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ture du sol), Vitry-en-Brière serait la même chose que Vitry-auxLoges.

L'étude des anciens titres de la contrée peut seule justifier cette conjecture, à laquelle il n'est pas nécessaire de nous arrêter ici. L'objet de la discussion qui précède n'est pas de savoir si Clarius s'est trompé ou ne s'est pas trompé, mais bien de revendiquer en faveur de Vitry-aux-Loges une illustration qu'on a pu attribuer, d'après le témoignage de Clarius, à un Vitry purement chimérique. Or, c'est là un point qui me paraît suffisamment établi.

HISTOIRE DE VITRY-AUX-LOGES.

Puisque j'ai commencé d'appeler l'attention sur Vitry-aux-Loges, en y plaçant la mort du roi Henri ler, je veux faire voir que ce lieu se recommande encore par d'autres titres, et qu'une place honorable devra lui revenir lorsqu'on écrira l'histoire générale de l'Orléanais.

On ne voit sur le territoire de Vitry aucun vestige de construction romaine, et personne, dans le pays, n'a mémoire que la pioche ou la charrue en aient fait sortir du sol, non plus que des armes, ou des poteries, ou des médailles. Son nom, toutefois, est un monument romain; la plus ancienne forme sous laquelle il nous soit parvenu, Victriacum, est une contraction de Victoriacum. C'est ainsi que les conquérants de la Gaule appelaient les lieux témoins du succès de leurs armes ; et peut-être est-il permis de supposer, d'après ce seul indice, que Vitry-aux-Loges fut l'un des endroits où la cavalerie romaine atteignit les Carnutes, dans cette suite de courses meurtrières que César dirigea contre eux pendant le rigoureux hiver de l'an 50 avant Jésus-Christ (1). A la vérité, Adrien Valois (2) propose une autre étymologie qu'il tire de Vitrum, parce que, selon lui, une verrerie aurait anciennement existé en ce lieu; mais ni le sable propice à la confection du verre ne se trouve en cette partie de la contrée, ni la racine Vitrum ne justifie le c introduit dans le composé Victriacum.

Adrien Valois n'a pas été plus heureux, lorsqu'il a voulu expliquer le surnom de Vitry, Victriacum in Ledio, ou Legio, ou Ledia

(1) De Bello gallico, VIII, 5. (2) Notitia Galliæ, p. 270.

sylva que nous disons Vitry-aux-Loges (1). Il voyait dans Leodium une corruption de Leudis interprété par lui comme synonyme de fiscalis. M. Guérard a réfuté récemment cette opinion et démontré, par la présence du même déterminatif dans le nom de beaucoup de lieux du voisinage, que Leodium est une dénomination purement topographique, qui s'étendait anciennement à toute la forêt d'Orléans (2). Après cela, personne ne prétendra plus avec l'historien Lemaire que les endroits déterminés par l'affixe aux Loges aient été ceux où nos premiers rois avaient établi des relais (3). Quant à la signification de cet affixe, elle nous échappe. L'abbé Lebeuf, qui avait trouvé dans presque toutes nos anciennes forêts des cantons appelés les Loges, croyait qu'on avait appelé ainsi, dans l'origine, des clairières où l'on bâtissait des huttes (4); mais cela ne s'accorde pas avec l'extension du même nom à toute une forêt. M. Guérard sem ble se rapprocher davantage de la vérité en attribuant à Leodium la valeur de Sylva; peut-être vaut-il mieux encore s'en tenir à l'explication de l'annaliste de Lobes, auteur du Xe siècle, qui rappelle, à propos du nom analogue de son monastère, que les peuples teutoniques appelaient loo les voûtes de verdure formées par les arbres séculaires des forêts (5). Le fameux arbre de Dompremy, sous lequel Jeanne d'Arc reçut son inspiration, s'appelait, dans un sens tout-àfait analogue, Lobiæ Dominarum, les Loges-les-Dames (6); d'où l'on conclurait que Leodium, Legium, Ledia, Lobia sont les diverses formes d'un mot que les barbares apportèrent en Gaule, et par lequel on se mit à désigner les hautes futaies au Ve ou au VIe siècle.

(1) Au moyen-âge, on écrivait Vitry-au-Loge, orthographe plus correcte, eu égard à la forme latine.

(2) Prolegomènes au Polyptique d'Irminon, nos 39 et 40.

(3) Histoire d'Orléans.

(4) Hist. du diocèse de Paris, t. VIII, p. 435.

(5) FULCUINUS, De gestis abbatum Lobientium, dans le spicilége de d’Achery, t. II, p. 731.

(6) Procès de condamnation et de réhabilitation de la Pucelle, t. 11, p. 427, 430, 434, 440.

Quelques mots encore sur la forêt d'Orléans ou des Loges, car c'est à elle que Vitry est redevable de l'importance qu'il a eue.

Sous les épais ombrages qui couvraient la totalité du pays, à l'est de Genabum, des groupes de population s'établirent sous les deux premières races de nos rois, et construisirent des villages qui étaient devenus assez nombreux à la fin du IXe siècle, pour que la forêt formât l'une des divisions administratives du pays on l'appelait la Viguerie-des-Loges, Vicaria Lodovensis (1). La cathédrale d'Orléans y possédait quantité d'établissements fondés et cultivés par ses colons, qu'elle avait recouvrés par la piété de Pépin-leBref, après les avoir perdus sous le gouvernement des maires du palais (2). Au moment ou Hugues Capet devint roi de France, il reconnut solennellement la seigneurie de l'évêque d'Orléans sur ces diverses localités, ainsi que le droit de chasse antérieurement concédé à son église sur toute l'étendue de la forêt des Loges (3). Le roi Robert, aussi fervent chasseur que chrétien zélé, retira par devers lui ce dernier privilége, moyennant certains arrangements qui paraissent avoir été par trop à son avantage, car, plus tard, il remit les choses en leur premier état, s'accusant presque d'avoir fait faire à l'église un marché de dupe (4). Il ne laissa pas pour cela de garder une prédilection marquée pour la forêt des Loges, qui était le théâtre des exploits de son enfance, et qu'il avait à traverser sans cesse dans ses fréquents voyages de Melun à Orléans. Au rut du cerf, selon l'expression de Fulbert de Chartres (5), c'est-à-dire au

(1) GUÉRARD, l. c., no 40.

(2) Pancarte de l'Eglise d'Orléans, décernée en 990. CF. Scriptor. rer. franc., t. X, p. 558.

(3) Leodie quoque silvæ venationem, sicut antecessores ejus visi sunt habuisse, eidem sanctæ matri habere concedo, ejusque venabula per eam sine dilatione currere diebus cunctis auctorizo. (Ibidem).

(4) Venationem quoque silvæ Leodige, quam per quamdam convenientiam subripueram, reddo. (Carta Roberti, anni 999, ap. Script. rer. fr., t. X, p. 573.)

(5) Rex proximo rugitu, ut dicitur, venire habet in silvam Legium quæ vicina est, ut scitis monasterio sancti Benedicti. (Lettre au duc d'Aquitaine, apud Script. rer. franc., t. X, p. 468.)

commencement de l'automne, il s'y arrêtait pendant plusieurs semaines pour courir la grosse bête. L'endroit où il prenait résidence était Vitry.

J'ai dit l'origine présumable de Vitry. Pour trouver une mention expresse de ce lieu, il faut descendre au IXe siècle, où il est nommé pour la première fois et désigné comme un domaine impérial. L'an 818, Louis-le-Débonnaire, se rendant d'Aix-la-Chapelle à Vannes, où il avait convoqué l'assemblée générale des Francs, s'arrêta dans sa villa de Vitry. Il y eut l'agrément d'une réception magnifique que Matfred, comte d'Orléans, lui avait préparée. Des logis dignes du fils de Charlemagne avaient été élevés comme par enchantement; les yeux étaient éblouis de la richesse des présents apportés par les propriétaires du pays (1). Sans doute les Normands détruisirent cette habitation carlovingienne, dont l'emplacement devenu l'héritage des princes capétiens, vit s'élever un château féodal. Helgaud donne positivement à Vitry-aux-Loges la dénomination de castrum (2); l'auteur des Derniers Miracles de saint Benoît se sert du mot palatium (3), et ces deux termes complètent l'idée que nous devons nous faire de Vitry après sa restauration. C'était une enceinte palissadée, murée peut-être, qui renfermait plusieurs maisons de pierre dominées par une grosse tour carrée dans le genre de celle de Beaugency. Là pouvaient être convoqués et logés les barons du royaume pour les occasions où le roi, mêlant les affaires aux plaisirs, voulait présider en ce lieu les assises de sa

cour.

La piété du roi Robert lui fit accueillir une autre classe d'hôtes dans son château de Vitry, je veux dire des moines. Les colonies

(1) Ermoldi Nigelli carmen de Lud. imp., 1. III, 275 et sq. :

Aurelianenses sensim dehinc visit at agros,
Victriacum villam jam pius ingreditur,

Quo, Matfride, sibi pulcherrima tecta parasti;
Munera magna dabas atque placenda sibi.

(2) Vita Roberti, c. 28.

(3) Qui locus regalis palatii honorificentia nostris temporibus decorabatur. (Miracula sancti Benedicti, I. IV, c. 26.)

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