Images de page
PDF
ePub

EPITAPHE MONORIME
D'UN BIBLIOTHÉ QUAIRE *.

CI-Gir, qui, pour un vieux Bouquin,
Couvert ou non de Maroquin,
Maroquin rouge, ou bleu Turquin,
Tanné, gros marbre, ou Colombin,
Ou feulement de Parchemin,
Toujours par voie & par chemin,
Auroit couru foir & matin,

Comme un véritable Lutin.

L'efprit rufé, l'air chafoin,
Et prenant le ton enfantin,

Eût fait cent Contes de PASQUIN,
Et cent Menfonges d'un SCAPIN,
Et cent tours de Maître GONIN.

Jamais n'ayant gouffet mesquin,
Toujours le Patard, l'Escalin,
Le Ducat & le Sultanin,
Et même la Livre Sterling.

Cependant, en vrai Galopin,
Alloit à pied comme un Vilain,
Et crotté comme un vieux Trotin,
Érudit, Virtuose, fin.

Savant comme Meffieurs IS LIN,
DE BOZE, FRÈRET & SCHOPFLIN
Alegre, vîte comme un Dain,
Il eût couru jufqu'au Tonquin,
Pour efcamoter un Bouquin.

Mais il faut à tout mettre fin,
Et ma Mufe eft fur fon déclin.
Dites-lui donc un Requiem,
Spectans Refurrectionem.

Idem.

On prétend que cette Epitaphe, faite par gageure, étoit de plus de 1300 vers; & qu'ayant été communiquée, en 1745, à Fontenelle il dit : « Qu'après y avoir

trouvé une Erudition immenfe, il ne "confeilloit pas de la donner fans y faire "beaucoup de retranchement. » Et fans doute il avoit raison,

D'UN VOLEUR,

NOMMÉ JACQUIN,

Qui, fe voyant decouvert, fe jetta du haut d'une maison & fe tua.

C1-ctr par un noble trépas

Jacquin qui fit un rude saut,
Préférant de mourir en bas,

De crainte de mourir en haut

Par LE VAYER DI BOUTIGNY.

D'UN PRODIGUE,

Qui s'empoifonna, après avoir mangé tout fon bien.

CI-GIT, qui n'ayant pas envie

Que la faim terminât fon fort,
Fut contraint de manger fa mort,
Après avoir mangé la vie.

Par LA MOTHE-LE-VAYER

[blocks in formation]

CY-GIST le bon Monfieur Chérac,
Qui prenoit ab hoc & ab hac !

Par M. D. L. P.

D'ELISABETH,
Reine d'Angleterre.*

CI-GIT

îr une Reine, qui a régné quarante-quatre ans; qui a vécu & qui eft morte Vierge.

* Morte en 1663. C'est elle même qui fouhaita qu'on gravât cette Epitaphe fur fon Tombeau, & qui ne voulut pas qu'on lui donnât d'autre Eloge après la mort, quoique fa Virginité fut la plus douteuse de toutes fes qualités.

L'Archevêque de Cantorbéry, qui l'affiftoit dans les dernieres heures de fa vie, vouloit la confoler, en lui détaillant tout ce qu'elle avoit fait de louable : « Mylord (interrompit-elle) la Couronne que j'ai portée pendant long-temps, m'a affez "donné de vanité pendant que j'ai vécu; je vous prie de ne pas l'augmenter à cette heure que je fuis fi près de la mort.

[ocr errors]
[ocr errors]

L'Auteur du Catalogue des Rois & des Nobles d'Angleterre qui ont écrit, a mis Elifabeth au rang de ces auteurs diftingués. Elle traduifoit (dit-il) Euripide, Ifocrate, Horace, & commentoit Platon. Elle écrivoit en Vers & en Profe; & ce qui n'eft pas moins fingulier, c'eft qu'elle s'amufoit & réuffiffoit à compofer des Logogryphes & des Rébus.

Un Ambaffadeur de Pologne lui ayant un jour manqué de refpect dans une Audience publique; Elifabeth, après lui avoir répondu très vivement, en latin, fe retournant vers fes Courtifans, leur dit : « Mordieu! Mylords! j'ai été forcée aujourd'hui par cet homme là, de décraffer mon vieux latin, que j'avois laiffé rouiller depuis long-temps."

[ocr errors]

Il y a cela de fingulier & de très remar quable dans la conduite de la Reine Elisa beth, qu'elle faifoit fervir fes plaisirs à fa politique, & qu'elle établiffort fes Affaires par où, d'ordinaire, les Princes les détruifent. fes Amours étoient fecrettes & fi fecrettes, que jufqu'à préfent l'on n'en a point découvert tout le myftere; mais l'utilité qu'elle en tiroit étoit publique, & alloit tou jours au bien de l'Etat. Ses Galants étoient fes Miniftres, & fes Miniftres étoient fes Galants. l'Amour commandoit, & l'Amour

« PrécédentContinuer »