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Et, le venredi ensuivant [11 octobre], vint en l'ostel de ladicte ville maistre Jehan le Boulenger, president en Parlement, dire ilec de par le roy qu'on feist assavoir aux quarteniers et dixeniers de ladicte ville et de main en main au populaire d'icelle qu'on ne s'esbahist point se on veoit la puissance des Bourguignons venir ce jour devant Paris, et que ce seroit pour ilec faire leurs monstres; et nonobstant ce n'y vindrent point ce jour, mais les firent depuis le pont de Charenton jusques au bois de Vinciennes, et se monstrerent grant puissance1. Et là le roy se trouva pour veoir icelles monstres bien simplement, comme de lui quatriesme seulement, c'est assavoir le roy, le duc de Calabre, le seigneur de Charrolois et monseigneur de Saint-Pol. Et, quant lesdictes monstres furent faictes, le roy s'en retourna à Paris par eaue. Et, avant son partement et en sa presence, ledit seigneur de Charrolois dist à tous sesdictes gens de guerre ces motz: «Messeigneurs, vous tous et moy sommes au roy mon souverain seigneur, qui cy est present, pour le servir toutes les foiz que mestier en aura2. >

Et, le samedi ensuivant, XII° jour dudit moys d'octobre IIII LXV, vint nouvelle que la ville d'Evreux avoit esté baillée et livrée aux Bretons par ung nommé messire Jehan le Beuf, chevalier, qui les bouta en ladicte ville le mercredi precedent, jour de SaintDenis, ainsi que les bourgois et habitans de ladicte

1. Interpolations et variantes, § XXVI.

2. Le 11 octobre, le comte de Charolais fit passer à ses gens d'armes la Seine et la Marne. Le roi vint les voir rangés en bataille devant leur artillerie et les « prisa moult » (Mélanges histor., II, 396).

ville aloient en une procession hors d'icelle ville. Et ainsi qu'ilz yssoient par l'une des portes d'icelle, en alant à ladicte procession, lesdiz Bretons entroient en ladicte ville par une autre porte1.

Et, le xvi jour d'icellui moys d'octobre, advint qu'on advertit le roy qu'il y avoit entreprise faicte sur sa personne par aucuns ses ennemis de le prendre ou tuer dedens ladicte ville; et, pour soy en garder et dormir seurement, ordonna expressement qu'on feist grant guet et garde en ladicte ville, tant sur la muraille que dedens, et que par chacun quartier et rue feussent faiz les feux; ce qui fut fait 2. - Et vint aussi nouvelles que la ville de Caen et autres de Normendie s'estoient remises et reduictes en l'obeissance de mondit seigneur de Berry3. Et, depuis ce, le roy envoya en la ville de Mante grant quantité de gens de guerre et de frans archers.

En ce temps, le roy fist aler la royne à Orleans, qui lors estoit à Amboise. Et, le jeudi ensuivant, xvIII jour dudit moys5, le roy souppa en l'ostel du

1. D'après Maupoint (Journal, p. 83 et suiv.), Louis XI apprit le lundi 14 octobre seulement que le bâtard de Bourbon était entré à Évreux, « tant par tradicion que par force. »

2. Le lundi 14, Bretons et Bourguignons avaient commencé à circuler dans Paris. Ils ne commirent aucune déprédation, les bourgeois faisant bon guet au nombre de 30,000 hommes bien armés (Maupoint, Journal, p. 84 et suiv.).

3. Voy. ci-dessus et Basin, II, 130. Cf. l'Instruction donnée au seigneur de Chaumont, pour Mgr Charles de France, par le duc de Bourbon et datée du château de Rouen, 12 octobre 1465 (Bibl. nat., ms. fr. 6963, fol. 59 et suiv.; orig.).

4. Elle demeura à Amboise pendant la campagne, confiée par le roi à la garde des bourgeois de cette ville (Ét. Cartier, Essai historique sur Amboise. Poitiers, 1842, in-8°, p. 23 et suiv.).

5. Lisez xvije jour dud. mois.

seigneur d'Ermenonville, où il fist grant chere, et y mena avecques lui le conte du Perche, Guillaume de Biche1, Guiot d'Urie, Jaques de Crevecuer, mons. de Craon, messire Yves du Fau, messire Gastonnet du Leon, Waste de Monpedon, Guillaume le Cointe et maistre Regnault des Dormans?. Et, pour femmes, y estoient madamoiselle d'Ermenonville, la Longuejoe, la Duchesse et de Longueil; et, pour bourgoises, Estiennette de Paris, Perrette de Chaalon et Jehanne Baillette 3.

1. Interpolations et variantes, § XXVII.

2. René, comte du Perche, fils de Jean, duc d'Alençon, et de Marie d'Armagnac, succéda au duché en 1476 et mourut en 1492. Il épousa en 1488 Marguerite de Lorraine. Guiot d'Urie, ou mieux d'Urre en Dauphiné, seigneur de Molans et de Baumettes, écuyer d'écurie de Louis XI, l'avait accompagné en Flandres. Il épousa Jeanne d'Alauson (Moréri). Jacques de Crèvecœur étant mort dès 1441, il doit s'agir ici de l'un de ses fils, Antoine et Philippe, qui avaient combattu à Montlhéry (Anselme, t. VII, p. 107). Yves du Fou, chevalier, conseiller et chambellan du roi, seigneur de la Ramenteresse, sénéchal de Poitou, grand veneur de France, gouverneur d'Angoumois, capitaine de 100 lances, etc., épousa Anne Mouraut et mourut vers 1489 (Bibl. nat., Pièces orig., vol. 1208, doss. Du Fou; cf. ms. fr. 20432, fol. 5). Gaston du Lyon, chevalier, conseiller et chambellan du roi et son premier valet tranchant, seigneur de Bezaudun, etc., fut sénéchal de Saintonge (1465), puis de Toulouse et d'Albi. Guillaume Le Comte, écuyer, était grènetier du grenier à sel de Paris (Bibl. nat., Pièces orig., vol. 832, doss. Le Comte, et vol. 830, doss. Compains; cf. ms. fr. 6963, fol. 69). Regnault de Dormans, seigneur de Nozay, Saint-Remy, etc., remplissait les fonctions de maître des requêtes ordinaires de l'hôtel et appartenait à une famille parisienne bien connue.

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3. Geofrine, fille de Jean Baillet, seigneur de Sceaux, avait épousé Pierre L'Orfèvre, seigneur d'Ermenonville, et sa sœur, Geneviève, était récemment mariée à Jean Longuejoue, le jeune, seigneur d'Iverny, conseiller au parlement de Paris. - Le nom la Duchesse, désignant ici la femme de Guillaume Le Duc, con

Et, le mardi xxII® jour dudit moys, le roy ala pardevers lesdiz princes, à privée mesgnée, sans sa garde, jusques à la Granche aux Merciers, sauf que mons. de Berry n'y estoit point.

Et, le jeudi ensuivant [24 octobre], mons. le duc de Bourbon vint parler au roy en la place devant Paris, pardeça le fossé de la Granche de Rully. Et estoit le roy ce jour le plus honnestement habillé qu'on l'avoit point veu devant, car il estoit vestu d'une robe de pourpre desceinte et toute fourrée d'ermines, qui lui seoit beaucop mieulx que ne faisoient les cours habis qu'il avoit portez par avant1.

Et, le samedi ensuivant [26 octobre], mondit seigneur de Charrolois se departi de son ost et fist crier par tout icellui, sur peine de la hart, que tous ceulx de

seiller au Parlement, a donné lieu à de singulières bévues de la part des divers éditeurs de la Chronique Scandaleuse; ils ont pris ce nom de famille pour un titre et ont imprimé la duchesse de Longueil, et même de Longueville.· Marie de Marle, fille d'Arnault de Marle, président au Parlement, avait épousé Jean de Longueil, le jeune, conseiller au Parlement, seigneur de Maisons, de Rancher et de la Rivière (Pièces orig., vol. 1741, doss. Longueil). — Étiennette de Paris était la femme de Henri de Paris, marchand, bourgeois de Paris, échevin en 1461; elle était fille de Guillaume de Besançon, procureur au Parlement (Pièces orig., vol. 2198, doss. Paris, et vol. 321, doss. Besançon). Perrette de Chaalon, qualifiée plus loin bourgeoise de Paris, passe à tort ou à raison pour avoir joui de la faveur de Louis XI. Enfin, Jeanne Le Viste avait épousé Thibaud Baillet, chevalier, conseiller puis président au parlement de Paris (Pièces orig., vol. 168, doss. Baillet).

1. Interpolations et variantes, § XXVIII. - Louis XI portait habituellement un pourpoint fort court, des chausses et des bottines (voy. la représentation qui servit de modèle pour son tombeau à Cléry, dans l'éd. de Commynes de Me Dupont, III, 340). La grange de Reuilly était située à l'est de Paris, en dehors de l'enceinte.

son armée et compaignie feussent incontinent prestz pour l'aler servir à l'encontre des Liegois, qui gastoient et mettoient à feu et à l'espée tout ce qu'ilz trouvoient es pays dudit seigneur de Charrolois1.

Et, les dimenche, lundi et mardi ensuivants [27-29 octobre], monseigneur de Berry, qui estoit logié à SaintMor des Fossez, fut ung peu malade d'une fievre qui le tint durant lesdiz trois jours, et puis fut guery. Et, pareillement que devant, le roy fist faire, ledit jour de lundi, les feux et le guet parmy ladicte ville et tendre les chaynes de toutes les rues foraines.

Et, le mercredi ensuivant, xxxe et penultime jour d'octobre, oudit an, furent leues et publiées les lettres de la paix ou treve faicte entre le roy et lesdiz princes en la court de Parlement, où ilec elle fut enregistrée2. Et, ce mesme jour, le roy parti de Paris pour aler au bois de Vincennes pardevers lesdiz princes, et là mon

1. La nouvelle de la défaite du comte de Charolais, semée à Liège par les agents de Louis XI, après Montlhéry, avait mis les armes aux mains des gens de Liège et de Dinant, dont les meneurs étaient soudoyés par l'or français. Avant de quitter Conflans, Charolais expédia de tous côtés des lettres par lesquelles il enjoignit aux vassaux du duc de Bourgogne d'être en armes le 15 novembre à Mézières (Ardennes), pour entrer au pays de Liège (Du Clercq, IV, 239).

2. Interpolations et variantes, § XXIX. Les articles de l'accord passé entre Louis XI d'une part et le duc de Berry et ses adhérents de l'autre, Charolais excepté, sont reproduits par Lenglet (II, 512 et suiv.), sous forme de patentes portant approbation desdits articles, avec la date de Paris, 27 octobre 1465. Outre certaines clauses générales et l'institution des trente-six réformateurs du Bien-Public, sont ratifiées diverses dispositions en faveur des comtes de Dunois, du Maine et de Dammartin. C'est cet ensemble d'articles que les princes approuvèrent à leur tour à la date du 29 octobre, à Saint-Maur-des-Fossés.

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