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ung herault monté à cheval, revestu des armes de ladicte ville, qui estoit nommé Loyal Cuer, qui de par ladicte ville luy presenta cinq dames richement aournées, lesquelles estoient montées sur cinq chevaulx de pris, et estoit chascun cheval couvert et habillé de riches couvertures, toutes aux armes d'icelle ville; lesquelles dames et chascune par ordre avoient personnages tous compilez à la significacion des cinq lettres faisans PARIS, qui toutes parlerent au roy, ainsi que ordonné leur estoit1.

Et, en icelle entrée faisant, le roy estoit moult noblement acompaigné de tous les grans princes et nobles seigneurs de son royaume, comme de messeigneurs les ducs d'Orleans, de Bourgongne, de Bourbon et de Cleves, le conte de Charrolois, filz dudit duc de Bourgongne, les contes d'Eu, d'Angoulesme,

1. ...

Y avoit v femmes, toutes vestues de drap d'or à maniere de royne, ayans sur leur bras leurs nons selonc les v.lettres de Paris. La premiere portoit P, qui segnefie Paix, la seconde A, par quoy est entendu Amour; la tierche portoit R, par quoy est entendu Rayson; la quarte portoit I, par quoy est entendu Joye, et la chinquieme portoit S, par quoy est entendu Seureté. Et estoient toutes v richement montées à cheval, vestues de drap d'or jusques aux piés, et devant elles ung heraus ayans cote d'armes semée du blason de Paris » (Messager de Gand, cité, p. 115). Sur l'entrée de Louis XI, cf. la description si colorée de Chastellain, IV, 75 et suiv.; du Clercq, III, 158 et suiv.; Basin, II, 15 et suiv., et Maupoint, p. 45.

2. Suivant Du Clercq, le vieux duc d'Orléans, alors septuagénaire, se borna à regarder passer le cortège assis à une fenêtre (III, 167). Et Chastellain : « En cest assemblement ne comparu pas le duc d'Orleans. » Le même chroniqueur note l'absence du roi de Sicile, René, de François II, duc de Bretagne, et du comte de Foix, «< qui ne veoient point l'heure propre pour eux y estre en personne » (IV, 88, 91).

de Saint-Pol1 et de Dunois, et autres plusieurs contes, barons, chevaliers, cappitaines et autres gentilzhommes de grant façon, qui, pour honneur lui faire à ladicte entrée, avoient de moult belles et riches housseures dont leurs chevaulx estoient tous couvers. Lesquelles housseures estoient de diverses sortes et façons, et estoient les unes d'icelles de fin drap d'or fourrées de martres sebelines, les autres de veloux, de pennes d'ermines, de drap de damas, d'orfaverie, et chargées de grosses campanes d'argent blanches et dorées?, qui avoient cousté moult grant finance. Et si y avoit sur lesdiz chevaulx et couvertures de beaux jeunes enfans pages, bien richement vestus, et sur leurs espaules avoit de belles escharpes branlans sur les cr[o]upes desdiz chevaulx, qui faisoient moult bel et plaisant veoir.

1. Philippe le Bon, duc de Bourgogne, avait épousé en troisièmes noces Isabelle de Portugal; de cette union était né, le 10 novembre 1433, Charles, comte de Charolais. Jean II, duc

de Bourbonnais et d'Auvergne, avait épousé, le 26 décembre 1446, Jeanne de France, sœur de Louis XI. Jean Ier, duc de Clèves, né le 16 janvier 1419, mort le 5 septembre 1481, était fils du duc Adolphe et de Marie de Bourgogne. Louis de Luxembourg, comte de Saint-Pol, connétable de France (5 octobre 1466), fut décapité le 19 décembre 1475 (voy. ci-après).

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2. C'était une mode extrêmement répandue au xve siècle que celle de charger de clochettes, voire de cloches, les housses des chevaux. La Relation de l'entrée de Louis XI à Paris, imprimée dans le Messager de Gand, dit qu'un des chevaux du comte de Charolais portait sur le dos une cloche « à maniere de timbre pendant à pillers. » De même, le comte de Saint-Pol avait un cheval houssé d'orfèvrerie « à grosses clocques sonnant à batel, » et le seigneur de Croy trois coursiers harnachés de chaînes d'or « à grant multitude de cloches pendans autour des chevaux. »

Et, à l'entrée1 que fist le roy en ladicte ville de Paris par ladicte porte Sainct-Denis, il trouva une moult belle nef en figure d'argent, portée par hault contre la maconnerie de ladicte porte dessus le pont levis, en signifiance des armes de ladicte ville; dedens laquelle nef estoient les trois estas. Et, aux chasteaulx de devant et derriere d'icelle nef, estoient Justice et Equité, qui avoient personnages pour ce à eulx ordonnez; et, à la hune du mast de ladicte nef, qui estoit en façon d'un liz, yssoit ung roy en habit royal que deux anges conduisoient. Et, ung peu avant dedens ladicte ville, estoient à la fontaine du Ponceau2 hommes et femmes sauvages, qui se combatoient et faisoient plusieurs contenances. Et si y avoit encores trois bien belles filles, faisans personnages de seraines toutes nues, et leur veoit on le beau tetin droit, separé, rond et dur, qui estoit chose bien plaisant, et disoient de petiz motetz et bergeretes3; et près d'eulx jouoient

1. C'est ici que débute le ms. fr. 2889 de la Bibl. nat. Louis XI était monté « sur ung cheval et deseure luy ung ciel que vi hommes de la loy de Paris vestu de violet (portoient), et le roy vestus de drap de damas blancq à gros boutons d'or (dans) lesquelz estoient envaisselez gros ballais » (Messager de Gand, cité).

2. Rue Saint-Denis, à une petite distance de la porte, près des Filles-Dieu. Cette fontaine est encore indiquée au plan des fontaines de Paris par l'abbé Delagrave, dans le tome IV du Traité de la police de Delamare (1735).

3. Par motet il faut entendre une composition harmonique à deux, trois ou quatre parties. La bergerette était un rondeau dont le second couplet n'avait pas de refrain et qui différait du premier par les rimes et parfois par le rythme (Rondeaux et autres poésies du XVe siècle, p. p. Gaston Raynaud, Introd., p. LI et suiv. (Soc. des Anc. textes), 1889).

plusieurs bas instrumens qui rendoient de grandes melodies. Et, pour bien rafreschir les entrans en ladicte ville, y avoit divers conduis en ladicte fontaine gectans lait, vin et ypocras, dont chascun buvoit qui vouloit. Et, ung peu au dessoubz dudict ponceau, à l'endroit de la Trinité1, y avoit une Passion par personnages et sans parler, Dieu estendu en la croix et les deux larrons à destre et à senestre. Et plus avant, à la porte aux Paintres, avoit autres personnages moult richement habillez. Et, à la fontaine Saint-Innocent3, y avoit aussi personnages de chasseurs qui acueillirent une biche ilec estant, qui faisoient moult grant bruit de chiens et trompes de chaces. Et, à la Boucherie de Paris, y avoit eschafaulx figurez à la bastide de Dieppe. Et, quant le roy passa, il se livra ilec merveilleux assault des gens du roy à l'encontre des Anglois estans dedens ladicte bastide, qui furent prins et gaignez et orent tous les gorges coppées5. Et, contre la porte de Chastellet, y avoit de moult beaulx

1. Rue Saint-Denis, près la rue Greneta.

2. Rue Saint-Denis, près la rue aux Oues.

3. Toujours dans la rue Saint-Denis, au coin de la rue aux Fers.

4. La Grande-Boucherie de Paris, installée derrière le Châtelet, fut démolie en 1416 et reconstruite deux ans après. Les propriétaires en étaient dès cette époque les Thibert, les Saintyon, les d'Auvergne et les Ladehors (Lespinasse, Les Métiers de Paris, in-4o, I, 261)..

5. La représentation de la prise de la bastille de Dieppe était une délicate flatterie à l'adresse du nouveau roi. Au mois de novembre 1442, le fameux capitaine anglais Talbot vint assiéger Dieppe et édifia devant les murs une forte bastille. Après neuf mois, en août 1443, une armée française, conduite par le dauphin Louis, contraignit les Anglais à lever le siège.

personnages. Et, oultre ledit Chastellet, sur le pont aux Changes1, y avoit autres personnages et estoit tout tendu par dessus. Et, à l'eure que le roy passa, on laissa voler parmy ledit pont plus de CC douzaines d'oiseaulx de diverses sortes et façons que les oiseleurs de Paris laisserent aler, comme ilz sont tenus de ce faire, pour ce qu'ilz ont sur ledit pont lieu et place à jour de feste pour vendre lesdicts oiseaulx. Et, par tous les lieux en ladicte ville par où le roy passa celle journée, estoit tendu au long des rues bien notablement. Et ainsi s'en ala faire son oroison en l'eglise Nostre-Dame de Paris, et puis s'en retourna souper en son Palais royal à Paris, en la grant sale d'icellui : lequel souper fut moult bel et plantureux, et coucha celle nuit oudit palais.

1. Ce pont, couvert de boutiques de changeurs, reliait directement la rue Saint-Denis à la Cité. On l'appelait aussi le Pontaux-Oiseaux, à cause des oiseleurs qui l'habitaient. Il était en bois et fut incendié en 1639.

2. Louis XI arriva à Notre-Dame vers six heures du soir, et fut reçu par l'évêque, entouré de tout son clergé, et par les maitres de l'Université. Après les harangues obligées, qu'il abrégea assez vivement, il jura, suivant la coutume des nouveaux rois, le maintien des privilèges du Chapitre de Paris et visita l'église et les reliques. Voir, dans le Journal de Maupoint cité, p. 45, note 2, le procès-verbal du greffier du Chapitre; cf. Basin, II, 15 et suiv.; Du Clercq, III, 171, et surtout Chastellain, IV, 84. Ce dernier dit également qu'en quittant la cathédrale Louis XI remonta à cheval et s'en alla descendre au palais, « là où estoit appresté le souper pour luy et pour les princes ses pairs et barons, qui tous y eurent chambres et logis pour celle nuyt, voire les hauts et grands princes. » Le banquet fut servi sur la fameuse table de marbre, au bout de cette admirable grand'salle que Philippe le Bel avait agrandie et appropriée. Elle fut détruite par l'incendie de 1618, mais l'étage inférieur existe encore. Il n'y avait pas été

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