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limiter, circonscrire son territoire; en défendre l'intégrité; favoriser l'accroissement de la population, et dans cette vue encourager l'agriculture, le commerce, les sciences et les arts, exclure l'oisiveté, exciter l'émulation, l'activité; organiser les forces militaires, former, entretenir, discipliner une armée de ligne; contracter des alliances, signer et faire exécuter les traités; assurer la liberté des mers; soutenir la guerre lorsqu'elle devient nécessaire, et même, dans ce cas, garantir les monumens religieux et les productions de l'industrie, du commerce et des arts; faire respecter la liberté, l'égalité, l'indépendance politiques....?

Sans Gouvernement, la société pourraitelle recevoir les étrangers, leur donner l'hospitalité, les protéger, garantir leur personne et leurs biens; en certaines circonstances leur accorder un refuge; à l'effet d'établir et de conserver des relations amicales et utiles de peuples à peuples, envoyer, recevoir des ambassadeurs et autres agens diplomatiques; prévenir les crimes et les délits individuels, même pendant le cours des hostilités; contenir les prisonniers de guerre, les nourrir, sub

y a

venir à leurs besoins les plus urgents; s'il lieu, réclamer et conserver des otages; admettre les transfuges et les surveiller....?

Toutes ces choses, sur lesquelles porte spécialement l'application des principes élémentaires du droit philosophique et moral, sont indispensables (nous l'avons reconnu dans la première partie de cet ouvrage) à l'existence de toute société, au bien-être général des peuples, à leur prospérité particulière et au bonheur individuel de tous les hommes.

Sans Gouvernement, il serait matériellement impossible de pourvoir à aucune de ces règles, de mettre en pratique aucun de ces principes; et par là il est évident pour le bon sens et la raison, que, sans Gouvernement, il est matériellement impossible que la société subsiste.

Aristote ne mettait que six choses au nombre de celles qu'il considérait comme nécessaire pour l'existence d'une cité, et sans lesquelles il disait qu'elle ne pouvait se conserver, savoir :

1o Des provisions pour la nourriture des habitans ;

2o Des vêtemens, habitations, et autres dépendances des arts et métiers ;

3o Des armes pour défendre la cité contre les ennemis et réprimer la hardiesse de ceux qui se montrent rebelles aux lois;

4o De l'argent, toujours nécessaire soit en paix, soit en guerre ;

5o Un culte public;

6° Enfin, l'administration de la justice (a). Mais, de toutes les choses omises dans cette énumération, la plus importante sans contredit, c'est le GOUVERNEMENT, compris dans le sens générique ou abstrait de cette expression: et de toutes les choses qu'il désigne, celle qui approche le plus de ce qu'il faut entendre par le Gouvernement dans l'acception générique de ce mot, c'est l'administration de la justice : toutefois l'administration de la justice n'est pas le Gouvernement; à proprement parler, elle n'en est réellement qu'une partie, une division administrer la justice, c'est faire quelque chose de moins que gouverner; 1° ce n'est pas faire des lois; 2° dans beaucoup

(a) Arist. Polit. lib. vII, cap vIII.

de circonstances l'action d'exécuter les lois ne rentre pas dans celle d'administrer la justice. Cependant le Gouvernement, dans l'acception générique du mot, comprend tout aussi bien, et peut-être même plus spécialement encore, l'action de faire des lois et celle de les exécuter que celle d'administrer la justice; et l'on et l'on peut incontestablement dire que, sans le Gouvernement dans toute l'étendue de l'acception de ce mot, aucune des choses désignées par Aristote comme indispensables à l'existence de la société, et de celles que l'on pourrait ajouter à sa nomenclature, ne serait de quelque utilité: car sans Gouvernement il ne saurait être fait usage de toutes ces choses.

Certainement, si les hommes et les sociétés n'étaient que de pures intelligences, la religion, la philosophie, la morale, suffiraient pour les unir et pour les gouverner; mais comme les hommes et les sociétés sont, au contraire, des êtres tout à-la-fois intelligens et corporels, il est physiquement et moralement impossible qu'ils soient unis et gouvernés par des vérités et par des lois des lois purement intellectuelles, philosophiques et mo

rales; il faut qu'il existe aussi entre eux des rapports physiques et matériels, qu'il n'est pas moins essentiel de bien connaître, afin de les respecter et de n'être pas exposé à substituer dans les bases et les détails de l'organisation sociale, une volonté bornée, vacillante, capricieuse et arbitraire, à la volonté sage, ferme, constante et immuable de la nature. Or, pour parvenir à la connaissance de ces divers rapports, ce qui importe, après avoir reconnu que la société est un état de choses naturel, et que le Gouvernement est luimême une chose nécessaire à l'existence de la société, c'est de se faire une idée juste et parfaitement exacte de ce que c'est que le Gouvernement. La solution de cette question est indispensable pour résoudre celles qu'il conviendra d'éclaircir par la suite, et nous allons en conséquence nous occuper immédiatement de son examen.

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