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Créateur tout-puissant, principe de tout être!
Toi pour qui le possible existe avant de naître!
Roi de l'immensité!

Tu pouvais cependant, au gré de ton envie,
Puiser pour tes enfants le bonheur et la vie
Dans ton éternité !

Sans t'épuiser jamais sur toute la nature
Tu pouvais à longs flots répandre sans mesure
Un bonheur absolu :

L'espace, le pouvoir, le temps, rien ne te coûte.
Ah! ma raison frémit; tu le pouvais sans doute :
Tu ne l'as pas voulu!

Quel crime avons-nous fait pour mériter de naître? L'insensible néant t'a-t-il demandé l'être,

Ou l'a-t-il accepté?

Sommes-nous, ô hasard! l'œuvre de tes caprices? Ou plutôt, Dieu cruel, fallait-il nos supplices Pour ta félicité?

Montez donc vers le ciel, montez, encens qu'il aime,
Soupirs, gémissements, larmes, sanglots, blasphème,
Plaisirs, concerts divins;

Cris du sang, voix des morts, plaintes inextinguibles,
Montez, allez frapper les voûtes insensibles
Du palais des Destins!

Terre, élève ta voix; cieux, répondez; abîmes,
Noirs séjours, où la mort entasse ses victimes,
Ne formez qu'un soupir!

Qu'une plainte éternelle accuse la nature,
Et que la douleur donne à toute créature
Une voix pour gémir!

Du jour où la nature, au néant arrachée,
S'échappa de tes mains comme une œuvre ébauchée,
Qu'as-tu vu cependant?

Au désordre du mal la matière asservie,
Toute chair gémissant, hélas! et toute vie
Jalouse du néant!

Des éléments rivaux les luttes intestines,
Le temps qui flétrit tout, assis sur les ruines
Qu'entassèrent ses mains,

Attendant sur le seuil tes œuvres éphémères,
Et la mort étouffant dès le sein de leurs mères
Les germes des humains!

La vertu succombant sous l'audace impunie,
L'imposture en honneur, la vérité bannie;
L'errante liberté

Aux dieux vivants du monde offerte en sacrifice;
Et la force, partout, fondant de l'injustice
Le règne illimité!

La valeur sans les dieux décidant des batailles!
Un Caton, libre encor, déchirant ses entrailles,
Sur la foi de Platon!

Un Brutus qui, mourant pour la vertu qu'il aime,
Doute au dernier moment de cette vertu même
Et dit : « Tu n'es qu'un nom!... »

La fortune toujours du parti des grands crimes!
Les forfaits couronnés, devenus légitimes!
La gloire au prix du sang!

Les enfants héritant l'iniquité des pères!
Et le siècle qui meurt racontant ses misères
Au siècle renaissant!

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Ecoute, lorsqu'on est bien sage, mon enfant, Lorsque l'on n'a rien fait de ce que Dieu défend, Si l'on vient à mourir, le bon Dieu qui nous aime Nous prend auprès de lui, nous donne des joujoux : Dit aux anges du ciel de jouer avec nous; Et l'on devient alors un bel ange soi-même.

Ta mère, que sitôt, chère enfant, tu perdis! Le bon Dieu l'appela dans son beau paradis : Car elle était si sage, et si belle et si bonne Qu'un jour il envoya ses anges la chercher... Ils sont venus, malgré nos pleurs, nous l'arracher Pour lui donner là-haut une blanche couronne.

Tout ce que l'on désire au ciel on peut l'avoir : Ta mère regretta bientôt de ne plus voir, De ne plus embrasser ses deux petites filles. Le bon Dieu, le sachant, dit aux anges: « Voyez, Sur la terre, là-bas, bien loin, dessous vos pieds, Ces enfants toutes deux si sages, si gentilles.

Deux pour un seul c'est trop : il faut les partager, Allez, et par vos jeux essayez d'engager La plus jeune à venir rejoindre ici sa mère. Que l'autre reste; elle a son père à consoler! » Et les anges joyeux se mirent à voler, Pour venir enlever la plus jeune à la terre.

Ils arrivent alors elle dormait, ta sœur. Ils trouvent sur ses traits une telle douceur Qu'ils s'arrêtent, autour du lit, pleins de surprise. Elle était belle ainsi qu'une fleur au matin, Sa peau souple effaçait l'éclat du blanc satin, Ses lèvres, on eût dit une fraîche cerise.

[blaient,

Sur son cou ses cheveux en blonds anneaux tremRapprochés de son cœur, ses petits bras semblaient Surpris par le sommeil croisés pour la prière. De sa robe sortaient deux pieds blancs et rosés; Ils étaient si mignons!.. je les aurais baisés, Les pieds de mon enfant, une journée entière! Les anges se disaient entre eux: « Oh! quel plaisir Sa mère aura de voir exaucer son désir! De presser dans ses bras cette enfant si jolie!

Mais à son tour combien le père va pleurer Ne trouvant plus, hélas! qu'une fille à serrer Sur son cœur d'où déjà leur mère fut ravie! »

Et, pour ne pas hâter le moment du réveil, Ils parlaient à ta sœur durant son doux sommeil. Elle, tout en dormant souriait aux beaux anges, T'appelait en disant : « Ma sœur, oh! viens donc voir; Viens, ces enfants m'ont dit que maman veut m'avoir!.. Mais tu n'entendais rien à tous ces mots étranges.

« Viens, répétaient toujours les messagers de Dieu,
Nous allons, en volant, t'emporter dans un lieu
Où tu retrouveras ta mère qui t'appelle.
Là nous folâtrerons sur des gazons fleuris;
Et les riches joujoux qui sont en paradis,

Ils seront tous pour toi, douce enfant, et pour elle.»
Leurs jeux plaisaient si fort à ta petite sœur,
Ils y mêlaient des mots si remplis de douceur
Que d'amitié pour eux elle s'était éprise;
Car leur robe brillait comme un ciel étoilé,
Et l'on était ému quand ils avaient parlé,
Comme lorsqu'on entend l'orgue saint à l'église.
Alors, sans l'éveiller, la tenant par la main,
Et sur leurs ailes d'or franchissant le chemin,
Ils allèrent au ciel la porter à ta mère.
Et quand je vins pour voir mon trésor adoré,
Je ne retrouvai plus ta sœur... et je pleurai...

Seule tu me restais, mon enfant, sur la terre.

L. ALVIN.

MORCEAUX LYRIQUES.

MADAME DESHOULIÈRES A SES ENFANTS 1.

Dans ces prés fleuris
Qu'arrose la Seine,
Cherchez qui vous mène,
Mes chères brebis :

J'ai fait, pour vous rendre
Le destin plus doux,
Ce qu'on peut attendre
D'une amitié tendre;
Mais son long courroux
Détruit, empoisonne
Tous mes soins pour vous,
Et vous abandonne
Aux fureurs des loups.
Seriez-vous leur proie,
Aimable troupeau!
Vous, de ce hameau
L'honneur et la joie,
Vous qui, gras et beau,
Me donniez sans cesse
Sur l'herbette épaisse
Un plaisir nouveau!
Que je vous regrette!
Mais il faut céder;

Sans chien, sans houlette,
Puis-je vous garder?
L'injuste fortune
Me les a ravis.

2

En vain j'importune
Le ciel par mes cris;
Il rit de mes craintes,
Et, sourd à mes plaintes,
Houlette, ni chien,
Il ne me rend rien.
Puissiez-vous, contentes,
Et sans mon secours,
Passer d'heureux jours,
Brebis innocentes,
Brebis mes amours!
Que Pan vous défende,
Hélas! il le sait;
Je ne lui demande
Que ce seul bienfait.
Oui, brebis chéries,
Qu'avec tant de soin
J'ai toujours nourries,
Je prends à témoin
Ces bois, ces prairies,
Que si les faveurs
Du dieu des pasteurs
Vous gardent d'outrages,
Et vous font avoir

Du matin au soir

De gras pâturages;

Elle était veuve

J'en conserverai
Tant que je vivrai
La douce mémoire,
Et que mes chansons
En mille façons
Porteront sa gloire
Du rivage heureux
Où, vif et pompeux,
L'astre qui mesure
Les nuits et les jours,
Commençant son cours,
Rend à la nature
Toute sa parure,
Jusqu'en ces climats
Où, sans doute, las
D'éclairer le monde,
Il va chez Thétis
Rallumer dans l'onde
Ses feux amortis.

LE MONTAGNARD ÉMIGRÉ. Combien j'ai douce souvenance

Du joli lieu de ma naissance!

Ma sœur, qu'ils étaient beaux ces jours
De France!

O mon pays, sois mes amours
Toujours.

Te souvient-il que notre mère
Au foyer de notre chaumière
Nous pressait sur son sein joyeux?
Ma chère!

Et nous baisions ses blonds cheveux
Tous deux.

Ma sœur, te souvient-il encore
Du château que baignait la Dore,
Et de cette tant vieille tour
Du More,

Où l'airain sonnait le retour
Du jour?

Te souvient-il du lac tranquille
Qu'effleurait l'hirondelle agile,
Du vent qui courbait le roseau
Mobile,

Et du soleil couchant sur l'eau
Si beau?

Te souvient-il de cette amie,
Douce compagne de ma vie?

2 Le roi Louis XIV.

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UNE PRÊTRESSE.

Venez, la nymphe invisible
Qui, dans sa prison flexible,
Reçoit vos embrassements,
Sous l'écorce qui la presse
Répond à votre tendresse
Par de doux frémissements.
UNE AUTRE.

Venez rafraîchir les roses
Qui, sous votre haleine écloses,
Couronnent nos bords heureux;
Que le parfum qui s'exhale
De ces trésors du Bengale

Vers vous monte avec nos vœux.
CHOEUR.

Quittez le cristal humide

De vos ruisseaux toujours clairs,
Qu'en ces lieux l'amour vous guide;
A des soins qui vous sont chers
Que votre faveur préside;
Descendez d'un vol rapide,
Légers habitants des airs.

UNE PRÊTRESSE.

Quel noir penser vous inquiète?

Ma sœur, ce vase échappe à vos bras languissants...

UNE AUTRE.

Au bruit de nos concerts votre bouche muette S'efforce, mais en vain, de mêler ses accents.

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Hélas! que j'en ai vu mourir de jeunes filles!
C'est le destin. Il faut une proie au trépas.

Il faut que l'herbe-tombe au tranchant des faucilles;
Il faut que dans le bal les folâtres quadrilles
Foulent des roses sous leurs pas.

Il faut que l'eau s'épuise à courir les vallées :-
Il faut que l'éclair brille, et brille peu d'instants;
Il faut qu'avril jaloux brûle de ses gelées
Le beau pommier, trop fier de ses fleurs étoilées,
Neige odorante du printemps.

Oui, c'est la vie. Après le jour, la nuit livide.
Après tout, le réveil, infernal on divin.
Autour du grand banquet siége une foule avide;
Mais bien des conviés laissent leur place vide,
Et se lèvent avant la fin.

II

Que j'en ai vu mourir !-l'une était rose et blanche ;
[che,
L'autre semblait ouïr de célestes accords;
L'autre, faible, appuyait d'un bras son front qui pen-
Et, comme en s'envolant l'oiseau courbe la branche,
Son âme avait brisé son corps.

Une, pâle, égarée, en proie au noir délire, Disait tout bas un nom dont nul ne se souvient; Une s'évanouit, comme un chant sur la lyre; Une autre en expirant avait le doux sourire D'un jeune ange qui s'en revient.

Toutes fragiles fleurs, sitôt mortes que nées!
Alcyons engloutis avec leurs nids flottants!
Colombes, que le ciel au monde avait données!
Qui, de grâce et d'enfance et d'amour couronnées,
Comptaient leurs ans par les printemps!

Quoi, mortes! quoi, déjà sous la pierre couchées!
Quoi! tant d'êtres charmants sans regard et sans voix!
Tant de flambeaux éteints! tant de fleurs arrachées!...
Ah! laissez-moi fouler les feuilles desséchées,
Et m'égarer au fond des bois!

Doux fantômes! c'est là, quand je rêve dans l'ombre,
Qu'ils viennent tour à tour m'entendre et me parler.
Un jour douteux me montre et me cache leur nombre;
A travers les rameaux et le feuillage sombre
Je vois leurs yeux étinceler.

Mon âme est une sœur pour ces ombres si belles.
La vie et le tombeau pour nous n'ont plus de loi.
Tantôt j'aide leurs pas, tantôt je prends leurs ailes.
Vision ineffable où je suis mort comme elles,

Elles, vivantes comme moi!

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La cendre y vole autour des tuniques de soie,
L'ennui sombre autour des plaisirs.

Mais elle, par la valse ou la ronde emportée,
Volait, et revenait, et ne respirait pas,
Et s'enivrait des sons de la flûte vantée,
Des fleurs, des lustres d'or, de la fête enchantée,
Du bruit des voix, du bruit des pas.

Quel bonheur de bondir, éperdue, en la foule,
De sentir par le bal ses sens multipliés,
Et de ne pas savoir si dans la nue on roule,
Si l'on chasse en fuyant la terre, ou si l'on foule
Un flot tournoyant sous ses pieds!

Mais, hélas! il fallait, quand l'aube était venue,
Partir, attendre au seuil le manteau de satin.
C'est alors que souvent la danseuse ingénue
Sentit en frissonnant sur son épaule nue

Glisser le souffle du matin.

Quels tristes lendemains laisse le bal folâtre!
Adieu, parure, et danse, et rires enfantins!
Aux chansons succédait la toux opiniâtre,
Au plaisir rose et frais la fièvre au teint bleuâtre,
Aux yeux brillants les yeux éteints.

IV

[adorée!

Elle est morte. A quinze ans, belle, heureuse,
Morte au sortir d'un bal qui nous mit tous en deuil,
Morte, hélas! et des bras d'une mère égarée
La mort aux froides mains la prit toute parée
Pour l'endormir dans le cercueil.

Pour danser d'autres bals elle était encor prète,
Tant la mort fut pressée à prendre un corps si beau!
Et ces roses d'un jour qui couronnaient sa tête,
Qui s'épanouissaient la veille en une fête,
Se fanèrent dans un tombeau.

V

Vous toutes qu'à ses jeux le bal riant convie,
Pensez à l'Espagnole éteinte sans retour,
Jeunes filles! Joyeuse et d'une main ravie,
Elle allait moissonnant les roses de la vie,
Beauté, plaisir, jeunesse, amour!

La pauvre enfant, de fête en fête promenée,
De ce banquet charmant arrangeait les couleurs ;
Mais qu'elle a passé vite, hélas! l'infortunée!
Ainsi qu'Ophélia par le fleuve entraînée,
Elle est morte en cueillant des fleurs!

VICTOR HUGO. Orientales. XXXIII.

LA SAINTE ALLIANCE DES PEUPLES.

J'ai vu la Paix descendre sur la terre,
Semant de l'or, des fleurs et des épis.
L'air était calme, et du dieu de la guerre
Elle étouffait les foudres assoupis.

Ah! disait-elle, égaux par la vaillance,
Français, Anglais, Belge, Russe on Germain,
Peuples, formez une sainte alliance,
Et donnez-vous la main.

Pauvres mortels, tant de haine vous lasse; a Vous ne goûtez qu'un pénible sommeil,

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