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aussi plusieurs saumons, esturgons et du herenc frès, en despit et maulgré de tous lesdiz Bourguignons, Bretons et autres ainsi estans devant Paris, qui avoient menacié ceulx de ladicte ville de leur faire menger leurs chas et leurs ras par famine.

Et depuis fut ladicte trefve continuée par deux ou trois foiz jusques au XVIII° jour de septembre, pendant laquelle lesdiz Bretons et Bourguignons se avitaillerent fort en leur ost, à la grant charge et foule du pays et du peuple. Et n'est point à doubter que, quant le roy eust voulu dire Avant, et qu'il eust esté bien servy des gens de guerre prenans ses gaiges et souldées, avecques les nobles et peuple de Paris qui bonne devocion avoient au saint, il eust subjugué et mis tous sesdiz ennemis en tel estat que jamais ne feussent retournez dont ilz estoient partis pour venir devant ladicte ville.

Et, ledit jour de mercredi, XVIII jour dudit mois de septembre, nonobstant le pourparlé desdiz ambasseurs de costé et d'autre, fut tout rompu et perdu le bon espoir qu'on avoit eu auparavant1.

Et, cedit jour, fut desemparé le siege que le roy avoit fait audit Port à l'Engloys, ouquel siege avoient esté faictes de belles trenchées et bolevers, tentes et paveillons. Et, après ledit desemparement, tous les gens de guerre estans oudit siege s'en vindrent retraire

1. La trêve conclue le 4 septembre devait expirer le vendredi 6, soleil levant. Elle fut d'abord étendue jusqu'au mercredi 11, soleil couchant, puis jusqu'au 14, enfin jusqu'au 18 septembre. Après plusieurs réunions « des états » consultés par Louis XI, les prétentions des rebelles furent définitivement repoussées. « Ils demandoient trop grans choses, et trop à la charge et au deshonneur du roy et du royaulme et à la diminucion de sa preeminance et de son demmaine» (Maupoint, Journal, p. 72-76).

et loger aux Chartreux près Paris1, dedens lequel lieu des Chartreux furent logez vr hommes de guerre et leurs chevaulx, et tellement en fut remply ledit lieu que les sains hommes religieux de leans furent dechassez et boutez hors de leurs celles et lieux de devocion.

Et le lendemain, jour de jeudi [19 septembre], lesdiz Bretons et Bourguignons passerent ladicte riviere audit Port à l'Anglois et vindrent au point dudit jour escarmoucher lesdictes gens de guerre du roy ainsi logez à Saint-Marcel, les Chartreux et Saint-Victor, et y en ot de costé et d'autre de mors, navrez et de prins2.

Et ce mesmes jour se fist ung grant conseil et assemblée en la Chambre des Comptes 3, ouquel furent assemblez avecques autres les seize quarteniers d'icelle, les cinquanteniers, et de chascun desdiz quartiers six hommes notables, avecques aucuns conseillers de la court de Parlement, officiers et autres. Et ilec mons. le chancellier Morviller dist et exposa de par le roy

1. A Vauvert, au sud de Paris.

2. Ce jour-là, « la guerre fut criée et publiée ouverte à plain estandart, et aux 50,000 combattants de Paris fut commandé, de la part du roi, « que chacun alast à son guet et à sa garde sur painne de la mort. » Le même jour, Louis XI reçut « les finances >> de Languedoc, « dont gens de guerre furent joieux. » On se battit en dehors de la porte Saint-Antoine, entre Reuilly, Bercy et la Grange-aux-Merciers, et aussi du côté de la porte Saint-Jacques, vers Gentilly, Vitry et Ivry, « en tirant vers le Port-à-l'Anglois. » Les Bourguignons eurent « du pis» et les prisonniers qu'ils perdirent furent noyés (Maupoint, Journal, p. 77).

3. La Chambre des Comptes occupait au Palais l'emplacement où se trouve actuellement la Préfecture de Police.

4. Chastellain le dit « homme fort partial et tout propre au roy et à ses mœurs. » Époux de Jeanne Boucher, il était ainsi allié à plusieurs familles de la haute bourgeoisie parisienne.

comment il s'estoit grandement mis en son devoir d'avoir offert aux princes et seigneurs, qui estoient devant Paris, aux demandes qu'ilz lui faisoient pour l'ampanage de mons. le duc de Berry, pour lequel ilz demandoient avoir la duchié de Guienne, Poitou et le pays de Xanctonge ou la duchié de Normandie1. A quoy leur fut dit et respondu par ledit conseil ainsi assemblé que le roy ne leur povoit pas bailler ne desmembrer de la couronne. Et depuis, le roy leur offrit bailler le pays de Champaigne et Brye, reservé à lui Meaulx, Monstereau et Meleun, pour ledit ampanage. Et ausdiz de Charrolois et autres seigneurs fist de grans offres pour leurs defraiemens, ce qu'ilz ne devoient point refuser; ce qu'ilz ne vouldrent accepter2. Et demoura tout jusques au vendredi matin ensuivant, auquel jour le jeune seneschal de Normandie yssit dehors Paris à tout bien six cens chevaulx, pour escarmoucher et soy monstrer devant les dessusdiz. Et pareillement se monstrerent de l'autre costé de la riviere grant quantité de gens de guerre devant lesdiz Bourguignons, qui fort tirerent engins celle journée,

1. Peut-être faut-il lire et le duché de Normandie. (Voy. les Remontrances du chancelier des offres faites par le roi, analysées par Lenglet (II, 510) d'après les registres du Parlement, à la date du 19 septembre 1465.) Pour refuser la Normandie à son frère, Louis XI invoqua l'ordonnance de novembre 1361, par laquelle le roi Jean, réunissant ce duché au domaine de la couronne, en interdit à jamais l'aliénation.

2. Au Bourguignon les villes de la Somme, le comté de Boulogne et 200,000 livres payables en quatre annuités.

3. Jacques de Brézé, comte de Maulévrier, fils de Pierre, tué à Montlhéry, et de Jeanne Crespin, avait épousé en 1462 Charlotte, fille naturelle du roi Charles VII et d'Agnès Sorel. Il mourut le 14 août 1494.

dont ilz tuerent ung gentilhomme de Poictou de la compaignie de mons. de Penthievre qui se nommoit Jehan Chaureau, seigneur de Pampelie1. Et dedens les vignes près Saint-Anthoine des Champs furent prins bien xx ou xxш povres paillars Calabriens et Bourguignons tous nuz et mal en point, qui furent venduz au butin, et en donnoit on quatre pour ung escu, qui est audit pris vi sous vi deniers parisis la piece.

Et le samedi ensuivant [24 septembre], au point du jour, ung nommé Loys Sorbier3, qui estoit à Pontoise lieutenant de Joachin Rouault, mareschal de France, par faulse et mauvaise trahison qu'il fist et conspira contre le roy son souverain seigneur, bouta dedens ladicte ville les Bretons et autres ennemis du roy. Et, en faisant par lui ladicte trahison, mist en son appoinctement que ceulx qui estoient audit lieu de Pontoise, de la compaignie dudit Joachin, qui ne vouldroient demourer, s'en yroient franchement eulx et leurs biens saufz. Et incontinent qu'il ot ainsi baillée ladicte ville de Pontoise, il s'en parti lui et aucuns de sadicte compaignie, et alerent devant Meulenc porter et mons

1. Pamplie (Deux-Sèvres, cant. de Champdeniers).

2. C'est-à-dire appartenant à l'armée du duc de Calabre, qui avait amené des aventuriers allemands et suisses.

3. Louis Sorbier, seigneur de Paray, était originaire du Berry et comme tel bien disposé à l'égard de Charles de France. Quand Louis XI donna le duché de Guyenne à son frère, Louis Sorbier fut créé grand écuyer, conseiller et chambellan du nouveau duc et capitaine des 50 lances de sa garde. Après la mort de Charles de France, il prêta serment de fidélité à Louis XI sur le chef de saint Eutrope (29 mai 1472. Bibl. nat., ms. fr. 20491, fol. 56) et fut créé conseiller et chambellan du roi et son sénéchal en Périgord (Bibl. nat., Pièces orig., vol. 2715, doss. Sorbier).

4. Meulan (Seine-et-Oise, arr. de Versailles).

trer l'enseigne dudit Joachin, afin que ceulx estans oudit lieu les boutassent dedens sans en faire difficulté, en cuidant par lui qu'ilz n'eussent point encores esté advertis de sadicte trahison; mais avant qu'il vint, ceulx dudit Meulenc estoient bien advertis d'icelle trahison. Et incontinent qu'il fut apperceu par lesdiz de Meulenc, qui desjà estoient en armes dessus les murs1 d'icelle ville, crierent à haulte voix audit Sorbier : « Alez, faulx et mauvais traistres!» et leur gecterent des engins dudit lieu, et partant fut contraint de soy en retourner audit lieu de Pontoise à toute sa honte. Et, cedit jour, ledit Sorbier escripvit unes lettres audit Joachin, par lesquelles lui escripvoit qu'il avoit mis et bouté lesdiz Bretons et autres audit Pontoise, et qu'il avoit esté conseillé de ainsi le faire pour le mieulx, et que de la faulte qu'il avoit faicte lui et le roy le lui pardonnassent. Et sur la superscripcion desdictes lettres estoit escript : « A vous et au roy2. »

Et, ce jour, fut faicte saillie de Paris sur lesdiz Bretons et Bourguignons, et y en ot de prins, navrez et tuez de costé et d'autre. Et si ot ung cheval de pris qui estoit tout bardé de cuir bouilly, qui fut tué d'un cop de coulevrine que lui baillerent lesdiz Bourguignons 3.

1. Interpolations et variantes, § XVIII.

2. Interpolations et variantes, § XIX. Basin (II, 126) dit que Louis XI fut extrêmement affecté de la perte de Pontoise : « eo quod adversariis suis transitus apertus foret per quem, transmissa Isara, Normanniam aggredi possent. » C'est ce qu'ils ne tardèrent point à faire, en effet.

3. Ce vendredi 20 septembre, on escarmoucha assez chaudement, mais sans autre résultat que la mort d'une trentaine d'hommes. Le lendemain, Charles de Louviers, échanson du roi

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