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enfin pouffées au point que lui-même, en partant des Pays-bas, fe`vantoit d'y avoir fait mourir 1800o perfonnes par la main du Bourreau.

Ce Général étant tombé dans la difgrace de fon Maître, & envoyé prifonnier à Azéda, Philippe ne le rappella que deux ans après, comme un dogue enchaîné qu'on veut lâcher pour aller à la chaffe & l'envoya avec une armée pour foumettre les rebelles du Portugal; & où ce Boucher, après une victoire auffi fanglante que décifive, renouvella les mêmes horreurs qu'il avoit exercées contre les Flamands. Il mourut peu de tems après, à 74 ans, avec la réputation d'un Général expérimenté, d'un Politique habile, mais d'un homme cruel, vindicatif, & d'une exceffive vanité.

Il fe mêle quelquefois dans la vie des grands hommes des circonftances fingulières, & d'un ridicule furprenant.

Il faifoit beau voir ce fameux Duc d'Albe, le plus brave & le plus cruel de tous les hommes, qui, dans fa jeuneffe, avoit ofé fe comparer au Soleil ; il faifoit, dis je, beau voir ce grand Général d'Armée, dans fa décrépitude & tout couvert encore du fang qu'il avoit répandu, entre les bras d'une Nourrice, & la téter comme

un Bambin, par ordonnance de la Faculté, pour prolonger de quelques jours une vie qu'il avoit prodiguée mille fois en cherchant l'honneur & la gloire!

Le Duc d'Albe avoit fait la guerre dans les principales parties de l'Europe & de l'Afrique: il avoit fervi à la réduction des Pays-bas, & à la conquête du Portugal; il n'y avoit forte de fang, foit Maure, foit Chrétien, foit Proteftant, foit Catholique, dont il n'eût trempé la

terre.

Son Hiftoire rapporte que, fur la fin de fes jours, il eut horreur de tant de torrents de fang, de tant de monceaux de têtes coupées, qui s'offroient à fon imagination quelque chofe qu'il pût faire pour la détourner de ces funeftes tableaux. Les Comtes d'Egmont & de Horn fe préfentoient par-tour à lui avec une affreufe troupe de Flamands, pendus ou égorgés par fes ordres. Tremblant d'aller au Jugement terrible avec une fi effroyable fuite, il témoigna fon appréhenfion à Philippe II fon maître, en fe plaignant de l'énorme fardeau dont fa confcience étoit accablée. Ce Prince lui fit dire, pour le consoler, qu'il vouloit partager ce fardeau avec lui qu'il prendroit fur foi le fang qui avoit été répandu par fes armes; mais que le

Duc répondroit de celui qu'il avoit fait couler fur les échaffauds.... Affreufe confolation!

CI-GÎT

D'UN PROCUREUR.

un Procureur, qui, le feul au Palais, Au titre d'honnête homme eut le droit de prétendre.

Paffant, viens honorer fa Cendre,

Si tu fais, toutefois, ce que c'est qu'un Procès.

Si, par hasard, tu l'ignorais,
Que Dieu te garde de l'apprendre !

Par M. SIMON.

DUN PETIT CHIEN.

Ci-Git, qui termina fon Sort
Sur les genoux de ma SILVIE.

Ah! fon mal étoit donc bien fort,
Puifqu'à la fource de la Vie,

Il ne

put

éviter la Mort?

Par M. BONNIER DE CAYENS.

ÉPITAPHE

SINGULIÈRE

DE GASPARD DE SAULx,

Maréchal de Tavannes *.

D'HARDIESSE, d'Affaut, de Confeil, de

Vaillance,

Je défis & je prins, j'aidé, je regagné,
CHARLET QUINT, un Mylord, HENRI, le Dau-

phiné,

A Renty, à Calais, aux Guerres, à Valence.

Cinquiéme Maréchal, premier je fus en France;
Admiral du Levant, aux Mers j'ai commandé;
J'ai, Lieutenant de Roi, la Bourgogne gardé ;
J'ai, pour lui-même, efté Gouverneur de Provence.
En foixante-trois ans qu'au monde j'ai vécu,
Je n'ai rien, fors la Mort, trouvé qui ait vaincu
Ma Puiffance, mon Bras,mon Bonheur,ma proueffe;
Dont mon Corps, mon Efprit, & mon Renom auffy,
Vieil, heureux, immortel, gift, revit, court sans

ceffe

Au Tombeau, dans les Cieux, par-tout ce Monde,

icy.

Anonyme.

* Mort en fa Terre de Sully en 15735

& enterré dans le Chœur de la Sainte Chapelle de Dijon, où on lui éleva un Maufolée, fur lequel on lit l'Epitaphe ci-deffus.

Les détails que contient cette Epitaphe fingulière nous permettent feulement d'ajouter, que le Duc d'Orléans, fecond fils de François Premier, frappé du caractère & des agrémens du jeune Tavannes, fe l'attacha particulièrement; qu'étant également vifs & impétueux, ils fe livrerent à toutes les faillies de leur âge, & dans lefquelles ils couroient fouvent rifque de la vie. Ils paffoient à cheval à travers des bûchers ardens ; ils fe promenoient fur les toîts des maisons, d'où ils fautoient quelquefois d'un côté de la rue à l'autre. On dit qu'un jour Tavannes, en préfence de la Cour, qui étoit alors à Fontainebleau fauta à cheval d'un rocher à un autre, qui en étoit diftant de 3 3 pieds. Tels étoient les amusemens groffiers du Prince, de Tavannes, & en général des jeunes gens de qua lité qui étoient attachés au Duc d'Orléans.

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Tavannes s'oppofa au deffein que l'on avoit d'envelopper le Roi de Navarre & le Prince de Condé dans le cruel Maffacre de la Saint Barthélemy; & l'on a eu raison de dire que c'eft à lui que la Maifon de Bourbon a l'obligation d'être aujourd'hui

fur le trône.

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