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en desrision de ce qu'il se vouloit faire roy dudit royaume. Et avecques lui moururent oudit champ bien six vins barons, chevaliers, escuiers et gens de nom dudit royaume et grant nombre d'autres gens de guerre, que bien on estimoit de IX à xm combatans1.

Et le mercredi, tiers jours de fevrier oudit an mil CCCCLX, furent leues et publiées à Rouen et en divers autres lieux de la duchié de Normandie, es lieux publiques et à son de trompe, les lettres patentes du roy par lesquelles il declairoit son plaisir estre tel que, par tout ledit pays de Normandie et les pors de mer d'icellui, feussent laissez paisiblement descendre tous Anglois et Anglesches, de quelque estat

1. La reine Marguerite, réfugiée en Écosse, reprit les armes à la fin de l'année 1460, entra en Angleterre et réussit à soulever les comtés du Nord. Renforcée par les contingents qu'amenaient Edmond Beaufort, duc de Somerset, le comte de Northumberland et d'autres seigneurs de la Rose-Rouge, l'armée de la reine battit Richard, duc d'York, près de Wakefield, le 30 décembre 1460. Le duc fut tué, et son jeune fils, le comte de Rutland, fut massacré après le combat avec nombre de partisans de la RoseBlanche (Chronique de Jean de Wavrin, II, 260 et suiv. Cf. la Lettre d'Antoine della Torre au duc de Milan, du 9 janvier 1461, dans Rawdon Brown, Calendar of State papers, etc., t. I, p. 95). Le chroniqueur a confondu la bataille de Wakefield, où le duc d'York perdit la vie le 30 décembre 1460, avec la seconde bataille de Saint-Albans, gagnée également par Marguerite d'Anjou, le 17 février 1461. Il ne dit pas non plus que la reine, après avoir reconquis son mari, le roi Henri VI, abandonné par les Yorkistes sur le champ de bataille de Saint-Albans, n'osa pousser sur Londres, où l'opinion publique était défavorable à la cause lancastrienne. Le nouveau duc d'York, Édouard, s'y fit proclamer roi le 4 mars suivant, se mit à la poursuite de ses adversaires et leur fit essuyer une sanglante défaite à Towton, le 29 mars 1461.

qu'ilz feussent et en tel habit que bon leur sembleroit, tenans et advoans le parti dudit roy Henry d'Angleterre et de la royne sa femme, sans aucun sauf conduit avoir de lui, et de les laisser converser par tout son royaume.

En l'an mil CCCCLXI, ou moys de juillet, advint que ledit roy Charles fut malade ou chasteau de Meun sur Yevre1, d'une maladie qui lui fut incurable, dont et de laquelle maladie il ala de vie à trespas audit lieu de Meun, le mercredi xxi jour dudit mois de juillet, feste de la benoiste Magdaleine, entre une et deux heures après midi dudit jour, dont fut grant pitié et dommage. Ou royaume des cieulx puisse estre l'ame de lui en bon repos! car, quant il vivoit, c'estoit ung moult sage et vaillant seigneur et qui laissa son royaume bien uny et en bonne justice et transquilité2.

Et, incontinent après ladicte mort et qu'elle fut manifestée, la pluspart des officiers dudit lieu de

1. Mehun-sur-Yèvre (Cher, arrond. de Bourges).

2. Dans les premiers jours de juillet, Charles VII, dont lat santé était depuis longtemps ébranlée, fut atteint d'un mal dans la bouche, et dès lors il s'affaiblit de jour en jour. M. de Beaucourt, qui, dans le dernier volume de sa magistrale Histoire de Charles VII, a résumé tout ce qu'on sait des derniers moments du roi (t. VI, p. 439 et suiv.), montre à quel point furent unanimes les regrets provoqués par sa mort (p. 445 et suiv.). C'est le dimanche 19 juillet que la nouvelle de la maladie de Charles VII fut rendue publique à Paris, et tout aussitôt l'évêque ordonna des processions générales. La mort fut connue dès le vendredi 24 juillet (Journal de Maupoint, édit. Fagniez, apud Mém. de la Soc. de l'Hist. de Paris, t. IV, p. 39 et suiv.), à Rouen le lendemain (Arch. munic. de Rouen, reg. des délibér. de la ville A8, fol. 189).

Paris et plusieurs autres du royaume s'en partirent, et alerent ou pays de Henault et de Picardie, par devers monseigneur le daulphin, qui ilec estoit avec monseigneur le duc de Bourgongne, lequel monseigneur le daulphin par le decès de son feu pere venoit à la couronne, pour savoir de lui quel estoit son plaisir et comment ilz se auroient à gouverner soubz lui, et pour estre de lui confermez en leurs offices1. Auquel lieu, après icelle mort, fist plusieurs nouveaulx officiers en sa Chambre des Comptes à Paris et autres. Et entre autres y fist et crea maistre Pierre L'Orfevre, seigneur d'Ermenonville, et Nicolas de Louviers, conseillers en ladicte chambre, et maistre Jehan Baillet, maistre des requestes et raporteur en sa chancellerie. Et y conferma à president en icelle chambre messire Symon Charles, qui aussi se fist porter oudit pays en une lictiere2; et les autres officiers requerans estre

1. « Nous tirons devers le roy, de par la court de Parlement, pour lui faire reverence et obeissance, comme raison est... » (Le premier président Yves de Scépeaux à Jean Bourré, secrétaire de Louis XI, de Compiègne, le 28 juillet. Bibl. nat., ms. fr. 20486, fol. 54, orig.). Et Chastellain : « Loys, non dauphin maintenant, mais roy non couronné, prestement changea lieu, et, partant de Genappes atout charroy et ce que avoit de baghes, vint loger au pays de Haynau, toujours dres chant son chemin vers France... Sy vinrent gens de toutes parts à Avesnes, princes et barons, plusieurs evesques et prelats, gens de cités et de bonnes villes, commis de par ceux du Parlement et de l'Université, dont l'evesque de Paris, maistre Guillaume Charretier, fut l'un, et proposa devant le roy» (IV, 30. Cf. Arch. nat., X2a 28; du Clercq, III, 143; Basin, Hist. de Charles VII et de Louis XI, publiées par J. Quicherat, pour la Soc. de l'Hist. de France, t. II, p. 4, 7 et 19). Les délégués rouennais partirent le 25 juillet (Reg. de l'hôtel de ville A8, fol. 189).

2. Conseiller et chambellan du roi, maître en la Chambre des

confermez furent renvoiez à Paris, pour ilec attendre la venue du roy1.

Et, le xxi jour de juillet, oudit an LXI, maistre Estienne Chevalier, qui avoit esté tresorier des finances

Comptes, Pierre L'Orfèvre était fils de Pierre L'Orfèvre, châtelain de Pont-Sainte-Maxence et seigneur d'Ermenonville « en Santois, » etc., et de Jeanne de Laillier. Il fit ses études au collège de Navarre, à Paris, et à l'Université d'Orléans, et épousa Geuffrine Baillet, avec laquelle il habitait à Paris rue de la Bretonnerie. Pierre L'Orfèvre mourut vers 1498 (Bibl. nat., Pièces orig., vol. 1747, doss. L'Orfèvre; cf. le dossier Laillier). Son beaupère, Jean Baillet, fils de Pierre Baillet et de Marie de Vitry, seigneur de Sceaux, conseiller au Parlement de Paris et maître des requêtes ordinaire de l'Hôtel, vivait encore en 1477. Il avait épousé Colette de Fresnes (Pièces orig., vol. 168, doss. Baillet). Simon Charles était l'un des plus anciens serviteurs de Charles VII. Conseiller et maître des requêtes de l'hôtel dès 1430, il fut chargé de diverses missions à l'étranger. Au mois d'août 1442, il s'intitulait président en la Chambre des Comptes (il exerçait cette fonction depuis plusieurs années) et commis au gouvernement de toutes finances es pays sur et deça les rivieres de Seine et d'Yonne » (Beaucourt, ouvr. cité, III, 237 et passim). On trouvera, au Recueil des Ordonnances des rois, t. XV, p. 1 et suiv., le texte des lettres patentes de Louis XI confirmant dans leurs fonctions les gens des Comptes et du Trésor.

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1. Le 1er août 1461, Louis XI expédiait d'Avesnes à Paris un de ses familiers, Jacques de Villiers, seigneur de l'Isle-Adam, pour prendre possession de la ville en son nom, recevoir le serment des bourgeois et habitants et assurer la sécurité publique jusqu'à l'arrivée du roi (Bibl. nat., Pièces orig., vol. 3021, doss. L'Isle-Adam, orig. sur parchemin donné sous le scel du secret en l'absence du grand). - A Rouen, dès le 29 juillet, Jean d'Estuer, écuyer, seigneur de la Barde, conseiller et maître d'hôtel du roi, vint prendre possession au nom de Louis XI des ville, château, palais et ponts, et présenta au conseil de ville des lettres royales datées des Roches, le 25 juillet, qui lui prescrivaient de recevoir le serment des habitants et de remettre la garde provisoire de la place à douze notables. Cette cérémonie eut lieu le 29 juillet (Reg. de l'hôtel de ville A8, fol. 190 vo et 195).

dudit feu roy Charles et lequel il avoit nommé estre ung des executeurs de son testament, et aussi maistre Dreux Budé, audiencier de la chancellerie de France, se partirent de la ville de Paris pour aler au corps dudit defunct audit lieu de Meun1; mais par le seigneur d'Aigreville, cappitaine de Montargis, par le pourchas d'ung gentilhomme nommé Waste de Mompedon 2, furent arrestez audit lieu de Montargis lesdiz Chevalier et Budé, et ilec furent une espace de temps et jusques à ce que le roy les envoya faire delivrer eulx et leurs biens, et depuis furent par lui entretenus en leur offices de tresorier et audiencier.

1. Né vers 1410 et mort le 3 septembre 1474, Étienne Chevalier occupait avant 1444 le poste de secrétaire de Charles VII. Il remplit plusieurs missions diplomatiques, fut nommé conseiller et maître des comptes (15 août 1449), receveur général des finances et contrôleur de la recette générale. La disgrâce où il tomba à l'avènement de Louis XI fut de courte durée, et, en 1463, il joua un rôle important dans la grosse opération financière du rachat des villes de la Somme (Mém. de Commynes, éd. Lenglet-Dufresnoy, 1747, in-4o, Preuves, t. II, p. 392 et 399). Sous Louis XI, il exerça la charge de trésorier de France (Pièces orig., vol. 742, doss. Chevalier). - Dreux Budé, qui, lui aussi, avait commencé sa carrière en remplissant les fonctions de secrétaire de Charles VII (1439), portait, dès la fin de 1441, le titre d'audiencier du roi. Il y joignit celui de trésorier des chartes (voy. Vaesen, Lettres de Louis XI, II, 219).

2. Jean de Montespedon, dit Houaste comme son père, seigneur de Basoches et de Beauvoir, premier valet de chambre du dauphin Louis et l'un de ses confidents intimes, fut chargé à deux reprises de se rendre à la cour de Charles VII pour négocier la réconciliation du dauphin avec son père (commencement de 1461. Beaucourt, Charles VII, VI, 312-322). Le 23 août 1461, son procureur, Emery Vuille, prit possession pour lui du bailliage de Rouen (Reg. de l'hôtel de ville A8, fol. 193 vo). Houaste fut tué à la bataille de Guinegate, le 7 août 1479 (voy. ci-après, à la date).

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