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pire dès le milieu du xv siècle l'amour de la belle ou plutôt de la vraie latinité. Quelques Italiens, professeurs libres dans Paris, donnent leçon de langue et de style latins et de versification latine, offrant pour excellents exemples de l'un et de l'autre les Pétrarque, et tout à l'heure les Bembo et les Sadolet. Le XVIe siècle est en chemin et la place, nettoyée, aérée, est déjà prête pour le recevoir.

CHAPITRE VIII

CONCLUSION SUR LE XV SIÈCLE

Le xv siècle, vu à distance, peut tout entier, du reste, paraître comme un siècle de préparation. C'est dans cet âge qu'apparaissent les plus immenses découvertes qu'ait faites l'humanité pendant toute la période historique. Découverte du Nouveau Monde en 1492, découverte de l'imprimerie vers 1450, découverte de la gravure en 1423. Si la poudre à canon, au siècle précédent, a changé l'histoire politique, ces inventions du XVe siècle changent l'histoire intellectuelle. Elles agrandissent l'esprit humain, elles élargissent immensément les horizons, elles font le savoir populaire, plébéien, presque démocratique; elles appellent un plus grand nombre d'hommes à la vie intellectuelle; elles rendent possible à bref délai et elles ne sont pas loin de créer du premier coup un nouveau pouvoir, celui de l'opinion publique. Un penseur va du moins plus vite qu'auparavant, et avec une rapidité et une force d'expansion que le monde n'avait jamais connues, remuer l'humanité et lutter facilement avec les forces autrefois

formidables de l'autorité, de la doctrine consacrée, de la tradition. De nouveaux organes de la pensée ont été créés. Preuve d'abord qu'elle était forte, force ensuite qui s'ajoute à elle et qui décuple ses puissances. Seulement, comme souvent il arrive, c'est l'héritier qui a l'honneur de ce dont le père a eu la peine. Si le XVIe siècle a été si grand, c'est par sa valeur propre d'abord, ensuite à cause des outils merveilleux que le xve siècle lui avait mis aux mains. Il reste que le XVe siècle a été une des plus grandes causes que l'histoire ait connues. A cette époque, non seulement tous les germes du monde moderne existent et travaillent, car il est à croire que les germes existent et travaillent toujours; mais déjà les semences lèvent et d'un premier soulèvement remuent la terre, qui vont éclater au soleil et dont l'ensemble constituera la civilisation moderne.

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La première partie du XVIe siècle étant plus célèbre par ses œuvres en prose et la seconde par ses œuvres en vers, cette fois c'est par la prose que nous commencerons. Philippe de Commines appartient par sa vie au XV° siècle, par ses écrits au XVI. Il était né vers 1445 au château de Commines en Flandre. Il fut très jeune attaché à la cour de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, et à la personne de Charles, comte de Charolais, futur Charles le Téméraire. Il resta auprès de son jeune maître jusqu'en 1472 et, très dégoûté d'un tel service, passa à celui de Louis XI, qu'il admirait de tout son cœur. Il fut l'homme de confiance et le ministre intime du roi de France jusqu'à la mort de celui-ci. En disgrâce alors, et plus qu'en disgrâce pendant quelque temps, il rentra à demi en faveur, suivit Charles VIII en Italie, négocia avec les Vénitiens pendant la chevauchée du roi paladin à travers l'Italie, fut à Fornoue, revint en France et, après la mort de

Charles VIII, se retira dans ses terres. C'est là qu'il écrivit ces fameux Mémoires qui devaient être « le bréviaire » de Charles-Quint. Ils ne parurent qu'en 1523, onze ans après la mort de leur auteur.

Ils sont très distingués, comme style d'abord, étant écrits dans une langue pure, claire, facile, dépouillée, qui n'en monte pas moins, pour juste cause et occasion légitime, à la plus haute éloquence. L'homme qui nous fait comprendre en quelques lignes nettes une négociation difficile, qui nous peint en quelques traits précis et lumineux un caractère, est aussi celui qui écrira la page sui

vante :

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J'ai demandé en un article précédent qui fera l'information (le procès) des grands et qui la portera au juge et qui sera le juge qui punira les mauvais? L'information sera la plainte et clameur du peuple, qu'ils foulent et oppressent en tant de manières, sans en avoir compassion ni pitié; les douloureuses lamentations des veuves et des orphelins dont ils auront fait mourir les maris et les pères, et généralement tous ceux qu'ils auront persécutés tant en leurs personnes que en leurs biens. Ceci sera leur information; et leurs grands cris, pour plaintes et piteuses larmes, les présenteront devant notre Seigneur qui en sera le vrai juge et qui par aventure ne voudra pas attendre à les punir jusques à l'autre monde et les châtiera en celui-ci. Donc faut entendre qu'ils seront punis pour n'avoir voulu croire, et pour ce qu'ils n'auront eu ferme foi et créance ès commandemens de Dieu. »

Mais ce qu'il y a de plus remarquable dans Commines, c'est sa pensée. Il est le premier des historiens hommes d'État ; il est à peu près le premier des historiens moralistes. Homme d'État, il l'est toujours. Partisan d'une royauté limitée et surveillée dans son action, vrai « parlementaire » dans le sens moderne du mot, il admire la

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