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par degrés une position où il était fortement retranché, dans l'espérance de cerner les Prussiens, et marchait avec aussi peu de précaution, que s'il eût cru ceux-ci décidés à se laisser enfermer. Le roi contenait ses troupes et se contenait lui-même, pendant que le prince de Soubise côtoyait sa gauche. Il entendait résonner les clairons et les timballes des Français en signe de victoire. Enfin, à deux heures il sortit de cette immobilité fatigante. Il donna le signal d'abattre les tentes, et les Prussiens se présentèrent en ordre de bataille à leurs ennemis, qui marchaient presque au hasard. Frédéric manœuvra pour tourner ceux qui avaient voulu le tourner luimême. Sa cavalerie, sous les ordres de Seidlitz, se glissa, par des bas-fonds, derrière la cavalerie française, la chargea, la mit en fuite, et vint tomber sur des colonnes d'infanterie qui n'étaient point encore formées. Une manoeuvre que fit le prince Henri, frère du roi, augmenta le désordre de l'infanterie française, qui, se précipitant sur la gauche, se trouvait toujours plus débordée par le front des Prussiens. Soubise veut en vain rétablir le combat à l'aide de sa cavalerie; elle est écrasée à son tour. Il avait suffi, pour dissiper les troupes des cercles, de quelques volées

d'artillerie que leur avait envoyées le prince Ferdinand. La ballerie des Prussiens, établie sur une hauteur, écrasait les Français, qui ne pouvaient y répondre que par une inutile batterie établie dans un fond. Ils avaient une forte réserve sous les ordres du comte de Saint-Germain, qui ne parut que pour protéger la retraite. Celle inaction fut jugée depuis aussi suspecte que l'avait été celle du comte de Maillebois à Hastenbeck; mais il faut observer qu'ici la déroute avait été si prompte et si complète, qu'il était difficile d'arriver à temps pour soutenir les mouvemens désordonnés des généraux allemands et français. La nuit vint protéger leur retraite. Mais les corps étaient tellement dispersés, que cette journée honteuse coûta aux alliés plus de dix mille hommes, dont sept mille prisonniers. La perte des Prussiens fut à peine de cinq cents hommes tués ou blessés. Parmi ces derniers étaient les deux généraux qui avaient le mieux secondé les dispositions du roi de Prusse, le prince Henri et Seidlitz (a).

(a) Le prince Henri, non moins jaloux que son frère de l'estime, et l'on pourrait même dire de l'affection des Français, s'occupa de leur faire pardonner sa victoire par des soins nobles et délicats. Il consolait les prisonniers, vantait le courage que

Sept bataillons et quelques escadrons prussiens avaient remporté en une heure et demie cette victoire sur une armée de cinquantecinq mille combattans. Elle se retira par Freybourg, en tâchant de se rapprocher de celle du maréchal de Richelieu. Quelques officiers, tels que le marquis de Crillon, et deux ou trois régimens, firent seuls admirer leur courage au milieu de tout le vertige d'une terreur panique. Quelles que fussent à cette triste époque l'indiscipline des soldats et l'ineptie de leurs généraux, on peut croire que nos annales n'eussent point été souillées de cette incon

quelques-uns d'entre eux avaient montré. «< Ainsi le vit-on, dit l'auteur de sa vie, moins occupé de sa blessure que d'adoucir, par les soins les plus nobles, par les attentions les plus recherchées, la honte de la défaite et le malheur de la captivité. Il fit rendre les plus grands honneurs au marquis de Custine, of ficier-général français, qui mourut à Leipsick de ses blessures, et consacra même par un monument sa valeur et celle de sa nation. Informé de la pénurie d'un grand nombre d'officiers français prisonniers, il emprunta des négocians de Leipsick l'argent dont il manquait lui-même pour le leur distribuer; et ce qui était plus précieux encore pour des Français, comme touchant à leur honneur, il s'indigna qu'on leur eût ôté leurs épées, et ordonna qu'elles leur fussent rendues: c'est ainsi que le prince Henri se fit connaître des Français. »

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Frédéric relourue en Silésie.

1757.

cevable ignominie, si les Français eussent combattu sans alliés. Je n'ai pas craint de la rappeler avec quelques détails. La plaine de Rosback est voisine de celle d'Iéna.

Frédéric se hâta d'aller recueillir en Silésie les fruits de la journée de Rosback. Des revers éprouvés par ses généraux l'appelaient au secours de cette province qu'inondaient quatre-vingt mille Autrichiens victorieux. Ceux-ci, en s'emparant de Schweidnitz, s'étaient fait une place d'armes pour couvrir toutes leurs opérations. Ils menaçaient Breslaw. Frédéric ne perdit pas un moment pour conduire au secours de cette ville les vingt mille hommes d'élite qui venaient de disperser une armée formidable. Instruits de sa marche, les Autrichiens voulurent le prévenir. Le 22 Bataille de novembre ils attaquèrent le duc de Bévern, le battirent complètement, lui tuèrent dix mille hommes, et lui prirent quatre-vingts pièces de canon (a). Cette victoire les rendit maî

Beeslaw.

(a) Un des généraux les plus estimés et les plus chéris du roi de Prusse, Winterfeld, avait été tué dans une action particulière avant cette journée. La perte d'une bataille n'eût pas été plus sensible à Frédéric que celle de ce héros. Il lui fit depuis ériger une statue sur la place Guillaume à Berlin à côté de celle de Schwérin. Le duc de Bévern, privé du

tres de Breslaw. Le roi de Prusse n'arriva que pour recueillir les débris de cette armée. Les soldats ont à peine revu leur chef, que la confiance renaît dans leurs ames; ils demandent le combat. Mais on manque d'artillerie de campagne : comment engager une action sans le secours de cette arme que Frédéric a rendue si décisive dans les batailles? Il essaye d'y suppléer en faisant venir des pièces de siége qui étaient à Glogaw. Tout ce qu'il fait, tout ce qu'il propose paraît gigantesque à des officiers qui, malgré l'ardeur dont ils sont animés, opposent leurs vieilles règles aux combinaisons du génie. Il les rassemble autour de lui; il les prévient que, résolu de ne point laisser la Silésie au pou

secours de son intrépide et judicieux compagnon, commit diverses fautes qui firent le succès du prince de Lorraine. Il fut fait prisonnier le lendemain de la bataille. On croit qu'il se fit prendre pour se soustraire au ressentiment de Frédéric. Ce monarque était implacable, et quelquefois injuste. Toute la Prusse pleura le sort du prince Guillaume, qui, ayant reçu de son frère, après un échec assez léger, des reproches foudroyans, tomba dans une maladie de langueur, et parut désirer la mort. Le roi se repentit vivement d'avoir été dur envers un frère qu'il chérissait; mais ses soins et ses protestations affectueuses ne purent sauver le jeune prince:

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