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« ce que je dois écrire, ni fur quoi je « dois m'excufer. Vous m'avez envoyé

dire, par un homme que vous favez être "mon ennemi déclaré, que pour obtenir « votre faveur, je dois reconnoître une « certaine vérité? Il n'eut pas plutôt faic

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fon meffage, que je m'apperçus de votre « deffein.... Mais fi, comme vous le « dites, l'aveu d'une vérité peut me pro-. «curer ma délivrance ? j'obéirai à vos « ordres de tout mon cœur, & avec une « entière. foumiffion.

Mais que Votre Grandeur n'imagine "pas que votre pauvre-femme puiffe "jamais être amenée à reconnoître une «faute dont la feule penfée ne lui vint jamais à l'efprit?

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«Pour vous dire la vérité: jamais Prince "n'eut une époufe plus fidéle à l'égard de tous fes devoirs & dans toute efpéce d'affection,que celle que vous avez trouvée en la perfonne d'Anne de Boulen; « qui auroit pu fe contenter de fon nom " & de fon état, s'il avoit plû à Dieu & à Votre Grandeur de l'y laiffer.

«Mais, au milieu de mon élévation & de la Royauté où vous m'avez admise, « je ne me suis jamais oubliée jufqu'à ce point, que je n'aie toujours appréhendé quelque revers pareil à celui qui m'ar

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«rive aujourd'hui. Comme elle n'avoit «de fondement plus folide que-celui de la fantaisie de Votre Grandeur, je croyois bien que la moindre altération dans vos fentimens pour moi feroit capable de « vous tourner vers quelque autre objet. Vous m'avez élevée d'un bas étage à la Royauté, & à devenir votre compagne, fort au-delà de mon mérite & même 66 de mes defirs! Si donc vous m'avez cru digne de cet honneur, ne fouffrez pas, «Bon Prince, qu'aucune fantaifie volage, «ou qu'aucun mauvais confeil de mes ennemis, me prive de votre faveur Royale? Ne fouffrez pas, Bon Prince qu'une tache fi noire & fi indigne que « celle d'avoir été infidéle à Votre Grandeur, terniffe la réputation de votre « très obéiffante femme & de la jeune "Princeffe votre fille ? Ordonnez, Bon Roi, que l'on inftruife mon Procès, « mais que l'on y obferve les loix de la

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Juftice?... Et ne permettez pas que « mes ennemis jurés foient mes accufa«teurs & mes Juges? Ordonnez que ce Procès foit public, puifque ma fidélité ne craint pas d'être expofée à la honte? Alors yous verrez mon innocence juftifiée, vos foupçons levés, votre efprit fatisfait, & la calomnie réduite au filence;

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ou mon crime paroîtra dans toute fon évidence aux yeux de l'univers.

« Ainfi, quoi qu'il plaife à Dieu ou à "yous d'ordonner de moi, Votre Gran« deur peut fe garantir de la cenfure pu

blique; & mon crime une fois prouvé «en Justice, vous êtes en pleine liberté « devant Dieu & devant les hommes, « non-feulement de me punir comme une épouse infidelle, mais de fuivre l'inclination que vous avez maintenant fixée « fur cette perfonne, (Jeanne Seymour) pour l'amour de laquelle je me vois ré« duite dans ce déplorable état, (& que j'aurois pu vous nommer il y a long"tems!) puifque Votre Grandeur n'i"gnore pas jufqu'où alloient mes foup"çons à cet égard.

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«Mais fi vous avez réfolu de me per« dre, & que ma mort fondée fur une infâme calomnie, vous doive mettre en poffeffion du bonheur que vous fouhaitez ? je prie Dieu qu'il veuille vous pardonner ce grand crime, auffi-bien qu'à mes ennemis, qui en font les inf"trumens! & qu'affis au dernier jour fur « fon trône, devant lequel vous & moi comparoîtront bientôt, & où je ne pas (quoi que de moi l'on puiffe croire) que mon innocence ne foit plei

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doute

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nement reconnue ; je le prie, dis-je, qu'alors il ne vous faffe pas rendre un «compte rigoureux du traitement auffi indigne que cruel que vous m'aurez fait "dans ce monde !

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"La dernière & feule chofe que je vous "demanderai, eft que je porte moi feule « tout le poids de votre indignation; & " que ces pauvres & innocens Gentils« hommes qui, à ce que j'ai ouï dire, "font retenus, à cause de moi, dans une « étroite prifon, n'en reçoivent aucun "autre mal!

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« Si jamais j'ai trouvé grâce auprès de "Votre Grandeur; fi jamais le nom d'Anne de Boulen a été agréable à votre oreille, fouffrez que j'obtienne ma de: "mande, & j'y borne tous mes vœux! « Mais j'adrefferai toujours mes ardentes prières à l'Eternel pour qu'il lui plaise vous tenir en fa bonne garde, & vous diriger en toutes vos actions.

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De ma trifte Prifon, à la Tour,

« le 6 Mai 1536.

"Votre très fidéle & très

Innocente femme,

"ANNE DE BOULEN. »

Le jour même qu'Anne de Boulen fut arrêtée & conduite à la Tour'de Londres, prévoyant quel feroit fon fort, elle appella un Gentilhomme de la Chambre, auquel elle dit : « Recommandez-moi au Roi, & lui dites qu'il s'eft montré grande«ment conftant en l'avancement de ma « fortune, où il a procédé par degrés : car de fimple Damoiselle il m'a fait Marquife, & de Marquife Reine: de ma«nière que, maintenant, il n'y a point de qualité plus éminente; & que fon «but eft probablement aujourd'hui de me «faire Martyre.

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DE JACQUES IV,*
Roi d'Ecoffe.

LE Trône où je montai, teint du fang de mon

Pere,

Fut transmis à mon Fils, enfanglanté du mien.

Il eut, autant que moi, la Fortune contraire:
Sa Fille furpaffa mon malheur & le fien.

Ide.

Tué à la Bataille de Flodon en 1513. Il n'y a aucun exemple dans l'Hiftoire d'une Maifon auffi infortunée que celle de Stuart.

L'

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