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néanmoins par une grande modération et par une hauteur de vue très remarquable.

C'est aussi à Le Laboureur qu'on doit la publication partielle de l'œuvre d'un chroniqueur bourguignon, Jean Le Fèvre, seigneur de Saint-Remy', connu de son temps sous les noms de Charolais et de Toison d'Or, parce qu'après avoir été l'un des hérauts du duc Philippe le Bon, il fut le roi d'armes de l'ordre de chevalerie fondé par ce prince en 1430. Cette chronique s'étend de 1408 à 1435; bien qu'elle ne soit le plus souvent qu'une reproduction de celle de Monstrelet, elle contient certaines additions fort intéressantes. Réimprimée de nos jours, avec un fragment inédit, par Buchon, elle vient d'être l'objet d'une nouvelle édition, donnée par M. Morand sous les auspices de la Société de l'histoire de France 3.

Pour rencontrer de nouvelles sources originales sur le règne de Charles VII, il faut franchir tout le dix-huitième siècle et arriver à la période de la Restauration qui, en même temps qu'elle rendit à la France la paix et la liberté, donna le signal d'une renaissance historique aussi bien que littéraire. Nous ne devons pas oublier que Louis XVIII a été le fondateur de notre École des chartes *.

C'est un Belge, le baron de Reiffenberg, qui ouvre la série, avec un chroniqueur bourguignon dont un fragment avait été donné par Perrin, en 1783, dans la Collection universelle des mémoires particuliers relatifs à l'histoire de France. Il s'agit de Jacques du Clercq, seigneur de

1. Histoire de Charles VI, Roy de France, par Jean Le Fevre, dit de Saint-Remy, dans le tome II de l'ouvrage précité, à la fin de la Chronique du Religieux. Ce morceau est paginé de 1 à 167, et s'arrête à l'année 1423.

2. Dans les tomes XXII et XXIII de ses Chroniques nationales, et dans le Panthéon littéraire.

3. Chronique de Jean Le Févre (sic), seigneur de Saint-Remy, transcrite d'un manuscrit appartenant à la Bibliothèque de Boulogne-sur-Mer, et publiée pour la Société de 'Histoire de France, par François Morand. Paris, 1876-81, 2 vol. gr. in-8° (le tome II n'a point encore paru au moment où j'écris ces lignes).

4. Voir l'ordonnance royale du 22 février 1821, portant création d'une École des chartes, dans la Notice historique sur l'École royale des chartes, insérée en tête de la Bibliothèque de l'École des chartes, t. 1 (1839-40), p. 1-42.

5. Tome IX, p. 363-501.- Nous n'avons pas renvoyé à cette collection, qu'on ne consulte

Beauvoir en Ternois', né à Arras vers 1420, mort en 1501 2, dont la chronique commence en 1448 et se termine en 1467. Cette chronique a été reproduite par Buchon et par Michaud et Poujoulat dans leurs collections. Bien inférieur aux autres chroniqueurs du temps, Jacques du Clercq offre surtout un intérêt local; il fait de fréquents emprunts à d'autres auteurs. C'est ainsi que son récit de la campagne de Normandie ne contient absolument rien d'original.

En 1819 avait paru le premier volume de la Collection complète des mémoires relatifs à l'histoire de France, entreprise par Claude-Bernard Petitot, et continuée après lui par Monmerqué *. Cinq ans plus tard, en même temps que M. Guizot inaugurait sa grande collection, qui s'arrête, on le sait, au treizième siècle, Jean-Alexandre Buchon commençait sa Collection des chroniques nationales françaises, écrites en langue vulgaire, du treizième au seizième siècle".

Quelles que fussent les lacunes et les défauts de ces deux collections, elles devaient puissamment contribuer à la vulgarisation des sources de notre histoire. Une Nouvelle Collection des mémoires pour servir à l'histoire de France fut entreprise en 1836 par MM. Michaud et Poujoulat o; indépendamment de quelques additions de textes, elle avait le mérite d'être plus compacte. De son côté, Buchon reprit la même année sa collection en sous-œuvre en créant le Panthéon littéraire, il y inséra de nouveaux textes des auteurs du quinzième siècle déjà publiés par lui, révisés

plus aujourd'hui, et où l'on trouve, avec la Chronique de la Pucelle, les textes de Fenin, de Gruel et d'Olivier de la Marche. Elle fut publiée, de 1785 à 1789, pour les tomes 1 à LXV, et de 1806 à 1807, pour les tomes LXVI à LXX.

1. Mémoires de J. du Clercq, imprimés sur les manuscrits du Roi, et publiés pour la première fois par Frederic Baron de Reiffenberg. Bruxelles, 1823, 4 vol. in-8°.

2. Voir sur Jacques du Clercq une courte notice de Mile Dupont, dans le Bulletin de la Société de l'histoire de France, années 1857-58, p. 104-107.

3. Buchon, Chroniques nationales, t. XXXVII-XL, et Panthéon littéraire; Michaud et Poujoulat, t. III. - Petitot n'avait donné en 1820, dans son tome XI, que le fragment de Perrin.

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4. 1re série. Paris, Foucault, 1819-26, 52 vol. in-8°; 2° série. Paris, Foucault, 182029, 78 vol. in-8°.

5. Paris, Verdière, 1824-29, 47 vol. in-8°.

6. Paris, 1836-39, 32 vol. gr. in-8°, à 2 col.

parfois sur les manuscrits, mais sans cette rigoureuse exactitude devenue une nécessité de l'érudition moderne1.

C'est dans cette collection nouvelle que parurent des fragments d'un auteur qui, après avoir joui d'une grande vogue au seizième siècle, était tombé complètement dans l'oubli. Nous voulons parler de Georges Chastellain, historiographe ou plutôt indiciaire des ducs Philippe le Bon et Charles le Téméraire, dont on ne connaissait qu'un ouvrage de peu d'étendue, intitulé Recollection de merveilles avenues en nostre temps, publié pour la première fois vers 1531 2. Déjà Buchon avait donné, en 1827, dans les tomes XLI à XLIII de ses Chroniques nationales, la Vie de Jacques de Lalaing, qu'il attribuait à Chastellain, et un fragment de la Chronique pour les années 1464 à 1470. De nouvelles recherches l'ayant mis en possession d'autres morceaux, Buchon donna en 1837 un volume contenant, outre la partie déjà publiée par lui, un fragment s'étendant de septembre 1418 à octobre 1422, et les premières années du règne de Louis XI jusqu'en juillet 1464 5. Mais on savait que Chastellain avait écrit un récit suivi de tout le règne de Charles VII, et il restait par conséquent une immense. lacune à combler. Malgré ses laborieuses investigations, Buchon n'avait pu y parvenir. M. le major (depuis général)

1. Choix de Chroniques et Mémoires sur l'histoire de France, avec notices biographiques. Il y a dix-huit volumes, qui furent publiés de 1836 à 1838. Le Catalogue de l'Histoire de France, à la Bibliothèque nationale, n'en donne que dix-sept, mais il omet le volume consacré à Mathieu d'Escouchy et autres auteurs. De nouveaux tirages furent faits, pour quelques volumes, en 1842. La collection ayant été clichée, on la réimprime encore aujourd'hui.

2. «Commence par tres elegant orateur messire Georges Chastelain, chevalier, indiciaire et historiographe de tres illustre prince monseigneur le duc de bourgoigne et continuee jusques a present Par maistre Jehan Molinet.» Anvers, s. d. petit in-4o de 22 f. Voir Brunet, au mot CHASTELAIN. Potthast, dans sa Bibliotheca medit ævi, dit que cette plaquette fut imprimée en 1531.

3. Avec de nombreuses lacunes, comme l'a constaté M. J. Quicherat, dans la Bibliothèque de l'École des chartes, t. IV, p. 64.

4. Ce fragement remplit les pages 5 à 116, et débute par le Proesme et l'introduction de Chastellain à sa vaste chronique. C'est à tort que Buchon lui donne le titre de Chronique du duc Philippe.

5. Ce fragment remplit les pages 117 à 304, et débute par un nouveau Proesme. On voi à la p. 164 que ce morceau, mal intitulé par Buchon : Chronique des derniers ducs de Bourgogne, était le début de son sixième volume. On peut constater encore que second volume contenait le récit de la paix d'Arras (p. 120).

Renard découvrit en 1842, dans la Bibliothèque des ducs de Bourgogne, à Bruxelles, deux autres morceaux importants, se rapportant aux années 1451-52 et 1454-58, qu'il signala dans le Trésor national, et dont il publia des fragments. De son côté, M. Quicherat avait trouvé à Arras un fragment relatif aux années 1430-31, qui se trouvait complété par un manuscrit de la Bibliothèque Laurentienne à Florence. M. Quicherat en donna une partie dans la Bibliothèque de l'École des chartes, et reproduisit le morceau relatif à Jeanne d'Arc dans son recueil des Procès de la Pucelle3. Tous ces fragments ont été réunis par M. le baron Kervyn de Lettenhove, dans une édition complète des Euvres de Georges Chastellain *. Le savant éditeur s'est efforcé en vain d'ajouter aux découvertes de ses devanciers de nouveaux morceaux de la Chronique.

Chargé dès 1455, par Philippe le Bon, de « mettre par escript choses nouvelles et morales, et aussi mettre en fourme par manière de cronique les fais notables, dignes de memoire", » Georges Chastellain employa vingt années à dresser ce remarquable monument, où il se montre à la fois narrateur consciencieux et fidèle, «< grand et éloquent

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1. Tome 1, p. 91-156, et t. III, p. 190. Voir Nouvelles observations historiques à propos du 4 volume inédit de la grande chronique de Georges Chastelain, par M. Renard, major d'état-major. Bruxelles, 1843, in-8° de 70 p. Les morceaux en question se trouvent dans les mss. 16881 et 15843 de la Bibliothèque de Bruxelles.

2. Tome IV (1842-43), p. 67-78. Le curieux portrait de Charles VII, qui était à lui seul toute une révélation, se trouve là. - M. Quicherat annonçait la publication prochaine du

fragment de la Laurentienne, par Buchon, laquelle ne fut point faite.

3. Tome IV, p. 440-47.

4. Bruxelles, 1863-1866, 8 vol. gr. in-8° (Publication de l'Académie royale de Belgique). Le tome I contient les fragments de la Chronique pour les années 1419-22; le tome II, ceux de 1430-31, d'après le ms. de Florence comparé avec le ms. d'Arras, et de 145253, d'après le ms. 16881 de Bruxelles; le tome III celui (inédit) de 1454-58, d'après le ms. 15843 de Bruxelles; le tome IV, celui de 1461-64, revu sur un ms. du château de Beloeil, en laissant subsister une lacune pour la fin de 1462 et les premiers mois de 1463; le tome V, les autres fragments jusqu'en 1470; le tome VI, divers morceaux en vers et l'Exposition sur vérité mal prise, déjà publiée par Buchon; le tome VII d'autres morceaux inédits ou déjà publiés, en prose et en vers; le tome VIII, le Livre des faits de Jacques de Lalaing, attribué à tort à Chastellain, et d'autres pièces d'une attribution douteuse.

5. M. Kervyn de Lettenhove pense que l'on pourrait rétrouver en Espagne le texte intégral de cette œuvre historique si importante.

6. Compte de la recette générale de Hainaut, cité par M. Kervyn, t. I, p. xxvш.

historien, c'est le jugement de M. Michelet,

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et où, à travers une phraséologie fatigante et une emphase trop habituelle, on trouve des appréciations judicieuses, des récits circonstanciés et fort curieux, des portraits tracés de main de maître. On peut dire que, si nous n'avions pas Chastellain, le quinzième siècle serait imparfaitement connu. Certaines parties de son œuvre sont toute une révélation. Admirateur passionné des ducs de Bourgogne, il est d'autant moins suspect quand il rend hommage aux royales qualités de Charles VII. A coup sûr, c'est le chroniqueur bourguignon le plus impartial et le mieux renseigné sur la personne du Roi il a résidé pendant plus de dix années en France, étant au service de Pierre de Brézé (1435-46), et il a pu voir la Cour de près '. Combien il est regrettable que nous en soyons réduits à ne posséder que des fragments de cette chronique, dont le secours serait inappréciable pour l'histoire !

De nos jours, M. Vallet de Viriville a rendu de très importants services pour l'étude du quinzième siècle.

Indépendamment du texte de Jean Chartier, cité plus haut, il a donné, dans son édition de ce chroniqueur : 1° une brève chronique de 1403 à 1429, attribuée par lui à Jean Raoulet, capitaine au service de Charles VII 2; 2° un fragment d'une version française des Grandes chroniques de Saint-Denis (nous la citerons sous la rubrique Abrégé français du religieux de Saint-Denis), qui n'est pas sans intérêt; 3° deux courts morceaux se rapportant aux années 1428-1431 *.

En dehors de cette publication, où se trouvent également des extraits de comptes sur lesquels nous revien

1. Voir t. I, p. XIV-XV.

2. Publié dans la Chronique de Charles VII, par Jean Chartier. Voir t. III, p. 142-199, et notice, t. I, p. XLVII-LIII. Aux renseignements donnés par M. Vallet sur Jean Raoulet, nous pouvons ajouter le suivant: il était écuyer d'écurie du Dauphin dès le 10 juillet 1420. Mais est-ce bien le capitaine mêlé aux événements de ce temps qui a pu écrire une chronique rédigée, selon M. Vallet, entre 1461 et 1467?

3. Id., ibid., p. 212-251, et notice, t. I, p. LVI-LIX.

4. Id., ibid., p. 200-211, et notice, t. I, p. LIII-LV.

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