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qui est vraiment dangereuse, puisque, corrompant le cœur des rois, elle en fait les fléaux et les corrupteurs de leurs sujets. Si les gens de lettres prenaient pour éclairer les princes autant de peine qu'ils en ont pris trop souvent pour les flatter et les tromper, ils feraient des hommes bien plus dignes de l'amour des peuples et des éloges de la postérité...

« La raison humaine, continue-t-il n'est pas encore suffisamment exercée; la civilisation des peuples n'est pas encore terminée : des obstacles sans nombre se sont opposés jusqu'ici aux progrès des connaissances utiles dont la marche peut seule contribuer à perfectionner nos Gouvernemens, nos lois, notre éducation, nos institutions et nos mœurs....

<< La civilisation complète des peuples et des chefs qui leur commandent, la réforme désirable des Gouvernemens, des mœurs, des abus, dit-il encore, ne peuvent être que l'ouvrage des siècles, des efforts continuels de l'esprit humain, des

expériences réitérées de la société ; à force de penser, les hommes démêleront les causes de leurs peines, et y appliqueront les remèdes convenables. Les maux du genre humain ne découragent que ceux qui en ignorent les vraies causes, et qui méconnaissent les progrès sensibles que plusieurs nations ont faits vers le bonheur.... » (a).

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Quelques personnes qui ont attrapé une assez bonne part dans cet ordre de choses où l'on voit par-tout l'exténuation de la misère à côté de l'embonpoint de l'opulence, le travail forcé des uns compenser l'oisiveté des autres, des masures et des colonnades, les haillons de la misère mêlés avec les enseignes du luxe, en un mot les plus inutiles profusions au milieu des besoins les plus ur

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(a) Systême social, chap. xvI. De la vie sociale; De l'Etat de nature; De la vie sauvage. Ibid., liv. 11,

chap. 1. — Ibid., 111 part., chap. x11. Remèdes des calamités ou des vices moraux et politiques. Apologie de la vérité.

gens, ne manquent pas d'argumens, dit aussi M. Say en terminant la préface de son traité d'économie politique, pour les justifier, même aux yeux de la raison. Peut-être que s'il fallait, dès demain, tirer de nouveau les lots qui leur assignent leur place dans la société, elles y trouveraient beaucoup à reprendre.

« Il en est d'autres dont l'esprit n'a jamais entrevu un meilleur état social, et qui affirment qu'il ne peut exister. Elles conviennent des maux de l'ordre social tel qu'il est, et s'en consolent en disant qu'il n'est pas possible que les choses soient autrement. Ceci rappelle cet empereur du Japon qui pensa étouffer de rire, lorsqu'on lui dit que les Hollandais n'avaient point de rois. Les Iroquois et les Algonquins ne conçoivent pas qu'on puisse faire la guerre sans rôtir ses prisonniers.

« Le temps est un grand maître. C'est à lui seul qu'il appartient de démontrer les avantages qu'on peut retirer de l'application des principes de l'économie politique

à la législation positive ( et nous croyons pouvoir ajouter, de l'Organisation du Gouvernement à la pratique des principes de l'économie politique) (a). La résistance

(a) L'estimable et judicieux auteur que nous citons ici, plein de sagacité, de logique et de force dans la démonstration des propositions, qu'embrasse directement son sujet, est manifestemént tombé dans une grande erreur, nous devons le dire, lorsqu'il avance, en quelque endroit de ce même ouvrage, que les richesses sont indépendantes de la nature des Gouvernemens, que sous toutes les formes de Gouvernement un État peut prospérer.

Il n'est pas assurément de pensée plus inexacte et d'erreur plus funeste. Non, les richesses ne sont pas indépendantes de la nature du Gouvernement. Cette nature du Gouvernement est bien au contraire la chose dont les richesses et la prospérité d'un État dépendent le plus, et cela par une infinité de liens, par une foule de rapports nécessaires plus ou moins immédiats.

verons,

Il est des formes de Gouvernement, et nous le prousous lesquelles il est impossible que les sages principes d'économie politique si doctement professés par M. Say, soient jamais observés; et il est bien vrai de là où ces principes ne seront pas respectés, il n'y a pas à espérer de prospérité durable.

dire

que

Au surplus M. Say, au moment même où sa plume l'a tracée, semble avoir senti l'erreur que nous sommes obligés, dans l'intérêt de ses propres principes, de si

que leur opposent les préjugés et l'intérêt national et privé mal-entendu, n'a rien qui doive surprendre et effrayer. La physique de Newton, unanimement rejetée

:

gnaler ici tout en invoquant l'appui de ses consolantes prédictions car il termine la phrase qui renferme l'hérésie, par un mot qui lui sert de correctif, et qui suffirait seul pour la combattre victorieusement. «Sous toutes formes de Gouvernement un Etat peut prospérer » dit-il ; mais il ajoute immédiatement « s'il est bien administré ». Ce qui implique contradiction: car il est impossible que l'Etat soit bien administré, si l'administration est imparfaite et vicieuse. Il en est ici comme d'une machine détraquée ou grossièrement construite dont on voudrait tirer les mêmes avantages que de celle que l'expérience et la science de la mécanique aurait perfectionnée, dont tous les mouvemens et les rouages seraient mis en rapport et dans une harmonie parfaite.

Et qu'est-ce donc en effet que les vices de l'administration d'un Etat, si ce n'est, en d'autres termes, les vices de l'Organisation même. Le Gouvernement n'est-il pas précisément cette grande administration sociale qui renfermé en elle ou de laquelle dépendent plus ou moins immédiatement toutes les autres, qui communique conséquemment à toutes l'impulsion et la vie?

On ne concevrait pas que la moins importante, que la plus petite de toutes les administrations particulières, qu'une société, de banque ou de commerce, par exemple, pût prospérer et être utilement administrée, s'il n'existait

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