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pas faire et exécuter par eux-mêmes tout ce qu'ils ordonnent; ils sont dans la nécessité d'avoir au dessous d'eux des vicaires, des visirs, des pachas, des ministres, en un mot des agens intermédiaires, subordonnés et dépendans, pour transmettre leurs ordres et faire exécuter leur volonté, quelquefois peutêtre sage et constante, mais bien plus souvent en effet capricieuse et momentanée.

Mais c'est précisément parce que ces pouvoirs ou ces agens intermédiaires sont de leur nature subordonnés et dépendans, soit dans les monarchies, soit dans les Gouvernemens despotiques et olygarchiques, qu'il n'en peut résulter, ni dans les uns ni dans les autres, une garantie suffisante de l'observation des principes élémentaires du droit, des lois fondamentales de l'État, de la sagesse des résolutions momentanées demandées par les circonstances et par les intérêts journaliers de la société; et que l'on ne peut y trouver le caractère distinctif de la nature du Gouvernement monarchique.

On connaît trop aussi les dangers de l'aristocratie et de l'olygarchie on sait trop que

<«< l'Aristocratie doit avoir, ainsi que le dit M. de Montesquieu lui-même, un grand intérêt à conserver ses prérogatives odieuses par ellesmémes, et qui, dans un État libre, doivent toujours être en danger » (a): On n'oubliera pas que « l'extrême corruption, ainsi que dit encore M. de Montesquieu, est lorsque les nobles deviennent héréditaires » (b): on

(a) Esprit des Lois, liv. x1, chap. vi.'

le

(b) Ibid., liv. viii, chap. v, ayant pour titre : De la Corruption du Principe de l'Aristocratie.

Il est vrai que l'auteur de l'Esprit des Lois, semble appliquer cette judicieuse remarque plutôt à un Gouvernement purement aristocratique qu'à un principe d'aristocratie, admis dans un Gouvernement déja balancé; mais s'il eût voulu à cet égard établir une différence, n'aurait-il pas expliqué les motifs sur lesquels elle serait fondée ?

Au surplus, s'il existait en effet une différence que nous ne saurions apercevoir, quelle qu'elle fût, il n'en serait pas moins indubitable, qu'en droit et en équité, l'hérédité des emplois, des titres, des honneurs, de la noblesse, sera toujours une injustice et une absurdité; que, par conséquent, dans tous les Gouvernemens possibles, elle ne saurait être sans inconvéniens; que conséquemment aussi la morale, la saine politique, religion même, la réprouvent; que par-tout, même dans une Démocratie simple, il doit exister une noblesse de

la

n'oubliera pas non plus « le mépris qu'a toujours eu en effet pour le Gouvernement civil » (a). cette noblesse, pour la plus grande partie, venue dans une obscurité profonde, des siècles barbares jusqu'à nous on reconnaîtra parfaitement ses irascibilités (ce que ses apologistes mêmes ne veulent pas qu'on ignore) (b): on ne doutera plus sur-tout que cette noblesse ne peut manquer de former un Corps dangereux, même dans une véritable monarchie, pour le prince et pour l'État, si les institutions le favorisent encore, et lui supposent seulement une ombre d'existence et de réalité ; entre autres causes, par cela même que l'esprit d'exceptions, de privilèges, d'immunités et' de prérogatives contraires à l'intérêt gé

mérite, de distinction, d'honneur: mais que cette noblesse,
d'une part pour ne pas devenir illusoire, d'autre part
pour être sans inconvéniens, sans dangers, ne doit pas
former un Corps distinct et séparé dans l'Etat, et ne doit
pas être héréditaire. (Voy. ci-dessus, ire part., vol. 1,
2donghegh a
pag. 127 ét suiv!); tod's

(a) Esprit des Lois, liv. 11, chap. IV.

(b) Voy!" Voy:"entre autres les écrits de M. le vicomte de Chateaubriant, la Monarchie suivant la Charte, le Conservateur, etc., etc.

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néral et à l'intérêt vrai du prince lesquels sont essentiellement identiques, sera toujours inséparable de ce Corps, qu'il y subsistera conséquemment un esprit d'opposition (a) qui ne prendra pas sa source dans l'amour des principes et de l'équité, et que d'ailleurs, et dans aucun cas, ce n'est pas en un Corps semblable que le principe modérateur doit être placé pour qu'il puisse devenir utile, On demeurera donc convaincu que toute noblesse héréditaire, et persévérante dans ses vues, parviendra, avec le temps, et si la nature des institutions lui laisse quelque accès dans le Gouvernement, à réunir à ses titres les privilèges et prérogatives auxquels elle aurait été forcée de renoncer pour un temps, et dont elle aurait momentanément consenti à reconnaître l'injustice et le danger: on tiendra pour constant qu'une noblesse héréditaire et formant Corps distinct dans l'État, parviendra infailliblement à se soustraire à la loi générale, à se dispenser des devoirs de l'homme envers la

(a) Il n'est donc pas même vrai que « le pouvoir subordonné le plus naturel, soit celui de la noblesse, » Voy. ci-dessus, pag. 473.

société, devoirs qui non-seulement lui sont communs avec tous ses membres, mais qu'elle devrait même remplir avec plus de zèle, d'exactitude, de dévouement: on tiendra enfin pour incontestable qu'un Gouvernement monarchique qui ne participe que du Gouvernement d'un seul et de la nature de la démocratie, est de beaucoup plus parfait, plus conforme à la justice et à l'utilité, qu'un Gouvernement monarchique qui participe tout à-la-fois de la nature du Gouvernement d'un seul, de la démocratie et de l'aristocratie, Gouvernement dont (abstraction faite d'une complication nuisible) les élémens et les fins sont évidemment dans une opposition trop directe, pour que ces élémens puissent être long-temps combinés et réunis dans un même État sans troubles, sans désordres, et même sans révolutions.

On peut donc appliquer ici avec justesse ces réflexions d'un magistrat. «Les prétentions que la noblesse ancienne ne cesse de manifester, sont absolument incompatibles avec les principes de notre nouveau Gouvernement ; principes qui se sont aussi légitimement introduits

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