Imágenes de página
PDF
ePub

pas

plit une pareille fonction, dites, de quelle pureté ne doit-il être revêtu?... Aussi, je proclame, j'annonce le déplaisir de Dieu, de ce que la sainte messe est dite par des hommes dont la vie est impure, et qui ne peuvent donner la bénédiction comme de droit et de fondation ils le devraient. Que notre haine pèse sur eux! Si je pouvais dire ce que je sais à l'endroit de ceux qui ont embarrassé d'engagements mondains leurs vœux chrétiens! Ou bien l'Écriture a menti, ou bien ils seront un jour acculés dans une cruelle impasse!... En ce monde, ils devraient être morts à la joie, mortifier leur chair tous les jours et porter leurs regards vers leur âme, comme la servante fixe ses yeux sur sa maîtresse. Mais loin de là, ils s'adonnent à la haine et à l'envie, ils se querellent, ils se disputent; ils usent de paroles amères, ironiques; ils ne montrent nullement qu'ils ont hébergé au fond de leurs cœurs le véritable amour. Leurs paroles varient; à moins d'avoir fonction et puissance, peu leur importe leur devoir; ils servent (Dieu) pour l'apparence, par peur, non par amour. Jamais ils ne restent en place; ils se refusent à toute règle. Ils n'admettent la pénitence qu'autant qu'ils peuvent en faire étalage.

«Celui qui dans ce monde ne devrait pas posséder un baudet, applique merveilleusement son cœur et sa langue à un gain illicite. Et si l'on pouvait escalader le ciel en faisant bombance, et avec des barbes bien soignées, et avec des cheveux où disparaît la tonsure, certes, tous ils seraient des hommes de sainteté. Qu'en arrive-t-il? que les laïcs conçoivent des soupçons.... Ce que nous voyons commettre par les pécheurs, nous supposons que tous les autres le font également. Ces êtres sont la honte et l'amertume des congrégations. >

<<< La vie des chevaliers, dit-il autre part, est déplaisante pour Dieu; l'orgueil perce dans tous leurs actes.... Les

dames sont coquettes, avides de parure; elles traînent après elles de longues queues de robe, de manière à soulever la poussière; comme si l'Empire devait s'en trouver mieux.... Les paysannes singent les grandes dames.... Les chevaliers assemblés ne parlent que de leurs intrigues amoureuses et se vantent de leurs vices....>

Aux peintures des ridicules ou des vices, qui décidément sont de toutes les époques, il oppose les grandes pensées, qui toujours aussi ont préoccupé les âmes fortement trempées.

L'homme doit constamment penser à la mort; toute la vie n'est en ce sens qu'un continuel avertissement. L'homme naît misérable; qu'il soit riche ou pauvre, son existence entière n'est qu'un enchaînement de misères. Le repentir et l'expiation valent mieux que toute espèce de bien; car l'éternelle damnation attend le malheureux qui ne s'est point repenti. >

Sur ce terrain, les penseurs religieux de tous les pays et de tous les siècles se rencontrent invariablement, et sans se copier, ils reproduisent, d'inspiration, les mêmes idées, les mêmes sentiments; ils conçoivent les mêmes espérances, j'allais dire la même certitude; mais dans leur nombre, il en est qui s'arrêtent sur le seuil du sanctuaire, sans le franchir, et qui cherchent à moraliser, sans compter sur une récompense à venir. Ce sont les précurseurs du philosophe de Koenigsberg; ils professent et appliquent le même précepte que lui :

Du kannst, denn du sollst'.

Quant à Henri l'Autrichien, il est croyant orthodoxe; il est menaçant, parce que les ombres que l'éternité projette devant elle le terrifient lui-même.

1. Tu peux, car tu dois.

Un poëte moraliste, contemporain de Henri et austère comme lui, c'est le pauvre Hartmann. Son poëme « sur la foi» (vom gemeinen Glouben) est une paraphrase du Credo, entremêlée de fragments de l'histoire sainte, de contes et de légendes. La morale de Hartmann se résume dans le précepte de tout quitter, alleu et fief, femme et enfants, d'entrer en religion, de donner ses biens aux couvents, de souffrir tout pour l'amour de Dieu. Il est évident que le monde finirait, si tous les hommes se convertissaient à cette doctrine. Mais ce danger est bien loin de nous; les passions règnent toujours en souveraines maîtresses, et je ne pense pas que depuis les sept ou huit siècles qui se sont écoulés entre Hartmann et notre époque, on se soit rapproché d'un seul pas du but qu'il signale à nos efforts.

Dans le langage encore inculte de son poëme vom Glouben, dans ces vers écourtés, les préceptes qu'il donne, les misères de ce monde qu'il rappelle, constituent, comme les Nuits d'Young, une poésie de chartreux. A les lire à haute voix, on croirait entendre un glas funèbre. Dans un passage souvent cité, il énumère les jouissances que le riche peut se donner, ou comme nous dirions aujourd'hui, tout le comfort dont il peut s'entourer beaux habits, belles armes, table somptueuse, où viande et poisson, pain blanc et bons vins abondent. «Et lorsque la nuit arrive, tu te couches doucement dans ton lit, sur des matelas, dont tu as surabondance, et tu fais usage de couvertures bien chaudes, et en tes bras tu tiens ta belle épouse, et son corps te donne des jouissances infinies, et ton cœur bondit dans ta poitrine, au milieu des voluptés dont tu régales ta chair, en blessant ton âme. Ah! je crains bien que ce grand honneur, que ces douces jouissances ne tournent en amertume, car les plaisirs de la chair sont la perte de l'âme pour qui en abuse, et ne veut les abandonner pour l'amour de Dieu.

Il est un mot, appelé honneur, ambitionné par maints hommes; et plus d'un perd, dans la recherche de l'honneur, corps et âme. Oh! comme il paye cher cette acquisition, et engloutit à cet effet corps et âme. Que ce soit un homme ou une femme, qu'il ait le monde entier en son pouvoir et faculté de vivre pendant mille ans, en échange de son âme, mieux vaudrait pour lui ne pas avoir fait ce marché....»

<< Songes-y bien, je te le conseille en vérité. Bientôt tout disparaît, tout ce que l'homme possède, et son corps y passe. Voilà les allures de ce monde. Bientôt tu mourras et tu abandonneras le tout à des héritiers railleurs qui veulent en user et abuser. Ils partagent le tout et ne se soucient. plus de ce qui adviendra de toi. Ils te mettront sous terre, et lå tu te décomposes et tu pourris dans le froid tombeau. Ton âme, il faut qu'elle s'envole, Dieu sait en quel endroit; ta récompense t'attend selon tes œuvres bonnes ou mauvaises. Sais-tu bien, penses-tu bien ce que tu es? vile poussière et vil fumier! et ce que tu deviens quand tu meurs?... mite et ver du sépulcre!... que te servent alors tes hommes et tes serfs, et tes biens amassés ?

<Dieu seul est bon; il écrase tout orgueil, il abaisse toute suffisance, il hait toute iniquité et ne la laisse point debout. Orgueil! oh! comme tu renverses ceux dont tu fus le compagnon; ta récompense est triste; tu ne peux arriver à sauver ceux que tu assistes à leur dernière heure; tu les livres tous aux démons, et leur fermes la voie du salut....

....« Voici quel est le conseil de l'esprit : celui qui en est gratifié, commencera bien vite à considérer dans son cœur comment il emploiera son propre bien et son héritage. L'un et l'autre, il les donnera à la maison de Dieu et les quittera en l'honneur de Dieu, afin d'augmenter la louange et le service de Dieu. Et ceux qui agiront ainsi, récolteront au centuple et recevront en échange la vie éternelle. >>

Henri et Hartmann ont composé leurs poëmes au douzième siècle; le Winsbeck est du treizième siècle (1200 à 1250). Le texte primitif de cette remarquable composition n'existe plus. Dans sa facture actuelle, ce n'est probablement que la reproduction altérée d'un poëme populaire plus ancien. On n'a pas encore décidé d'une manière précise si le Winsbeck est le nom de l'auteur lui-même, ou simplement le titre de

son œuvre.

Une excellente introduction nous met en regard d'un père donnant à son fils des préceptes de morale et de piété. L'amour paternel sert de cadre à ce code domestique, il répand un charme touchant sur les vérités les plus simples, enseignées par le vieillard à son héritier. C'est que ce père n'est point un moraliste de profession; son amour sérieux, sincère à l'endroit de son fils, perce dans chaque vers; ses paroles coulent comme une source d'eau vive du fond de son âme. Avec une affection désintéressée, il communique au jeune homme les trésors de son expérience; il n'a pas de meilleur héritage à lui léguer. Au moment de quitter la terre, il n'a qu'une pensée: il prétend guider son fils dans la voie du salut que l'on ne peut conquérir que par une vie vertueuse, pieuse, philanthropique. « Aime Dieu, avant tout, lui dit-il; seul il peut te sauver dans tes grands embarras. Qui s'adonne au monde y perd corps et âme; car la vie de l'homme se fond comme la cire des cierges....

Mon fils, donne à Dieu qui t'a tout donné, et tient en main tous les bienfaits plus nombreux que la forêt n'a de feuillage, et t'accorde la vie éternelle. Si tu veux conquérir ce trésor, maintiens-toi dans sa bonne grâce, et fais-toi précéder par de bons messagers, qui puissent, en ta faveur, conquérir une place, en haut, avant que le maître du lieu n'en barricade la porte. »

Comme Hartmann, le Winsbeck recommande d'honorer

« AnteriorContinuar »