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Tous les lauriers du Pinde ornent son front lyrique; Soit que, dans la fureur d'un chant dithyrambique, Il se laisse emporter à des nombres sans lois; Ou qu'il mêle aux torrents d'une libre harmonie Ces trésors du génie,

Ces mots audacieux qu'il prodigue avec choix :

Soit qu'il chante les dieux et leur vaillante race, Ces rois qui du Centaure étouffèrent l'audace, Et la Chimère en feu vomissant le trépas; Ou que son vers consacre un immortel trophée Au mortel dont l'Alphée

Vit le ceste ou le char vainqueur dans ses combats:

Soit qu'il pleure un héros que la Parque jalouse, Hélas! vient de ravir à la plus tendre épouse; Qu'il le venge en ses vers d'un trépas odieux; Que sa muse l'enlève aux bords de l'onde noire, Et, tout brillant de gloire,

Le place dans l'Olympe, au sein même des dieux.

HOMÈRE.

LE BRUN.

On dirait que, pour plaire, instruit par la nature, Homère ait à Vénus dérobé sa ceinture. Son livre est d'agréments un fertile trésor : Tout ce qu'il a touché se convertit en or. Tout reçoit dans ses mains une nouvelle grâce: Partout il divertit, et jamais il ne lasse. Une heureuse chaleur anime ses discours. Il ne s'égare point en de trop longs détours. Sans garder dans ses vers un ordre méthodique, Son sujet de soi-même et s'arrange et s'explique : Tout, sans faire d'apprêts, s'y prépare aisément : Chaque vers, chaque mot court à l'événement. Aimez donc ses écrits, mais d'un amour sincère : C'est avoir profité que de savoir s'y plaire.

BOILEAU. Art poêt., ch. 1.

MÊME SUJET.

Homère! A ce grand nom, du Pinde à l'Hellespont Les airs, les cieux, les flots, la terre, tout répond. Monument d'un autre âge, et d'une autre nature, Homme! l'homme n'a plus de mot qui te mesure! Son incrédule orgueil s'est lassé d'admirer, Et, dans son impuissance à te rien comparer, Il te confond de loin avec ces fables mème, Nuages du passé qui couvrent ton poëme! Cependant tu fus homme: on le sent à tes pleurs! Un dieu n'eût pas si bien fait gémir nos douleurs! Il faut que l'immortel qui touche ainsi notre àme, Ait sucé la pitié dans le lait d'une femme! Mais, dans ces premiers jours où, d'un limon moins vies La nature enfantait des monstres ou des dieux, Le ciel t'avait créé, dans sa magnificence, Comme un autre Océan, profond, sans rive, immense, Sympathique miroir qui, dans son sein flottant, Sans altérer l'azur de son flot inconstant, Réfléchit tour à tour les grâces de ses rives, Les bergers poursuivant les nymphes fugitives, L'astre qui dort au ciel, le mât brisé qui fait, Le vol de la tempête aux ailes de la nuit, Ou les traits serpentants de la foudre qui gronde, Rasant sa verte écume, et s'éteignant dans l'onde.

Cependant l'univers, de tes traces rempli,
T'accueillit comme un dieu... par l'insulte et l'oubli.
On dit que sur ces bords, où règne ta mémoire,
Une lyre à la main tu mendiais ta gloire...
Ta gloire! Ah! qu'ai-je dit? Ce céleste flambeau
Ne fut aussi pour toi que l'astre du tombeau!
Tes rivaux, triomphant des malheurs de ta vie,
Plaçant entre elle et toi les ombres de l'envie,
Disputèrent encore à ton dernier regard
L'éclat de ce soleil qui se lève si tard.

La pierre du cercueil ne sut pas t'en défendre;
Et de ses vils serpents qui rongèrent ta cendre,
Sont nés, pour dévorer les restes d'un grand nom,
Pour souiller la vertu d'un éternel poison,
Ces insectes impurs, ces ténébreux reptiles,
Héritiers de la honte et du nom des Zoïles 1;
Qui, pareils à ces vers par la tombe nourris,
S'acharnent sur la gloire et vivent de mépris.

DE LAMARTINE. Dernier chant du Pèlerinage
de Childe-Harold.

HOMÈRE ET VIRGILE.

De la divinité que célèbrent mes vers La sublime épopée est le plus beau domaine : C'est là qu'elle commande et qu'elle habite en reine. Salut! toi, le plus cher de tous ses favoris, Vieil Homère, salut! De tes divins écrits, Tous les talents divers empruntent leur puissance. C'est toi que l'on peignait ainsi qu'un fleuve immense, Où, la coupe à la main, venaient puiser les arts. Virgile sur toi seul atachait ses regards; Bouchardon des héros t'empruntait les modèles; Ta Muse à Bossuet prêta souvent ses ailes; Phidias sur le tien tailla son Jupiter.

3

Tel que tu peins ce dieu sur le trône de l'air,
Bien loin des autres dieux qui devant lui s'abaissent,
Ainsi tous tes rivaux devant toi disparaissent :
Ou, tel que tu peignais ce souverain des cieux,
De sa puissante main enlevant tous les dieux,
Les maîtres du pinceau, les rois de l'harmonie,
Tu les suspendis tous à ton puissant génie.
Partout cher à la Grèce, et partout citoyen,
Sept langages divers enrichissent le tien.
Que n'as-tu point tracé dans ta vaste peinture?
Les champs et les cités, les arts et la nature,
Ton ouvrage peint tout: tel brille dans tes vers
Le bouclier céleste où se meut l'univers.
Que tu m'offres du cœur des peintures savantes!
Les mains du sang d'Hector encor toutes fumantes,
Achille au nom de père adoucit sa fierté;
Par la voix des vieillards tu louas la beauté 4.
Qui peint mieux les héros que ta muse guerrière?
Alexandre pleura de n'avoir point d'Homère.
Ton berceau fut caché! qu'importe aux nations?
Le Nil nous tait sa source, et nous verse ses dons.
Le monde est ta patrie : enseigne tous les âges,
Plais à tous les esprits, vis dans tous les langages :
Tes vers, que la nature a marqués de ton sceau,
Comme elle en vieillissant ont un charme nouveau.

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L'antiquité crédule a perdu ses miracles;

Tous ces dieux que tu fis, leur culte, leurs oracles, Tout est anéanti: tes autels sont debout;

Tu n'eus point de tombeau, mais ton temple est partout. Accepte donc mon hymne, ô dieu de l'harmonie!

Mais quel mortel guidé par un plus doux génie,
Avec un air si simple, et de si nobles traits,
S'avance d'un front calme? Ah! je le reconnais;
C'est Virgile accordant sa lyre harmonieuse :
La flûte qui soupire est moins mélodieuse.
Le génie, il est vrai, moins prodigue pour lui,
Le laisse quelquefois sur les traces d'autrui;
Pour former son nectar, il imite l'abeille,
Peuple heureux dont sa muse a chanté la merveille,
Qui compose son miel de mille sucs divers;
Et quel miel, ô Virgile! est plus doux que tes vers?
Si d'un accent moins fier ta voix chanta les armes,
Ah! combien ta Didon m'a fait verser de larmes!
Ton charme le plus doux, ton art le plus flatteur,
L'imagination le puisa dans ton cœur.
Homère, déployant sa force poétique,

Dans sa måle beauté m'offre l'Hercule antique;
Ta muse me rappelle, en ses traits moins hardis,
De la belle Vénus les charmes arrondis.
Ta vigueur sans efforts, c'est la grâce elle-même;
Avant de t'admirer, le lecteur sent qu'il t'aime.
Des trésors du génie économe prudent,
Brillant, mais naturel, et pur, quoiqu'abondant,
Chez toi toujours le goût employa la richesse;
Le goût fut ton génie; et ma fière déesse,
Dont les coursiers fougueux erraient encor sans frein,
A mis, pour les guider, les rênes dans ta main 5.
DELILLE. L'Imagination, ch. v.

VIRGILE ET HOMÈRE DANS LA POÉSIE DIDACTIQUE.

Sans atteindre si haut, du moins il faut savoir
Emprunter quelquefois le secret d'émouvoir,
En connaitre le prix, les effets et l'usage.
Virgile a peint les champs; mais cet esprit si sage
N'a-t-il fait qu'entasser, sans dessein et sans art,
Des tableaux imparfaits, ramassés au hasard?
Il conçut, il remplit l'ensemble d'un ouvrage;
Il sut entremêler la leçon et l'image,
A sa morale aimable intéresser le cœur,
Et toujours vers un but conduire le lecteur.
Ce style si parfait, prodige de ses veilles,
Et ce charme qu'il prête aux travaux des abeilles,
Et la pompe des vers, sont encor peu pour lui :
L'Imagination, son guide, son appui,

Vient partout sur ses pas prodiguer les merveilles.
Elle attire à sa voix les monstres des déserts;
A l'amant d'Eurydice elle ouvre les enfers,
Peint Cerbère muet et sa rage étouffée,
Et l'Érèbe implacable attendri par Orphée.

Homère au premier rang serait-il donc assis,
S'il n'eût fait qu'étaler, dans ses brillants récits,
Les combats des héros, leurs sanglantes blessures,
Et la course des chars, et le choc des armures?

1 On ne connait rien de positif sur Zoïle. On prétend que ce critique d'Homère vivait dans le Ve siècle avant J.-C. (N. E.)

2 Bouchardon, sculpteur français, né en 1698, mort en 1762. Il disait que, quand il lisait Homère, les hommes lui paraissaient plus grands de six pieds. (N. E.)

3 Phidias, célèbre sculpteur grec, du temps de Périclès. Une de ses plus belles statues fut celle du Jupiter Olympien. (N. E.)

4 Homère, Iliade, liv. 111. (N. E.) 5 Voyez Ire partie.

Il sait avec plus d'art varier ses portraits,
Et dans le cœur humain chercher ses plus beaux traits.
Qu'ils sont vrais et frappants! Assis sur le rivage,
Achille aux immortels se plaint de son outrage 1.
La fille de Priam, dans ses tristes adieux,
Tend aux bras d'un époux l'enfant qu'il offre aux dieux;
Et l'enfant, à l'aspect d'une aigrette guerrière,
Se rejette d'effroi dans le sein de sa mère :
Hector fixe sur lui des regards attendris,
Et désarme son front pour embrasser son fils.
Andromaque est en proie aux plus tendres alarmes,
Et mêle un doux sourire à de plus douces larmes.
Qu'alors il parait grand, le peintre des héros,
Quand l'homme tout entier respire en ses tableaux!
LA HARPE. Epilre au comte de Schowalow.

Avait, comme son style, en sa simplicité,
Un caractère doux, grave et mélancolique.
A l'imiter en tout sa compagne s'applique :
Docile à ses conseils, du plus sublime ton
Elle apprit à descendre au naïf abandon,
Mème à négliger l'art pour la simple nature.
Du cœur elle connut la route la plus sûre :
Elle fit retentir le cri de la pitié,

Peignit l'amour brûlant, la touchante amitié,
Et la douleur qui même en sa bouche eut des charmes.
Oh! qu'elle a fait aux Grecs verser de douces larmes!
On redisait partout ses chants libérateurs :
Socrate fut enfin un de ses auditeurs.

De son maître pourtant le ton philosophique
Perçait en ses discours... que sais-je?... en sa critique,
Souvent son propre sexe est à peine épargné;
Mais elle intéressait, tout lui fut pardonné...
COLLIN-D'HARLEVILLE. Melpomene et Thalic

LES TROIS TRAGIQUES GRECS.

Un guerrier la rappelle à sa haute origine;
C'est Eschyle: il s'arrête, et, la considérant,
Il démêle en ses traits je ne sais quoi de grand.
Il s'indigne; à Thespis il arrache sa proie,
Puis parle en maitre, étouffe une bruyante joie;
Mais de ses pieds d'abord couvre la nudité,
Sur son front éclairci ramène la fierté.
Au son des instruments il l'agite, il l'éveille;
De Marathon alors il conte la merveille.
Salamine, Platée, il vous peint en soldat :

Dès qu'il parle de guerre, on croit voir un combat.
Au cœur de son élève un feu nouveau fermente.
Un démon sombre et noir la presse, la tourmente.
Elle éclate à la fin: son maitre forcené,
Eschyle, de son œuvre est lui-même étonné.
Terrible, elle se montre en amazone altière,
Et debout, sans effroi, parle à la Grèce entière,
Qui s'émeut et frémit, et lui répond en chœur.
Mais Sophocle déjà brùlait au fond du cœur;
Et bientôt pour époux il s'offre à Melpomène.
Eschyle, furieux, court, descend dans l'arène,
Et défie au combat Sophocle: il est vaincu.
Malheureux!... d'un seul jour il avait trop vécu.
Il fuit la jeune élève, excusable peut-être,
Préféra pour époux son amant à son maître.

Sophocle, en ses transports, plus sage sans froideur,
De sa fière moitié sut réprimer l'ardeur,
Tempéra de ses yeux le regard trop farouche,
A des discours plus doux accoutuma sa bouche.
Son accent âpre et dur devint mélodieux,
Et sublime, et voisin du langage des dieux,
Sans perdre de son feu ni de son énergie.
Mais, de mille autres dons par Sophocle enrichie,
Elle parut auguste, imposante en son port,
Vive encor sans rudesse, et grande sans effort:
Près d'Eschyle, en un mot, on voyait Melpomène
S'élancer en guerrière; elle s'avance en reine :
Mais, sensible à des soins si généreux, si doux,
Elle honora, chérit son vénérable époux,
Qui vit taire l'envie, en montrant à la Grèce
La touchante Antigone, enfant de sa vieillesse.
Euripide, ravi de ce noble maintien,
Aborde Melpomène; en un seul entretien,
Lui fait naître du goût pour la philosophie.
De l'estime d'un sage elle se glorifie.
Cette sagesse aimable et sans austérité

LES TROIS TRAGIQUES FRANÇAIS.

Eh! qui peut de Corneille atteindre la hauteur? Ce génie élevé, profond et créateur,

A son heureuse amante ouvre une autre carrière,
Remplit d'un feu divin son âme tout entière :
Pensée, expression, image, sentiment,

Tout est sublime en lui. Dans un beau mouvement,
Poussé d'un noble instinct, s'il veut à la mémoire
Offrir des anciens temps l'intéressante histoire,
Ces Romains, ces héros qu'il aime à rappeler,
Sont plus grands, plus Romains quand il les fait parler.
Au-dessus d'elle-même il ravit Melpomène :
Pure, et n'ayant plus rien de la faiblesse humaine,
Son accent, de son front l'auguste majesté,
Sa marche, tout annonce une divinité.

Mais le tendre Racine, en soupirant pour elle,
La fit redevenir une simple mortelle :
Elle le sent bientôt au trouble de son cœur,
Et nomme avec orgueil son aimable vainqueur.
Dans ce cœur né sensible, oh! comme il s'insinue!
Par degrés il y verse une flamme inconnue.
Racine aimait trop bien pour n'être pas aimé :
Et l'amour! qui jamais l'avait mieux exprimé?
Quel goût exquis et pur! que de grâce! quel style!
C'est l'âme d'Euripide et la voix de Virgile.

Melpomène, à ses pieds apercevant Voltaire,
Eprouva, quoique triste, un charme involontaire.
De Sophocle d'abord il sut l'entretenir;
C'est ainsi qu'il rappelle à son doux souvenir
Tous ceux qu'elle a chéris: amant doux et flexible,
Brillant, mais plus aimable encore que sensible,
Son esprit, par le goût, par les Grâces guidé,
S'embellit de tous ceux qui l'avaient précédé.
Beau talent que seconde, étend et fortifie
L'appareil imposant de la philosophie!
Son amante avec lui se plut à voyager:
De costume et de mœurs elle aimait à changer.
Chaque peuple étonné reconnut son langage:
Heureuse si Voltaire eût été moins volage,
Et n'eût brigué souvent les faveurs de Clio,
De la docte Uranie et surtout d'Erato!

LE MÊME. Ibid.

Iliade, liv. ter. (N. E.) a Ibid., liv. VI. (N. E.)

3 Melpomene.

4 Voyez le même sujet, en prose.

LES SATIRIQUES.

L'ardeur de se montrer, et non pas de médire,
Arma la vérité du vers de la satire.

Lucile le premier osa la faire voir,
Aux vices des Romains présenta le miroir,
Vengea l'humble vertu de la richesse altière,
Et l'honnête homme à pied du faquin en litière.
Horace à cette aigreur mêla son enjoûment.
On ne fut plus ni fat ni sot impunément :
Et malheur à tout nom qui, propre à la censure,
Put entrer dans un vers sans rompre la mesure!

Perse, en ses vers obscurs, mais serrés et pressants,
Affecta d'enfermer moins de mots que de sens.
Juvénal, élevé dans les cris de l'école,
Poussa jusqu'à l'excès sa mordante hyperbole.
Ses ouvrages, tout pleins d'affreuses vérités,
Etincellent pourtant de sublimes beautés :
Soit que, sur un écrit arrivé de Caprée,
Il brise de Séjan la statue adorée ;

Soit qu'il fasse au conseil courir les sénateurs,
D'un tyran soupçonneux pâles adulateurs;
Ou que, poussant à bout la luxure latine,
Aux portefaix de Rome il vende Messaline1.
Ses écrits pleins de feu partout brillent aux yeux.
De ces maîtres savants disciple ingénieux,
Regnier2, seul parmi nous, formé sur leurs modèles,
Dans son vieux style encore a des grâces nouvelles :
Heureux si ses discours, craints du chaste lecteur,
Ne se sentaient des lieux où fréquentait l'auteur,
Et si, du son hardi de ses rimes cyniques,
Il n'alarmait souvent les oreilles pudiques!
Le latin dans les mots brave l'honnêteté;
Mais le lecteur frança veut être respecté :
Du moindre sens impur la liberté l'outrage,
Si la pudeur des mots n'en adoucit l'image.
Je veux dans la satire un esprit de candeur,
Et fuis un effronté qui prêche la pudeur.

BOILEAU. Art poet., ch. 11.

HORACE.

Voyez Horace, et, si dans son délire Sa main voltige au hasard sur sa lyre, Avec quel art variant ses accords, D'un mode à l'autre il s'élève, il s'abaisse! Vrai dans sa fougue, et sage en son ivresse... Des mœurs de Rome ingénieux censeur, D'un ton moins haut si l'ami de Mécène A mes regards en expose la scène, Quelle morale est plus pure et plus saine! Qu'il y répand de charme et de douceur ! En le lisant avec lui je crois vivre. A Tivoli je m'empresse à le suivre; La liberté, l'enjoûment, la raison, Dans sa retraite accourent sur ses traces; L'Amour y vient sans bandeau ni poison, Et la vieillesse y joue avec les Grâces. De nos devoirs le mutuel accord,

De nos besoins l'intime et doux rapport,

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1 Voyez Satires X, IV, VI.

2 Regnier, poëte satirique français, né en 1573, et mort en 1613. (N. E.)

3 Voyez Ire partie.

4 Dans Thèbes. Alcmène était femme d'Amphitryon, roi de Thèbes. (N. E.)

A de Vitruve encor connu tous les secrets 1.
Sous ta touche ardente, enflammée,
Ici, la toile est animée,

Et la matière emprunte une âme à ton pinceau;
Là, pour peupler les arcs et les brillants portiques
De ces bâtiments magnifiques,

Les dieux naissent de ton ciseau.

Quel est ce temple au dôme immense2,
Ce temple où tous les arts rivaux,

Unis pour décorer sa pompeuse ordonnance,
Epuisaient sous tes yeux leurs magiques travaux?
De Rome antique altière idole,
Tombe, ô fastueux Capitole !

Cède à la majesté de ce lieu solennel.
Faux dieux! renversez-vous. Voici le sanctuaire
Où, dans sa grandeur solitaire,
Réside à jamais l'Éternel.

C'est ainsi que, par ce grand homme,
Les talents furent ranimés;

Il fit luire à la fois, sur la moderne Rome,
Les trois flambeaux des arts par ses mains rallumés:
C'est par ses soins que l'Italie,
De ses chefs-d'œuvre enorgueillie,
De l'univers encore a conquis les regards,
Et par lui cette terre illustre et fortunée,

Aux grands triomphes destinée,

Fut deux fois la mère des arts.

O toi que la gloire environne
De ses feux les plus éclatants,

Toi, que les arts ont ceint d'une triple couronne
Que ne pourront flétrir les outrages du temps;
Vois, vois ta patrie éplorée
Payer à ton ombre sacrée

L'honorable tribut de son long souvenir 3;
Souris du haut des cieux à ses justes hommages,
Et, planant par delà les âges,
Embrasse tout ton avenir !

CHÊNEDOLLÉ. Études poétiques.

RAPHAËL.

J'allais cesser mes chants: aux sources d'Hippocrène Quelle divinité malgré moi me ramène?

Ange de la peinture, ô divin Raphaël!

C'est toi reçois l'encens que j'offre à ton autel! Gloire à ton ombre illustre, émule heureux d'Apelle, O des peintres futurs digne et parfait modèle!

Je te vois entouré de disciples chéris,

Et tel qu'un tendre père au milieu de ses fils,
De ton art enchanteur expliquant le mystère,
Eclairer leurs esprits de ta vive lumière;

Ou par des traits savants, retracés à leurs yeux,
Les charmer encor plus, les instruire encor mieux.
Ils puisent dans ton âme une nouvelle vie;
A ton génie ardent s'allume leur génie.
Jules, ton bien-aimé, moins pur, moins gracieux,
Prend un élan plus fier et plus audacieux.

De tes nobles pensers, non moins noble interprète,

Tu conçois; et soudain il trace la défaite
Du farouche tyran, fils de Maximien :
Le pieux fondateur de l'empire chrétien
Ici montre aux soldats armés pour sa défense,
Ecrite dans les cieux la chute de Maxence.
Jule, en ces grands travaux, ô divin Raphaël!
Associait son nom à ton nom immortel.
L'orgueilleux Vatican, sur ses murs magnifiques,
Déjà rivalisant les prodiges antiques,

Orné par tes pinceaux étonnait les regards;
Devant lui reculaient les limites des arts:
Jeune Apelle, ah! pourquoi d'une fougue effrénée
Toi-même as-tu borné ta haute destinée?
Le plaisir t'abusait; son charme séducteur,
En abrégeant tes jours, abrége ton bonheur.
O douleur! ô regrets! dans sa tristesse amère,
De son maître adoré, qu'il chérit comme un père,
Jule, éperdu, saisit le pinceau défaillant,
Et termine à regret le chef-d'œuvre brillant.
Grand Raphaël ! encor dans l'été de ton âge,
Tu l'aurais achevé cet immortel ouvrage,
Où le Christ radieux, des sommets du Thabor,
Vers le ciel qui l'attend prend un divin essor.
Son visage éblouit; son vêtement éclaire;
De sa gloire accablés, la face contre terre,
Ses disciples tremblants n'osent lever les yeux,
Pour suivre dans les airs son vol majestueux.
Faut-il, si jeune encor, que Raphael succombe!
Muses, Grâces, Vertus, de fleurs couvrez sa tombe!
Ses élèves, en proie à leurs sombres chagrins,
Autour de lui pressés, accusaient les destins.
Mais soudain apparaît, majestueuse et belle,
De lumière entourée, une jeune immortelle.
Un céleste rayon brille dans se regards;
Elle tient dans sa main les palmes des beaux-arts:
C'était la Gloire! «O vous, disciples d'un grand homme,
Que d'un regret si tendre honore aujourd'hui Rome,
Quand j'affranchis son nom de l'oubli du cercueil,
Gardez de l'affliger par un profane deuil.
Séchez vos pleurs; vos pleurs offenseraient sa gloire.
L'univers et les temps maintiendront sa mémoire.
Oui, de mon noble éclat, toujours environné,
Des peintres le plus grand, par ma main couronné,
Dieu des arts, et rival du dieu de l'harmonie,
Va cueillir dans les cieux les palmes du génie.
GIRODET-TRIOSON. Le Peintre, ch. vi.

LES POÊTES DU SIÈCLE DE LOUIS XIV.

Quelle humeur triste et dédaigneuse Nous dégoûte de notre bien? Notre langue est riche et pompeuse Pour quiconque la connaît bien; Et, moins brillant par son génie Qu'aimable par son harmonie, Notre Malherbe sut cueillir Ces feuilles si vertes, si belles, Dont les couronnes immortelles Empêchent son nom de vieillir.

Mais quoi le fer brille à ma vue,
Et de morts les champs sont couverts,

1 Scopas, sculpteur; Apelle, peintre célèbre du temps d'Alexandre. Vitruve, architecte romain, connu surtout par ce qu'il a écrit sur son art; il vivait sous Auguste. (N. E.) 2 Saint-Pierre de Rome. (N. E.)

3 Allusion à la fête que l'on célèbre tous les ans, à Florence, en l'honneur de Michel-Ange.

4 Jules Pipi, plus connu sous le nom de Jules Romain. 5 Le tableau de la Transfiguration. (N. E.)

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