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DE MON ANCIEN AMI,
PIERRE JELIOTTE*,

Ancien & premier Acteur de l'Académie
Royale de Mufique de Paris.
Ci-GirlAMPHION de notre âge;
Qui, par un bien rare affemblage,
Sut joindre aux charmes de fes Chants,
L'Aménité, les Mœurs, l'Amour des vrais Talens.

S'il eût parlé, fon Éloquence aimable
Eût défarmé la main qui creufoit fon Tombeau ;
S'il eût chanté, la Parque impitoyable

Eût laiffé tomber fon Ciseau.

Par M. D. L. P.

*

Laquelle, fi mes vœux font accomplis, ne fervira de long-tems; mais que j'ai cru lui devoir dès à préfent, de peur de mourir avant lui.

Après les Vers ci-dessus, il est inutile de dire qu'il fait aujourd'hui les délices de la Société, comme il fit autrefois ceux des âmes fenfibles, ainfi que des oreilles les plus délicates & les plus exercées.

SUR LA MORT DE BEATRIX. *

(Traduction du DANTE.)

BEATRIX ne voit plus le jour :
Le Monde, en fon vafte féjour,
N'offre plus rien qui m'intéresse.
BÉATRIX ne voit plus le jour :
Les derniers foins de mon Amour
Seront de la pleurer sans cesse.

Déjà fur fon front rayonnant

Les Anges ont placé la Couronne immortelle.
Hélas! que nos Deftins different maintenant !
Mes Maux font infinis, fa Gloire eft éternelle

Quel mortel infenfible a connu fes
Et peut, à fon Trépas

Ah!

appas,

Ne point donner des larmes ?.....

pour

lui la Vertu n'aura jamais de charmes.

Je fuis loin des Humains, dans un autre Univers;
J'appelle BEATRIX au fond de mes déferts:

Mon trouble, ma douleur extrême

Eft importune à tous les yeux,

Et rebute la Pitié même.....

Mais qu'importe au Cœur qui gémir

La Pitié des Humains, ou leur indifférence ?

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BEATRIX me voit, il fuffit:
Ses regards font ma récompense.

O mes triftes accens,

Des Cœurs compatissans
Réveillez la tendresse.

BEATRIX ne voit plus le jour :
Les derniers foins de mon Amour
Seront de la pleurer fans ceffe!

Par M. DE CHABANON,

de l'Académie Française.

* Les Vers de Pétrarque, fur la mort 'de Laure, ne font pas plus tendres que ceux-ci, dont nous avons pourtant cru devoir retrancher quelques verfets. Ce qui prouve que les Poëtes les moins doux, le deviennent prefque toujours dans les Ouvrages où il s'agit d'exprimer les fentimens qu'infpirent ou la tendreffe ou le malheur.

ÉPITAPHE ÉNIGMATIQUE.

CI-REFOSE un Mortel aimable,

Savant, modefte, infatigable,
De Vénus ardent Sigisbé;

Qui, deux fois, pour au loin la fuivre,
Au rifque de n'y pas furvivre,

Dans ce service a succombé.

Priez Dieu

pour le pauvre

Abbé!

Par M. D. L. P.

L'Abbé CHAP PE, né à Mauriac en Auvergne, en 1722, de l'Académie des Sciences, s'eft immortalifé par fes deux Voyages pour l'Obfervation du Paffage de Venus fur le Difque du Soleil, l'un à Tobolsk, dans la Sibérie, en 1761, l'autre en Californie en 1769. Le détail des obftacles & des dangers multipliés qu'il eut à vaincre dans le cours de ces deux Voyages, & fur-tout du premier, font de nature à étonner les âmes les plus intrépides; & la conftance avec laquelle il les furmonta, à prouver qu'il n'eft rien d'impoffible pour ceux qu'animent le vrai zéle & la gloire de fe diftinguer dans la carrière où leur Génie fe croit appellé. Un exemple fuffira pour en convaincre.

L'Abbé Chappe, endormi de fatigue,

abandonné la nuit

par fes gens, dans la Sibérie, à fon réveil fe trouve feul dans fon traîneau, au milieu d'un défert de glace, fans vivres, & loin de toute espéce d'habitation; reprend courage, marche au hafard, s'abîme dans un trou rempli de neige, s'en tire par miracle, apperçoit dans le lointain une foible lumière, la fuit, arrive, retrouve fes gens, les réveille, leur pardonne, & pourfuit fa

route.

Il approche enfin de Tobolsk; il ne reftoit que trois rivières à paffer: mais tout annonçoit le dégel; on voyoit l'eau par-tout. Les Poftillons refufent le fervice il les enivre d'eau-de-vie, & traverfe les deux premières. A la dernière, il n'éprouve que des refus infurmontables. Le Voyageur indigné entre chez le Maître de Poste, en tenant à la main fon Thermomètre, que la chaleur du poële fait monter, au grand étonnement des fpectateurs! L'Abbé, qui s'en apperçoit, faifit la circonftance; leur fait dire fon par Interprête, qu'il eft un grand Magicien; que l'Inftrument qu'il porte l'avertit de Tous les dangers; que fi le dégel étoit à craindre, l'animal qu'il renferme, étant expofé au grand air, ne defcendroit pas

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