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Ponthieu et du Vimeu, et s'en rendit maître, malgré les efforts de Gamaches, de Saintrailles et de Jacques d'Harcourt. En Champagne, La Hire fut vainqueur dans un engagement avec le comte de Vaudemont 2. Un coup de main rendit un moment les Dauphinois maîtres de Meulan 3. Dans le Midi, les châteaux de la Motte sur le Rhône et de Sommières furent pris sur les Bourguignons. Enfin, dans le Nivernais, plusieurs places tombèrent au pouvoir des Dauphinois, et les frontières du Mâconnais et du Charolais furent sérieusement menacées "..

La reddition de Meaux, signalée par de cruelles représailles et des actes de cruauté indignes du vainqueur, entraîna pour le Dauphin la perte d'un grand nombre de villes. Le sire d'Offemont, fait prisonnier devant Meaux au moment où il cherchait à pénétrer dans la place, obtint sa délivrance au prix d'un parjure, et fit ainsi passer à l'ennemi Offemont, Crépy, Pierrefonds et d'autres forteresses du comté de Valois. Les capitaines des frontières du Beauvaisis demandèrent à traiter le sire de Gamaches à Compiègne, Pierron de Luppé à Montaigu, Thiembronne à Gamaches, s'engagèrent à rendre ces villes dans un délai déterminé, s'ils n'étaient secourus. D'autres capitaines démantelèrent les places qu'ils occupaient et les abandonnèrent. Peu après, Henri V s'avança jusqu'à Compiègne dans le dessein de réduire Le Crotoy, mais une conspiration qui éclata à Paris l'y rappela soudain. On se borna à adresser à Jacques d'Harcourt une sommation dont il ne tînt nul compte, et Warwick alla assiéger Saint-Valery, dont il ne tarda pas à

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1. Voir Monstrelet, t. IV, p. 83-91; Chron. anon., t. VI, p. 309-314; Fenin, p. 177-79.

Les partisans du Dauphin ne conservèrent de ce côté que Le Crotoy, Noyelles, SaintValery et Gamaches.

2. Voir le Religieux, t. VI, p. 459; Jouvenel, p. 391, et surtout Raoulet, dans Chartier, t. III, p. 175-76.

3. Voir Monstrelet, t. IV, p. 85; Chron. anon., t. VI, p. 310; Cousinot, Geste des Nobles, p. 184; Cochon, p. 442; Journal d'un bourgeois de Paris, p. 168. - - Meulan fut pris le 5 avril et repris le 26.

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6. Voir Jouvenel, p. 387; Monstrelet, t. IV, p. 96; Fenin, p. 176; Chastellain, t. I,

p. 305; Journal d'un bourgeois de Paris, p. 170 et suiv.

7. Voir Monstrelet, t. VI, p. 97-103; Chron., anon., t. VI, p. 316-317; Fenin, p. 177; Chastellain, t. I, p. 307-308.

s'emparer'. Il ne restait plus au Dauphin, dans le Nord, que Le Crotoy et Noyelles, occupés par Jacques d'Harcourt, et Guise, où se concentrèrent les garnisons qui, en évacuant leurs places, ne s'étaient point engagées à ne plus porter les armes contre le roi d'Angleterre 2.

C'est contre le duc de Bourgogne qu'étaient dirigés à ce moment les efforts du Dauphin 3. Ce prince, après avoir parcouru la Bourgogne et la Franche-Comté, venait de quitter Dijon, quand il apprit qu'une armée imposante était entrée en Nivernais et avait mis le siège devant La Charité. Il reprit le chemin de la Bourgogne, où il arriva comme cette place venait de se rendre (20 juin). Cosne fut ensuite investie par les troupes dauphinoises, qu'on n'évaluait pas à moins de 20,000 hommes. Le duc fit aussitôt appel à ses capitaines de Picardie, au roi d'Angleterre, au duc de Lorraine, qu'il venait de rallier à sa cause, et au duc de Savoie.- Croy, Lannoy, Jean de Luxembourg accoururent avec leurs gens de guerre. Henri V voulut marcher au secours du duc; mais une indisposition le ramena à Vincennes (7 juillet), où, après une nouvelle tentative, il dut rester, vaincu par la maladie qui le conduisit bientôt au tombeau. Bedford alla joindre le duc de Bourgogne, qui, à la tête de forces considérables, se trouva devant Cosne au jour fixé (12 août). Les armées restèrent trois jours en présence, séparées seulement par la Loire; mais aucun engagement n'eut lieu. Philippe, se contentant d'avoir fait lever le siège de Cosne, se replia, après avoir tenté d'assiéger La Charité", sur

1. Monstrelet, t. IV, p. 101 et 104; Chron. anon., t. VI, p. 318; Chastellain, t. I, p. 314 et 317. Saint-Valery tint pendant trois semaines.

2. Monstrelet, t. IV, p. 103.

3. Le duc était depuis longtemps entré en négociation avec la duchesse de Bourbon pour mettre ses possessions à l'abri de ce côté le 8 mai 1420, une trêve avait été conclue avec la duchesse de Bourbon pour ses pays et pour Château-Chinon et Combraille d'une part, et la Bourgogne et le Charolais de l'autre (Voir Archives, P 13591, c. 651); le 27 juin 1421, la duchesse de Bourgogne, qui résidait à Dijon, concluait une nouvelle trêve (Archives, P 13582, c. 587); le 19 décembre 1421, une trêve était conclue pour le Mâconnais et le Beaujolais (Archives de Dijon, lay. 72, liasse 4, no 57).

4. Par lettres du 5 mai 1422, le duc de Lorraine s'était engagé à servir Charles VI et Henri V. Voir D. Plancher, t. IV, p. 52.

5. Voyez à ce sujet Monstrelet, t. IV, p. 107-108; Chron. anon., t. VI, p. 321-22; Berry, p. 442; Cousinot, Geste des Nobles, p. 185-86; Fenin, p. 184-85; Saint-Remy, p. 462.

Troyes et Paris, où il arriva au moment où Henri V rendait le dernier soupir (31 août).

La mort prématurée du vainqueur d'Azincourt, expirant à trente-cinq ans, au moment où son triomphe semblait assuré, portait un coup fatal à la cause anglo-bourguignonne. Les partisans du Dauphin, qui venaient de remporter un double succès dans une expédition dirigée en Normandie par le comte d'Aumale et le vicomte de Narbonne ', et qui étaient également victorieux en Auvergne, poursuivirent la lutte avec une nouvelle ardeur. Le maréchal de Séverac envahit le Charolais à la tète de 20,000 hommes, s'empara de Tournus (23 septembre), et s'y établit, menaçant à la fois les deux Bourgognes 3. Pendant ce temps, le Dauphin quittait Bourges et se portait sur La Rochelle, où les intrigues du duc de Bretagne faisaient craindre. une révolte sa présence, marquée par un accident qui faillit lui coûter la vie, rétablit le calme, et affermit les Rochelois dans une fidélité qui ne se démentit jamais.

C'est au retour de cette expédition que le jeune prince apprit la mort de son père, qui venait de terminer (21 octobre) à cinquante-quatre ans, sa triste carrière".

1. Voir, sur cette expédition, dirigée par le comte d'Aumale, le vicomte de Narbonne, le seigneur de Coulonges et Ambroise de Loré, le Religieux de Saint-Denis, t. VI, p. 474 et suiv.; Jouvenel, p. 394, et Cousinot, Geste des Nobles, p. 186-87. Il y eut un premier combat devant Bernay, et un engagement plus sérieux près de Mortagne, où les Anglais laissèrent 700 morts.

2. Antoine de Rochebaron, qui avait épousé une bâtarde de Jean sans Peur, fut battu, avec les gens de guerre de Savoie qu'il avait pour auxiliaires, par Bernard d'Armagnac, Grolée et La Fayette. Voir Berry, p. 442; Chronique de Cousinot, p. 210; D. Vaissete, t. IV, p. 459; D. Plancher, t. IV, p. 80.

3. D. Plancher, t. IV, p. 61.

4. La date de la mort de Charles VI a été fort controversée. Bien que celle du 22 se lise dans un acte émané de Charles VII (le xxII° jour d'octobre, qui est le jour que feu nostre très chier seigneur et père trespassa: Ordon., t. XIII, p. 193), la date du 21 nous paraît établie d'une manière indubitable. Aux témoignages contemporains que l'on peut alléguer, j'ajouterai le suivant, qui n'a, je crois, pas encore été cité : c'est une lettre datée « de Paris, le xxi jour d'octobre « dans laquelle le chancelier et les gens du Conseil écrivent aux habitants de Saint-Quentin pour leur annoncer la mort du Roi, arrivée le jour même, et pour les prémunir contre les bruits qui pourraient être répandus à ce sujet; ils annoncent qu'on a dépêché vers les ducs de Bedford, de Bourgogne et de Bretagne, afin qu'ils se rendent à Paris pour aviser aux affaires du royaume. L'original est aux Archives municipales de Saint-Quentin; la lettre est en copie dans Moreau, vol. 248, f. 29 Cf. Compte de l'hôtel du Roi : Archives, KK 33, f. 76 v°, et un procès-verbal de l'inhumation de Charles VI, publié par le vicomte de Guiton dans la Revue anglo-francaise, 2° série, t. II, p. 296-301.

Charles VI était mort dans l'isolement. Quelques serviteurs fidèles, des gens de petit estat formaient toute la Cour du pauvre Roi'. A cette mort, le sentiment populaire, longtemps comprimé à Paris par la domination bourguignonne et anglaise, éclata. Beaucoup avaient vu avec peine le changement opéré 2. « Ah! très cher prince, s'écriait-on, jamais n'aurons si bon, jamais ne te verrons! Maldicte soit la mort! Jamais n'aurons. « que guerre, puisque tu nous as laissé. Tu vas en repos;. <<< nous demourons en toute tribulacion et en toute douleur3. »

Quand le cercueil de Charles VI eut été déposé dans les caveaux de Saint-Denis, et que le roi d'armes de France eut répété l'antique formule : « Dieu veulle avoir mercy de l'âme de très << hault, très excellent et très puissant prince, Charles, Roy << de France, nostre naturel et souverain seigneur! » un autre cri retentit sous les voûtes de la vieille basilique où reposait du Guesclin: « Dieu doint bonne vye à Henry, par la grâce de << Dieu, Roy de France et d'Angleterre ! » Puis les sergents relevèrent leurs masses surmontées de fleurs de lys qui apparaissaient comme par dérision, et l'on entendit ce cri, poussé «‹ à une voix » par les « François-Anglois, >> comme parle un historien du temps: « Vive le Roy! vive le Roy Henry"! »

L'oraison funèbre de Charles le Bien-Aimé a été faite en ces termes par un prélat contemporain : prélat contemporain : « Bien lui est pour vray <«< ce nom donné, car de tous les hommes qui estoient en « son temps, grans et petis, ne fut oncques plus humain de lui, plus clement ne plus amiable... En ses parolles ne pro« fera oncques villain mot d'aultrui. En ses fais il se delitoit. « faire bien et plaisir à chascun ".

1. Le Roy de France estoit petitement servy et accompaigné au regard du noble estat qu'il souloit avoir, et ce jour (à la fête de Noël) ne fut comme point visité ne accompaigné, si non d'aucuns de ses vielz serviteurs et de gens de petit estat. » Monstrelet, t. IV, p. 22. 2. «Laquelle chose, dit encore le chroniqueur bourguignon, devoit moult desplaire à tous les cuers des vrais et loyaulx François là estans, voians ce noble royaume par fortune et tribulacion de eux-mesmes estre mis et gouverné en et par la main de leurs anciens ennemis, soubz laquelle dominacion et gouvernement il leur falloit vivre de present. >> 3. Journal d'un bourgeois de Paris, p. 178.

4. Jouvenel, p. 397.

5. Chastellain et Monstrelet, loc. cit.

6. Histoire de la Thoyson d'Or, par Guillaume Fillastre. Ms. fr. 2621, f. 94 vo-95.

CHAPITRE III

LE DAUPHIN JUSQU'A SA FUITE DE PARIS

5 AVRIL 1417-29 MAI 1418

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Situation de la France en 1417. Isolement du Dauphin. Ses gouverneurs: Hugues de Noé; Pierre, seigneur de Beauvau; Hardouin, seigneur de Maillé. Ses conseillers : Gérard Machet, Robert le Maçon; Jean Louvet, président de Provence, etc. Influence de la reine Yolande. -La reine Isabeau disparaît de la scène. Le Dauphin en Touraine et en Anjou. Il est investi de la lieutenance générale dans tout le royaume. Le Dauphin à Rouen fermeté déployée en face de la sédition. Le Dauphin à Paris son rôle dans le Conseil, ses lettres aux bonnes villes; sa harangue au Parloir aux bourgeois, sa réponse au héraut Palis. Evasion de la reine Isabeau, qui installe un nouveau gouvernement à Troyes. Confirmation de la lieutenance générale donnée au Dauphin. Négociations entamées avec le duc de Bourgogne, sous les auspices du duc de Bretagne; conférences de la Tombe. Résultat favorable, bientôt suivi d'un échec final. Entrée des Bourguignons à Paris; fuite du Dauphin.

Jamais peut-être la France n'avait été dans une situation. aussi critique qu'à l'époque où le Dauphin Charles était appelé à devenir non seulement l'héritier du trône, mais le vrai Roi, car l'infortuné Charles VI, en proie à des accès de plus en plus violents et prolongés, ne prenait aux affaires qu'une part toute nominale. On pouvait croire, comme le dit un auteur contemporain, que la France, déchue de son antique splendeur, penchait vers son déclin1. Dans les villes, dans les moindres villages, les factions rivales se jetaient le nom d'Ar

1. « Ab aurora clari principii ad obscurum finale vesperum declinasse regnum videbatur.» Religieux de Saint-Denis, t. VI, p. 64. Cf. lettre de Pierre de Versailles à Jean Jouvenel, dans Thesaurus novus anecdotorum, t. I, col. 1724.

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