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Ce contre-poids nuisait moins à la force du Gouvernement qu'il ne lui était utile. Il n'y a que les hommes irréfléchis, et qui ne savent juger des choses que sur quelques apparences extérieures et trompeuses, sans jamais approfondir leurs résultats et leurs conséquences même les plus prochaines, qui pourraient n'en pas juger ainsi; et Machiavel, quoiqu'il n'aperçoive guère lui-même que la superficie des

dans l'origine de son institution, aboli par Charles VI, fut plusieurs fois renouvelé par François Ier, Louis XII, Henri III, et bientôt après anéanti par les intrigues des courtisans, qui en firent un objet de spéculation.

«Le parlement, disent des écrivains judicieux, aurait fait, selon les apparences, tout ce qu'on attendait de lui, s'il eût continué à choisir lui-même ses membres; mais il perdit malheureusement cet avantage. Il n'y a que le peuple qui sache choisir ses magistrats intègres et courageux, et ce fut la Cour qui se chargea de ce choix. Il fallut apprendre à mendier la protection des grands, et elle fut plus utile que la probité et la connaissance des lois, pour parvenir à la magistrature. Il est certain que, sous le règne de Charles VIII, elle était déja l'objet d'un commerce secret. Les personnes puissantes de la Cour remplirent le parlement d'hommes qui avaient acheté, à prix d'argent ou par des bassesses, le droit de juger.... >> (MABLY et THOURET. Observations sur l'Histoire de France, liv. vII.)

choses, a cependant bien reconnu qu'en effet l'institution des parlemens fut autrefois l'une des principales sources de la force des monarchies en France (a).

Ce n'est pas, il est vrai, dans les Corps de la magistrature, que la balance, le contre-poids principal doit être placé, pour qu'il soit sans inconvénient et d'une entière utilité; mais encore vaudrait-il mieux qu'il fût placé là, que s'il n'était placé nulle part (b). « Les parlemens, disent les auteurs des Maximes du Droit public français, ont défendu la liberté par zèle, par devoir, par intérêt, quoiqu'ils ne fussent pas les représentans naturels et les délégués de la nation française... » (c) · - << Le parlement, disent encore les mêmes auteurs, a résisté en différentes occasions, avec beaucoup de courage, à la volonté des rois ; et malgré leurs ordres précis et répétés, il a refusé de véri

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(a) Voy. LE PRINCE, chap. XIX. — Discours, liv. 1, chap. xvi; liv. III, chap. 1.

III.

(b) Voy. ci-après, liv. 11, chap. 11, tit. 1.

(c) Tom. III, chap. iv, pag. 214, édit. in-12, 1775. Voy. aussi l'Introduction du même ouvrage.

fier et de publier les édits qu'il regardait comme oppressifs pour le peuple, ou contraires aux lois fondamentales du royaume (a).

La Rocheflavin rapporte que, depuis 1562 jusqu'en 1589, le parlement avait refusé de vérifier plus de cent édits des rois (b).

Linnæus a cité un grand nombre d'exemples de la vigueur et de la constance avec lesquelles les parlemens de France se sont opposés à la promulgation des lois qui leur paraissaient nuisibles (c).

Budé, maître des requêtes sous François Ier dans un ouvrage imprimé en 1535, et dédié au chancelier Gaunay, compare le parlement à l'Aréopage; et il ajoute : «< comme cette assemblée a la double fonction et de juger des affaires des particuliers et de coopérer à l'administration publique, le droit du parlement, dans la vérification des lois, répond encore à l'influence du sénat dans la publica

(a) Ibid. tom. IV, chap. v, sect. 11, ayant pour Forme de la législation sous la troisième race.

titre :

(6) LA ROCHEFLAVIN, Des parlemens de France, p. 935. (c) LINNOEUS, notitiæ regni Franciæ, lib. 1, chap. 1x, pag. 223 et rem. 39, pag. 354.

tion des réglemens qui s'appelaient Plébiscites: chez les Romains, l'homologation du sénat fut (quelque fois) nécessaire, et celle du parlement ne l'est pas moins aujourd'hui. C'est de l'aveu même de nos rois que les rescrits qu'ils publient, reçoivent leur force de la promulgation qu'en fait le parlement; ils se font gloire de soumettre leurs constitutions à sa cen(a).

sure »

Le même auteur, dans un autre ouvrage, appelle le parlement l'arbitre et le modérateur des édits et rescrits du monarque, parce que, dit-il, il ne doit les promulguer qu'en con

(a) (BUDÉ. Annotat. in Pandect. pag. 127.)

Cette double fonction du parlement, le Droit de juger et sa participation à l'exercice de la puissance législative, que semble approuver l'auteur cité, n'était rien moins qu'une confusion manifeste de la nature des choses et un bouleversement funeste, que le défaut d'une organisation sociale plus complète rendait peut-être nécessaire; mais dont les abus et les dangers étaient infinis,

C'est précisément en cela; c'est parce que le parlement excédait ainsi ses véritables attributions et sortait totalement des limites de la puissance judiciaire, qu'il en résultait de graves inconvéniens, qui heureusement aujourd'hui ne peuvent plus se renouveler.

naissance de cause, et qu'il est lié par ses sermens à ne point vérifier ceux qui seraient le fruit de l'inadvertence ou de l'obreption, ou qui s'écarteraient de l'équité et des lois anciennes » (a).

« Sous l'ancienne monarchie française, dit M. Necker, jamais un parlement, ni même une justice inférieure, n'aurait demandé le consentement du prince pour sévir contre une prévarication connue de la part d'un agent public, contre un abus manifeste du pouvoir; et un tribunal particulier, sous le nom de Cour des aides, était juge ordinaire des droits et

(a) (Ibid. Forensia, pag. 257; et Maximes du Droit pub. fr., chap. v., sect. 2.)

En 1647, le chancelier Séguier ayant fait adresser une lettre de cachet au parlement, pour lui ordonner de surseoir toute délibération au sujet d'un décret de l'inquisition, cette Cour, se conformant aux ordonnances, n'y eut aucun égard; et le jour même, 15 mai 1647, rendit un arrêt qui supprima le décret. (Voy. les mémoires de Talon, tom. iv, p. 31 et suiv., et pag. 384 et suiv. Voy. aussi les Maximes du Droit pub. fr., tom. 11, chap. 111, pag. 75.) On peut voir encore le portrait que MÉZERAI fait de cette Compagnie sous le règne de Charles VIII. (Abrégé de l'Histoire de France, t. vii, p. 81, édit. de 1717, in-12.)

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