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peut encore être fortifié par une considération puissante.

Il est clair que ceux dont l'intérêt particulier, direct, et du moment, se trouve contrarié par les lois que l'intérêt général a dû dicter, sont d'autant moins disposés à se soumettre à l'exécution de ces lois que la puissance exécutive, plus divisée, est moins imposante à leurs yeux. Ils la redoutent et la respectent d'autant moins, qu'elle est aussi moins prompte, moins active.

Ici se rattache directement cette opinion de Fergusson: « Les Gouvernemens populaires sont de tous les Gouvernemens les plus exposés à manquer de vigueur dans l'exécution des mesures publiques » (a).

Enfin, nous invoquerons, mais seulement dans l'esprit et le but de ce qui précède, le sentiment du professeur Félice, et quelques autres passages de l'Esprit des Lois. «< Plusieurs têtes peuvent fournir plus d'expédiens qu'une seule; mais une seule résoudra mieux après

(a) Essai sur l'Histoire de la société civile, 3° part., chap. xvi, intitulé « De la liberté civile. »

avoir entendu les avis (a), et sur-tout fera mieux exécuter. Le conseil n'est rien sans l'exécution. Dans la monarchie elle suit le commandement avec la même promptitude que la flèche suit la volonté de celui qui l'a fait partir » (b).

- « Comme, dans un État libre, dit M. de Montesquieu, tout homme qui est censé avoir une ame libre, doit être gouverné par lui-même; il faudrait que le peuple en corps eût la puissance législative; mais, comme cela est impossible dans les grands États, et est sujet à beaucoup d'inconvéniens dans les peil faut que le peuple fasse par ses repré

tits,

(a) Mais quelle en sera la garantie, si la Constitution, lesLois fondamentales de l'Etat, laissent au prince la faculté de n'écouter que sa volonté particulière, d'agir contre l'expression manifestée de la volonté générale, et substituent ainsi le caprice et l'arbitraire à la justice et à l'utilité au moins présumées? Quels obstacles contre l'exécution ne seront pas alors à présentir; et quels inconvéniens à redouter comme devant infailliblement résulter de ces obstacles mêmes... ?

(b) Principes du Droit des Gens, 2o part, tom. vi, chap. 11, Rem. 41, pag. 207.

sentans tout ce qu'il ne peut faire par luimême.... (a).

<< La puissance exécutive doit être entre les mains d'un monarque (b); parce que cette partie du Gouvernement, qui a presque toujours besoin d'une action momentanée (c), est mieux administrée par un que par plusieurs; au lieu que ce qui dépend de la puissance législative est souvent mieux ordonné par plusieurs que par un seul ».

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Que s'il n'y avait point de monarque, et que la puissance exécutive fût confiée à un certain nombre de personnes tirées du Corps législatif, il n'y aurait point de liberté; parce

(a) Voy. ci-dessus, § 11, pag. 391 et suiv.

(b) Voy. sur le sens que M. de Montesquieu attache au mot de monarque et de monarchie, ci-desuss, pag. 118, note a de la pag. 116; et ci-après, tit. 11.

(c) L'action de la Puissance exécutive, doit être prompte et ferme, mais non pas momentanée, au moins dans le sens ordinaire et véritable de ce mot; elle est au contraire continuelle, permanente, de tous les instans, tandis que celle de la puissance législative n'est en effet que momentanée.

L'exécution d'une décision prise en un jour, peut être de tous les jours, et se continuer une année ou plus.

que les deux puissances seraient unies, les mêmes personnes ayant quelquefois, et pouvant toujours avoir part à l'une et à l'autre » (a).

Il dit encore, et nous pouvons citer aussi cet autre passage, quoiqu'à quelques égards, par anticipation: « Il y avait un grand vice dans la plupart des anciennes républiques; c'est que le peuple avait droit d'y prendre des résolutions actives, et qui demandent quelque exécution (b), chose dont il est entièrement incapable. Il ne doit entrer dans le Gouvernement, que pour choisir ses représentans, ce qui est très à sa portée. Car s'il y a peu de gens qui connaissent le degré précis de la capacité des hommes, chacun est pourtant capable de savoir, en général, si celui qu'il choisit est plus éclairé que la plupart des autres (c).

(a) Esprit des Lois, liv. xI, chap. vi, De la Constitution Anglaise. Voy. aussi ci-dessus, § 111, art. 1, pag. 507.

(b) M. de Montesquieu ne s'exprime pas ici avec assez de clarté car il nous semble que toutes les résolutions d'un Gouvernement demandent quelque exécution.

(c) Ceci a besoin d'un grand nombre de développemens, d'explications, qui se rattachent aux questions de détail,

<< Le Corps représentant ne doit pas être choisi non plus pour prendre quelque résolution active, chose qu'il ne ferait pas bien; mais pour faire des lois, ou pour voir si l'on a bien exécuté celles qu'il a faites, chose qu'il peut très-bien faire, et qu'il n'y a même que lui qui puisse bien faire » (a).

Jean-Jacques a aussi pensé que « le plus actif des Gouvernemens est celui d'un seul; et, s'il en a donné des raisons assez peu concluantes, quelques-unes de celles qui viennent d'être développées, lui ont paru, comme à M. de Montesquieu, comme à nous, de la plus grande vérité, d'une extrême évidence. « Tous les ressorts de la machine, dit-il, sont dans la même main; tout marche au même but, il n'y a pas de mouvemens opposés qui s'entredétruisent. >>

De ce principe, il induit même que « plus l'État s'agrandit, plus le Gouvernement doit se resserrer, tellement que le nombre des

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l'on trouvera dans le livre suivant, chap. 11, tit. 1,

(a) Esprit des Lois, liv. x1, chap. vi.

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