixante et quatre mille offices à gages » (Journal, p. 47). C'est Pierre de Morvilliers qui remplaça le chancelier Jouvenel. Le maréchal de Lohéac dut céder son commandement au bâtard d'Armagnac, Jean de Lescun. Jean de Montauban fut amiral à la place de Jean de Bueil avec 2,000 1. t. de gages et 20,000 1. t. de pension (Bibl. nat., ms. fr. 20499, fol. 106), et Jacques de l'Isle-Adam prévôt de Paris à la place de Robert d'Estouteville. On verra qu'après le Bien Public plusieurs des anciens titulaires furent réintégrés en leurs charges (voy. Chastellain, IV, 100, les Memorandums de Bourré, Bibl. nat., ms. fr. 20489, fol. 95, et Ordonnances des rois, t. XV, p. 11 et suiv.).

1. Guillaume de Corbie était fils de Philippe, bâtard légitimé du chancelier Arnault de Corbie et de Jeanne de Chanteprime. Chevalier, seigneur de Mareuil, etc., et conseiller au parlement de Paris dès 1436, il y devint président en 1463. Il avait épousé Jeanne de Longueil et mourut le 21 mars 1490. Par lettres royales, en date du 13 septembre 1461, Guillaume de Corbie fut autorisé à cumuler l'office de conseiller au parlement de Paris avec celui de président au parlement de Dauphiné (Ordonnances des rois, XV, 17).

honnestes bourgoises dudit lieu de Paris. Et, ce jour aussi, fut fait et creé secretaire Jehan Prevost, clerc de maistre Jehan de Valengelier, greffier des requestes de l'Ostel du roy1, au moien de ce qu'il espousa une jeune femme nommée Mariete, qui avoit servy monseigneur le bastard d'Armignac, conte de Comminge; à cause de quoy ledit Prevost a eu de grans biens, et y print le bien qu'il a2. Et, en ce temps, le roy estant audit lieu de Paris, fist de grandes honnestes et bonnes cheres en divers lieux et hostelz de Paris 3.

1. Jean de Valengelier servait Charles VII dès 1434 en qualité de clerc-notaire et secrétaire (Bibl. nat., Pièces orig., vol. 2915, doss. Valengelier).

2. Ce Jean Le Prévost, que notre auteur paraît avoir tenu en médiocre estime, fut un des serviteurs les plus employés de Louis XI. Dès la fin de septembre 1461, on le voit contresigner des lettres du roi (Vaesen, Lettres de Louis XI, II, 14). En 1468, c'est lui qui rédigea le procès-verbal des états généraux tenus à Tours du 6 au 14 avril (Musée des Arch. nat., no 483). En 14731474, il avait probablement la garde des livres du roi (Delisle, Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale, I, 75, 77, et II, 343). En 1466, 1469 et 1472, il exerça le contrôle des finances <deça Seine et Yonne » (Bibl. nat., Pièces orig., vol. 2378, doss. Prévost), et plus tard, en 1484-1485, la recette ordinaire du bailliage de Touraine (Bibl. nat., ms. fr. 20499, fol. 80). Il habitait à Paris, sur la paroisse de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, dont il était marguillier en 1482-1483 (Arch. nat., LL 729, fol. 149). Sa femme, Marie Sohier, toucha, le 4 novembre 1465, 100 écus d'or pour partie de ses gages de lingère et lavandière du roi (Bibl. nat., ms. fr. 26090, no 438, parch.). Par patentes datées de Montils-lès-Tours, le 26 mars 1466 (v. st.), Louis XI lui fit don de tous les droits qu'il possédait sur la prévôté de Triel en récompense des 20 écus d'or qu'elle recevait pour ses gages et pension, avantage que Le Prévost échangea plus tard contre la prévôté de Gonesse (Patentes datées du Pont-de-Samois, 4 octobre 1474. Voy. Sauval, Hist. des Antiquités de Paris, 1724, t. III, p. 424).

3. A en croire Chastellain, les passe-temps de Louis XI n'étaient

Et si advint en ce temps audit lieu de Paris que une belle jeune femme nommée Jehanne du Bois, femme d'un notaire du Chastellet dudit lieu de Paris, se party et absenta hors de la maison de sondit mary et s'en ala où bon lui sembla, et depuis par long temps fut perdue. Et après, sondit mary, bien conseillé de ses principaulx amis, la reprint, et se contint de là en avant avecques sondit mary bien et honnestement1.

En l'année mil CCCC soixante et deux ensuivant, ne survindrent gueres de nouvelletez qui feussent de

pas tous d'un ordre relevé. Escorté par Guillaume Bische, le favori du comte de Charolais, et un des singuliers du monde, >> il s'en allait « bras à bras par nuyt... parmy la ville de Paris visiter dames et damoiselles » (IV, 116, 486). Tout le passage

concernant Jean Le Prévost, qui existe dans les deux manuscrits, a été supprimé dans l'édition gothique, probablement parce que ce personnage vivait encore à l'époque où pour la première fois la Scandaleuse fut imprimée.

1. Les mots et despuis par long temps fut perdue » qui figurent dans les deux manuscrits de la Chronique ont été omis dans les éditions anciennes. Je ne sais si ce notaire au Châtelet est le même personnage qu'Étienne du Bois, conseiller au Parlement, qui fut suspendu de son office pour avoir, en 1476-77, opiné pour que le duc de Nemours « ne fust pugny du crime de lèze majesté. » Ce Du Bois avait épousé Jeanne de Fumechon, fille d'un conseiller au Parlement. Arrêté et emprisonné, il languit quatorze mois tout enferré, les jambes nues, et de jour enchesné d'une chesne de fer. » Transporté ensuite de Tours à Arras, malade, sur ung petit cheval en une charrette, par maniere de derision, en grande esclande de sa personne,» il fut enfin élargi, mais le roi lui fit interdire sous peine de confiscation de rentrer à Paris ni d'approcher de dix lieues de sa résidence. La femme d'Étienne du Bois partagea sa misère et en mourut (Bibliothèque nationale, Pièces originales, vol. 389, dossier du Bois).

grant memoire pourquoy n'en est icy faicte aucune mencion.

Et, au regard de l'année ensuivant mil IIII LXIII, pareillement que dit est, ne survint riens qui doye estre mis en grant memoire, mais l'yver fut court sans estre froit, et fut l'esté long. Il crut en ladicte année assez de vin et assez bon. Et, au regard des autres biens de terre, n'en fut pas grant habondance, mais la mer fut fort fructueuse1.

En l'an mil CCCC LXIIII, à ung jour de mardi, xv jour de may, le roy vint et arriva en sa ville de Paris, qui venoit de Nogent le Roy, où ilec la royne s'estoit delivrée d'une belle fille2. Et ce jour il soupa en l'ostel de maistre Charles d'Orgemont, seigneur de

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1. Interpolations et variantes, § III. Les éditions anciennes ont supprimé le dernier membre de la phrase. Ainsi qu'on l'a remarqué dans l'Introduction, il est au moins singulier que le chroniqueur ait omis de noter les événements des années 1462 et 1463.

2. Interpolations et variantes, § IV. La « belle fille » dont il s'agit (l'Interpolateur, en copiant cette phrase, a supprimé l'épithète) est Jeanne de France, cette pauvre créature contrefaite que Louis XI imposa au jeune duc Louis d'Orléans dans l'espoir peut-être que leur union, vouée à la stérilité, serait la fin d'une maison rivale. Répudiée en 1498 par le duc d'Orléans, devenu le roi Louis XII, Jeanne reçut en compensation le duché de Berry (26 décembre 1498) et mourut en odeur de sainteté (voy. R. de Maulde, Jeanne de France, duchesse d'Orléans et de Berry, in-8°. Paris, 1883). Venu en pèlerin à Chartres, Louis XI partageait son temps entre cette ville et Nogent-le-Roi, qui, depuis 1444, appartenait au grand sénéchal de Normandie, Pierre de Brézé. En 1460, Brézé avait rasé l'ancien château et construit un château neuf qui fut terminé en 1463 (Docum. histor. sur les communes du canton de Nogent-leRoi..., p. p. Ed. Lefèvre, 2 vol. in-12. Chartres, 1865).

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