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baing au joignant se baignerent madame de Monglat et Perrete de Chalon, bourgoise de Paris.

Et, le lundi ensuivant, xi jour dudit moys de septembre, le roy, qui avoit ordonné mettre sus les bannieres de Paris, comme dit est devant, fist publier que audit jour ilz (sic) feussent toutes prestes pour estre aux champs dehors Paris, en faisant savoir à tous, de quelque estat ou condicion qu'ilz feussent, depuis l'aage de seize ans jusques à LX ans, yssissent dehors ladicte ville en armes et habillemens de guerre, et, s'il y en avoit aucuns qui n'eussent harnoys, que neantmoins ilz eussent en leurs mains ung baston defensable, et sur peine de la hart: ce qui fu fait. Et yssy hors de ladicte ville la pluspart du populaire d'icellui, chacun soubz son estendart ou banniere, qui faisoit moult beau veoir, car chacun y estoit en moult belle ordonnance et sans noise ne bruit, et estoient bien de LX à ш mille testes armées, dont il y en avoit bien xxx tous habillez de harnois blans, jaques ou brigandines1. Et, tous estans en belle bataille, le roy et la royne et leur compaignie qui les suivoient les vindrent veoir; laquelle chose leur pleut moult, car onques n'avoient veu ystre de ville du monde à beaucop près telle ne si grant armée. Et se trouverent LXVII bannieres? des mestiers, sans les estendars et guidons de la court de Parlement, de la Chambre des comptes, du Tresor, des generaulx des Aides, des

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1. C'est-à-dire d'armures de fer ou d'acier poli, de pourpoints rembourrés et piqués (jaques) ou couverts de plaquettes de métal (brigandines).

2. L'ordonnance de Chartres mentionnée plus haut ne compte que soixante et une bannières.

Monnoyes, du Chastellet et Hostel de la ville, soubz lesquelz il se trouva autant et plus de gens de guerre que soubz toutes lesdictes bannieres. Et hors Paris, en aucuns lieux ordonnez, le roy fist porter et conduire plusieurs tonneaulx de vin, qui ilec furent defoncez, pour faire boire et rafreschir tous ceulx de ladicte monstre, qui tenoient moult grant païs, car ilz estoient tous en bataille, à commencer au bout de la voierie d'entre la porte Saint-Anthoine et celle du Temple, depuis les fossez de Paris en montant contremont jusques à ung pressouer devant ladicte voyerie, et de là en bataille au long des vignes jusques à SaintAnthoine des Champs, et puis après jusques au long des murs dudit Saint-Anthoine des Champs jusques à la granche de Rully, et d'icelle granche jusques à Conflans, et dudit Conflans en revenant par la granche aux Merciers tout au long de la riviere de Seine, jusques au boulevert du roy de la tour de Billy, et d'icellui bolevert tout au long des fossez de ladicte ville par dehors jusques à la Bastille et à la porte Saint-Anthoine. Et brief, c'estoit merveilleuse chose à veoir du monde qui estoit en armes dehors Paris, et si maintenoient plusieurs qu'il en estoit à peu près demouré autant dedens Paris qu'il en y avoit dehors1.

1. Interpolations et variantes, § LIII. Maupoint, qui fournit aussi des détails sur cette grande revue de la garde civique parisienne, estime à 28,000 ou 30,000 hommes le nombre des gens armés, cavaliers et piétons. Ils « feirent leurs premières monstres >> entre la porte Saint-Antoine et le village de Conflans. L'évêque Balue, « sans reverence de l'habit episcopal, » y joua au capitaine, ce dont plusieurs furent « très mal edifiez de luy et disoient que il usurpoit et entreprenoit l'execution de l'office et sur l'estat des mareschaux de France! » (Journal, p. 104).

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Et, le mardi ensuivant, xxII° jour de septembre, oudit an IIII LXVII, le roy party de Paris après disner pour aler à pié jusques à Saint-Denis en France. Et avoit avecques lui, aussi à pié, mondit seigneur d'Evreux, monseigneur de Crussol1, Philippe Luiller2 et autres. Et, entre Paris et Saint-Denis, le roy, alant à son pelerinage, trouva trois ribaulx qui lui vindrent requerir grace et remission de ce que tout leur temps ilz avoient esté larrons, murdriers et espieurs de chemins3, laquelle chose le roy leur accorda benignement. Et tout ce jour demoura audit lieu de SaintDenis jusques au lendemain après vespres, qu'il s'en retourna en son hostel des Tournelles, et d'ilec s'en ala souper en l'ostel de sire Denis Hesselin, son pennetier et esleu de Paris, qui nouvellement estoit devenu compere du roy à cause d'une sienne fille dont sa femme estoit accouchée, que le roy fist tenir pour lui par maistre Jehan Balue, evesque d'Evreux; et pour commeres y furent madame de Bueil et madame de Montglat. Et, oudit hostel, le roy y fist grant chere et

1. Louis, seigneur de Crussol et de Beaudiner, grand panetier de France, sénéchal de Poitou, puis de Dauphiné, avait épousé Jeanne de Lévis et mourut en 1473 (Anselme, III, 766).

2. Philippe Luillier, écuyer, seigneur de Cailly, de Manicamp, etc., capitaine de la Bastille, était fils de Jean Luillier et de Jeanne de Vitry. Il épousa : 1o Anne de Morvilliers (morte vers 1481), fille du chancelier; 2° Gabrielle de Villiers, fille de Jacques, seigneur de l'Isle-Adam. Philippe Luillier était mort au mois de mai 1505 (Bibl. nat., Pièces orig., vol. 1772, doss. Luillier. Cf. Arch. nat., KK 59, fol. 121, 128).

3. Voleurs de grands chemins.

4. Cette fille, Louise Hesselin, épousa son cousin Étienne Boucher, qui fut élu de Paris (Vitu, la Chronique de Louis XI, etc., p. 89).

y trouva trois beaulx baings honnestement et richement atintelez1, cuidant que le roy deust ilec prendre son plaisir de se baigner, ce qu'il ne fist point, pour aucunes causes qui en raison le murent, c'est assavoir tant pour ce qu'il estoit enrumé que aussi pour ce que le temps estoit dangereux2.

En ce temps s'esmeut grande guerre entre les Liegois et mons. de Bourgongne et leur evesque, cousin de mondit seigneur de Bourgongne et frere de mons. le duc de Bourbon3. Lequel evesque lesdiz Liegois alerent assieger dedans une ville nommée Huye; et, après que iceulx Liegois orent bien longuement esté devant icelle, ilz la prindrent et gaignerent, et en ce faisant eschapa leurdit evesque estant en icelle. Et, durant ce que dit est, le roy ordonna aler au secours et aide desdiz Liegois ш lances de son ordonnance, dont avoient la charge le conte de Dampmartin, Salezart, Robert de Conynghan et Stevenot de Vignoles*, avecques six mil frans archers prins et esleuz en Champaigne, Soissonnois et autres lieux en l'Isle de France. Et, après ce que ledit de Bourgongne ot bien sceu

1. C'est-à-dire décorés.

2. « Oudit an LXVII fut la mortalité d'epedemie en plusieurs bonnes villes parmy le royaume de France, et morurent grant nombre de gens es bonnes villes et villages d'environ » (Chronique anonyme citée, ms. fr. 20354, fol. 183).

3. Louis, évêque de Liège, était fils de Charles Ier, duc de Bourbonnais, et d'Agnès de Bourgogne, elle-même fille de Jean SansPeur et sœur de Philippe le Bon. L'évêque et le duc de Bourgogne Charles étaient par conséquent cousins germains.

4. Estevenot de Tallauresse, dit de Vignolles, écuyer, seigneur de Hautmont, conseiller et chambellan du roi et son sénéchal de Carcassonne et de Béziers (Bibl. nat., ms. fr. 26093, no 953 et suiv., ad ann. 1470).

la gaigne que lesdiz Liegois avoient fait de ladicte ville de Huye, et qu'ilz y avoient tué plusieurs Bourguignons, il assembla tout son ost, en soy deliberant d'aler en armes sur les champs, en intencion de tout destruire et mettre à feu et à sang lesdiz Liegois. Et ainsi le fist crier et publier par tous ses pays; et ceulx qui faisoient lesdictes publicacions, en icelles publiant, tenoient en une main une espée toute nue et en l'autre une torche alumée, qui signifioit guerre de feu et de sang1.

Oudit temps, ou moys de septembre, le roy bailla ses lettres à ung legat2 venu de Romme de par le pape pour la ronpture de la Pragmatique Sanxion ; lesquelles

1. La ville de Huyse tenoit et s'estoit toujours tenue pour l'evesque contre la cité. » Averti du péril que Louis de Bourbon courait si Huy était pris par les Liégeois, le duc de Bourgogne envoya Pierre de Hénin, sire de Boussut, et d'autres seigneurs pour dégager la ville. Mais, un accord s'étant établi entre le menu peuple et les assaillants, l'évêque épouvanté exigea du sire de Boussut qu'il l'aidât à s'enfuir à Bruxelles. L'évêque parti, Huy ouvrit ses portes aux Liégeois, qui s'y répandirent « comme enragés et visans à tout mettre à mort (sept. 1467). Le duc Charles en fit matte chere et jura de se venger. Il publia son mandement par tous ses pays pour le 8 octobre (Chastellain, V, 315-337). Louis XI parut disposé un moment à assister les Liégeois et chargea d'une mission en ce sens l'évêque de Langres et le comte de Dammartin (fin juillet. Bibl. nat., ms. fr. 5040, fol. 21, orig.), mais il est fort improbable qu'il ait jamais nourri sérieusement le projet d'entrer en ligne (Ibid., fol. 19, et Lenglet, II, p. 621). Dans une lettre que les Liégeois lui adressèrent le 19 août, ils se plaignent de ce que leur évêque poursuyt et porchace la destruction, dommaige, vitupere et desolation de ces cité et pays » (Ms. fr. 5040, fol. 18, orig.).

2. Ce légat se nommait Étienne Nardino, archevêque de Milan. Louis XI demanda pour lui le chapeau de cardinal (Lettre au duc de Milan, en date du Mans, 7 janv. (1468), dans Vaesen, III, 193),

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