Images de page
PDF
ePub

les Thémistocles, les Aristides ont été proscrits (a). »

Nous ne ferons quant à présent qu'une seule observation sur ce passage dernier cité : Si le mal en général provient de l'abus du pouvoir souverain, c'est donc au pouvoir souverain que les constitutions, pour être efficaces et salutaires, doivent être inaccessibles. Aussi Blackstone dit-il encore, au sujet de la réunion de la puissance législative et de la puissance exécutive dans les mêmes mains, ce que M. de Montesquieu dit, ainsi que nous l'avons vu précédemment (6), de la réunion de ces deux puissances avec la puissance judiciaire.

Dans tous les gouvernemens tyranniques, la suprême magistrature, ou le double droit de faire des lois et de les faire exécuter, est attribuée à un seul et même homme, ou à un même corps; et par-tout où ces deux pouvoirs sont réunis, il ne peut y avoir de liberté publique. Le magistrat suprême (entendez le prince ou le souverain) peut alors faire des lois tyranniques, et en rendre l'exécution tyrannique, puisqu'en qualité de dispensateur de la justice, il a tout le pouvoir que, comme législateur, il juge à

monarchie gouvernement d'un seul et pour la véritable signification de ce mot, Voy. ci-dessus, pag. 18 et 19; et ci-après, tit. 11.

(a) Félice sur Burlamaqui, Principes du Droit de la Nat. et des Gens, tom. vi, 2o part., chap. 11, rem. 42. (b) Voy. ci-dessus, vol. iv, chap. 1, § 2, p. 91 et suiv.

propos de se donner à lui-même; mais lorsque le pouvoir législatif, et l'autorité exécutive, sont entre des mains différentes, le premier a soin de ne pas confier à l'autre une puissance assez étendue pour mettre en danger sa propre indépendance, et en même temps la liberté des sujets; c'est par cette raison qu'en Angleterre le pouvoir suprême est divisé en deux branches, l'une législative ou le parlement, composé du roi, des lords et des communes; l'autre exécutive, qui réside dans le roi seul (a). Suivant Burke, « La démocratie absolue n'est pas plus un gouvernement légitime que la monarchie absolue (6). » Un auteur que l'étude et le génie ont élevé à la hauteur de ces grands hommes, madame de Staël, dit : « Le fléau de l'espèce humaine, c'est le pouvoir absolu; et tous les gouvernemens français qui ont succédé à l'assemblée constituante, ont péri pour avoir cédé à cette amorce sous un prétexte ou sous un autre (c). »

(a) Commentaires sur les lois angl., t. 1, liv. 1, ch. II, Trad. de M. Chompré.

(b) OEuvres de Burke, vol. I, pag. 179.

(c) Considérations sur les princ. évèn. de la rév. fr., tom. 11, pag. 326.

1)

§ Ier.

PREMIER APERÇU.

SOMMAIRE. Sujet et division de ce paragraphe.

-

Inconvé

niens et dangers propres à chacun des Gouvernemens simples, par rapport au Gouvernement lui-même et à la Société toute entière, et résultant toujours de leur nature même, considérée sous le premier point de vue du caractère générique ou commun de leur simplicité.

Double intérêt de l'homme dans la société : ce qu'il faut en conclure.

« Summi enim sunt, homines tamen. »

propres à cha

vernemens sim

On conçoit que les Gouvernemens simples Inconvéniens pourraient exister, sans même qu'il en résultât cun des Goude graves inconvéniens, dans une société dont ples, et résulla population serait peu nombreuse et le ter-considérée étendu : car alors, si, par exemple,

ritoire

peu

tant de leur nature même,

sous le premier point de 9 vue du caractère générique

le Gouvernement était démocratique, tous les de leur sim

membres de la société pourraient se réunir, délibérer et agir en commun. Les intérêts et les objets d'administration seraient d'ailleurs peu compliqués, et le bien général serait toujours, d'une manière apparente pour tous, le plus grand intérêt de chacun. Si le Gouvernement, au contraire, était aristocratique, olygarchique, despotique, ou même théocratique, l'intérêt de ceux qui gouverneraient,

plicité.

se lierait, se confondrait encore avec l'intérêt général de la société. Cet intérêt serait toujours évident et sensible : ceux entre les mains de qui reposerait la souveraineté, pourraient le connaître par eux-mêmes; du moins la vérité les environnerait et les toucherait de si près, qu'on ne pourrait facilement la leur intercepter, en supposant (ce qui ne serait pas même présumable) que déja il existât des hommes assez dépravés, assez pervertis, et assez aveuglés sur la chose la plus nécessaire à leur propre bien-être, à leur sûreté, à leur tranquillité, pour entreprendre de voiler, d'obscurcir cette vérité, et d'induire en erreur le Gouvernement. C'est ici, et dans ce sens, qu'il est possible de faire une très-juste application de ce que dit Montesquieu. « La vertu dans une république est une chose très-simple; c'est l'amour de la république ( ou de la patrie ); c'est un sentiment, et non une suite de connaissances; le dernier homme de l'État ce sentiment comme le premier (a).

(a) (Esprit des Lois, liv. v, chap. 11.)

peut avoir

>>

Voy. aussi ci-dessus, ire part., liv. 1, p. 36 et p. 100. Et liv.

III, pag. 232.

Mais on conçoit aussi qu'il n'en peut plus ètre de même lorsqu'un peuple est devenu nombreux, et que les limites du territoire qu'il occupe ont été agrandies; on conçoit facilement que les inconvéniens et les dangers de tous les Gouvernemens simples deviennent alors très-nombreux, et se compliquent nécessairement sous une foule de rapports; et cela par des motifs résultant précisément de leur propre nature, considérée sous le premier point de vue du caractère générique et commun de leur simplicité.

Si, par exemple, le Gouvernement était, de sa nature, démocratique simple, tous les membres de la société, lesquels dans cette espèce de Gouvernement doivent y participer, ne pourraient cependant plus se réunir, délibérer et agir en commun; les intérêts et les détails d'administration seraient d'ailleurs plus compliqués, et le bien général ne serait plus aussi évident ni aussi sensible pour tous.

Si le Gouvernement, au contraire, était aristocratique, olygarchique, despotique ou même théocratique, simple, l'intérêt particulier de ceux entre les mains de qui se trou

« PrécédentContinuer »