Images de page
PDF
ePub

<< 2. Mais si l'on veut s'attacher avec soin, continue encore GROTIUS, à faire une division exacte, où il n'y ait rien qui manque, ni rien de trop; il ne sera pas difficile de découvrir et d'articuler ce qui se rapporte au pouvoir civil (a). Voici, à mon avis, de quelle manière il faut s'y prendre.

«< 3. Celui qui gouverne l'État, le gouverne ou par lui-même, ou par autrui. Quand il gouverne par lui-même, il règle ou les affaires générales, ou les affaires particulières. Il règle les affaires générales, en faisant des lois ou les abrogeant, tant sur ce qui regarde la religion, autant qu'il a droit de s'en mêler, qu'en matière de choses profanes. C'est ce que ARISTOTE appelle la maîtresse science du Gouvernement (b).

« 4. Les affaires particulières sont ou direc

(a) Par cette expression Pouvoir civil que Grotius aussi emploie ici hors de lieu, on s'aperçoit facilement déja que cet auteur n'avait pas lui-même une idée bien exacte, et de la véritable définition du Droit civil, et du gouvernement considéré dans le sens abstrait le plus étendu.

(6) Τῆς δὲ περὶ πόλιν, ἡ μεν ὡς Αρχιτεκτονική φρόνησις, νομο ETI. Ethic. Nicomach. lib, vi, cap. vIII.

des

tement publiques, ou privées, mais considérées en tant qu'elles ont quelque rapport au bien public. Celles qui sont directement publiques, concernent ou certaines actions, comme quand on fait la paix, la guerre, traités, des alliances; ou certaines choses, comme quand il s'agit de lever des impôts, et d'exercer d'autres actes semblables : à quoi il faut rapporter le domaine éminent (a) qu'a l'État sur les citoyens et sur leurs biens, autant que le demande l'utilité publique. La manière de bien régler tout cela est renfermée, selon ARISTOTE, sous le nom général de politique, et sous un autre qui signifie l'art de délibérer (b). Les affaires privées sont ici les différens des particuliers, autant que le repos de la société demande qu'on les termine par autorité publique. C'est ce qu'ARISTOTE appelle la science de juger (c).

«<5. Ce qui se fait par autrui, se fait ou par

(a) Voy. ci-dessus, vol. 1, pag. 105; et GROTIUS, Droit de la Guerre et de la Paix, liv. 1, chap. 1, § VI.

(β) Η δὲ ( φρόνησις ), ὡς τὰ καθ ̓ ἕκαστα, τὸ κοινὸν ἔχει όνομα, πολιτική· ἄυτη δὲ πρακτικὴ, καὶ βουλευτική. Ethic. Nicomach. lib. vi, cap. VIII.

(c) Καὶ ταύτης ἡ μὲν βουλευτικὴ, ἡ δὲ δικαστική. Ibidem.

les magistrats, ou par d'autres ministres, tels que sont les ambassadeurs.

[ocr errors]

S. VII. 1. Voilà en quoi consiste la puissance civile, et celle dont les actes sont indépendans de tout autre pouvoir supérieur, en sorte qu'ils ne peuvent être annulés par aucune autre volonté humaine (a). Je dis , par aucune autre volonté humaine : car il faut excepter ici le Souverain lui – même, à qui il est libre de changer de volonté, aussi bien que celui qui succède à tous ses droits, et qui par conséquent a la même puissance, et non pas une autre.

<< 2. Or il y a deux sujets, dans lesquels la souveraineté réside, l'un commun, et l'autre propre : de même que le sujet commun de la vue est le corps humain, et le sujet propre, l'œil.

« 3. Le sujet commun dans lequel réside la souveraineté, c'est l'État, que nous avons dé

(a) BARBEYRAC sur tout ceci indique PUFENDORF, Droit de la Nat. et des Gens, liv. vII, chap. vi, pour servir de commentaire : et à l'égard de la définition que donne GROTius de la Puissance souveraine, il renvoie au traité de RABOD HERMAN SCHELIUS, De jure imperii, pag. 132 et seq.

fini ci-dessus (a) un corps parfait

« 6.

[ocr errors]
[ocr errors]

Mais le sujet propre où elle ré

side, c'est une ou plusieurs personnes, selon les lois et les coutumes de chaque nation: en un mot, le Souverain » (b).

Nous n'entreprendrons certainement pas d'analyser toutes ces idées confuses et mal ordonnées, pour en démontrer l'inexactitude et l'incohérence : nous écrivons pour des lecteurs intelligens, et il nous suffit de leur avoir rapporté littéralement ce passage, pour qu'ils en aient reconnu toute la nullité.

Grotius, en voulant rectifier les définitions des auteurs par lui invoqués, en voulant, comme il le dit, établir une division, où il n'y ait rien qui manque, ni rien de trop, confond tout, méconnaît le véritable sens des mots, n'explique rien, et, selon toute appan'a pas très-bien compris lui-même ce qu'il voulait exprimer.

rence,

M. de Montesquieu n'a pas entrepris de

(a) Voy. GROTIUS, Droit de la Guerre et de la Paix, liv. 1, chap. 1, § 14, num. 2.

(b) Traduction et Notes de Barbeyrac.

définir le Gouvernement considéré sous un

point de vue général, ou abstraction faite des diverses formes qu'on peut lui donner; nous voulons dire, qu'il définit, par exemple, ce qu'il entend par Gouvernement républicain, ce qu'il entend par Gouvernement monarchique, ce qu'il entend par Gouvernement despotique (a); mais nulle part il n'en donne une définition telle qu'elle puisse convenir et s'appliquer à toutes les formes de Gouvernement possibles.

On peut cependant apercevoir déja, et l'on concevra mieux par la suite, combien l'idée générale qui doit résulter de cette définition commune, donnée avec exactitude, est nécessaire pour l'intelligence de cette partie de la science, dont nous allons spécialement nous occuper.

Vattel dit, en plusieurs endroits de son traité du Droit des Gens, quelque chose d'un peu plus intelligible que ce qu'avait écrit Grotius.

(a) M. de Montesquieu, Esprit des Lois, liv. 11, ch. 1, semble ne considérer le Gouvernement que sous ces trois différentes formes; mais on voit, au chap. 111, et dans la suite de l'ouvrage, que sous la dénomination de Gouvernement républicain, il comprend la Démocratie et l'Aristocratie.

« PrécédentContinuer »