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Prague.

et de la nécessité. Vers la fin du mois de mars Frédéric lève ses quartiers d'hiver, pourvoit avec soin à la défense de la Saxe, et plus faiblement à celle de la Poméranie et de la Prusse qui ne peuvent être attaquées que plus tard, et autour de lui l'élite de ses troupes et de ses généraux. Il semble se mettre à l'abri des fautes où pourrait l'entraîner trop d'ardeur, en confiant ses principales divisions à des guerriers aussi froids dans les conseils qu'intrépides dans les combats. Il se réjouit de voir que la cour de Vienne lui ait opposé pour cette campagne, le prince Charles de Lorraine qu'il a deux fois vaincu, Tous ses soldats partagent sa confiance. On entre en Bohême. L'avant-garde de l'armée autrichienne, sous le commandement de Koenigsegg, essaye en vain de défendre les défilés et la crête des montagnes, Frédéric, après l'avoir repoussée à chaque rencontre, pénètre jusqu'aux environs de Prague.

Tous les magasins de l'armée autrichienne Bataille de étaient dans cette ville. Le prince de Lor1757. raine ne pouvait se résoudre à les abandon6 maj. ner. Les deux armées se présentèrent l'une

à l'autre d'une manière si imposante, que le maréchal de Schwerin suppliait le roi de Prusse d'éviter la bataille, tandis que lė

maréchal Brown faisait les mêmes instances au princes Charles. Mais le roi, ainsi que le prince, s'indignèrent de ce conseil, et humilièrent un peu le général qui le leur avait donné. Schwérin et Brown résolurent de se venger d'une espèce d'affront par des prodiges de bravoure. La bataille se donna le 6 mai et fut vivement disputée. Malgré les savantes dispositions du roi de Prusse, les Autrichiens se défendaient par leur immobilité dans des postes excellens. Les Prussiens avaient été deux fois repoussés. Le roi fut obligé de substituer à un ordre de bataille trop méthodique, un autre qui laissait plus de place au courage. Le maréchal Schwérin conduit une nouvelle attaque et s'élance à la tête de son régiment, en tenant un drapeau à la main. Ce vieux guerrier, l'un des créateurs de l'armée prussienne, est tué dès le premier choc (a). Le général Man

(a) Schwérin était né dans la Pomeranie en 1683; ses talens militaires s'étaient perfectionnés auprès de Charles XII. Le roi de Prusse qui lui devait le gain inespéré de la bataille de Molwitz, et par conséquent tout ce qui commença sa gloire et sa puissance, lui fit élever, en 1769, une statue de marbre sur la place Guillaume à Berlin, et l'empereur Joseph II lui consacra un monument en 1783, sur le champ de bataille où il mourut.

teufel relève le drapeau que ce héros avait teint de son sang, et anime les Prussiens à le venger; les Autrichiens s'ébranlent; Brown qui voit leur désordre, se dévoue comme l'avait fait Schwérin, et reçoit une blessure mortelle (a). Ses soldats se troublent et l'armée autrichienne est enfoncée. Dans celte bataille de Prague, l'une des plus meurtrières du dix-huitième siècle, les Autrichiens perdirent vingt-quatre mille hommes, et les Prussiens dix-huit mille. De part et d'autre on eut à regretter grand nombre de vaillans officiers et de vieux soldats. Deux guerriers qui devaient se couvrir de gloire dans cette guerre de sept ans, l'un le prince Henri, frère du roi de Prusse, et l'autre le prince Ferdinand de Brunswick, signalèrent sous les yeux de ce monarque leurs talens et leur

bravoure.

Il fallait profiter d'une victoire aussi chèrement achetée. Frédéric crut que la fortune comblait tous ses voeux lorsqu'il vit le prince de Lorraine s'enfermer dans Prague avec quarante mille hommes qui lui restaient. La guerre de la succession d'Autriche avait

(a) Brown mourut à Prague le 26 juin 1757, à l'âge de cinquante-deux ans.

montré que cette place était un asile peu sûr. Mais de toutes les parties de la science militaire, Frédéric n'en avait négligé qu'une seule, l'art de conduire les siéges. Il n'avait pas assez de grosse artillerie et manquait surtout d'ingénieurs habiles. Le siége différait peu d'un simple blocus; mais quarante mille hommes devaient épuiser bientôt les provisions d'une ville assez peuplée, et la famine leur ferait subir les lois les plus dures. Cependant l'Autriche tenait en réserve une nouvelle armée de soixante mille combattans qui laissait au prince Charles l'espoir de sa délivrance; elle était sous les ordres du maréchal Daun, le plus habile, mais aussi le plus lent des généraux autrichiens. Le roi de Prusse s'estima heureux d'avoir à combattre cette seconde armée. Jamais un prix plus vaste n'avait été promis pour une nouvelle victoire. Toutes les forces de la monarchie autrichienne pouvaient être anéanties dès le commencement de la campagne; l'Autriche n'aurait plus que des milices dispersées pour se mettre à couvert d'une invasion, et Frédéric pouvait étouffer dans le palais de Vienne la ligue dont il avait trouvé la preuve et prévenu les projets dans le palais de Dresde. La perspective d'un triomphe aussi rapide et

Bataille de

Kolin.

1757.

19 juin.

aussi complet enflamma son courage; les jours d'Alexandre semblaient renaître pour lui. Daun ne montrait point d'empressement à venir délivrer quarante mille hommes assiégés dans une ville mal fortifiée. Frédéric s'ennuya de l'attendre et ne voulut pas lui laisser le temps d'aguerrir ses troupes, ni de se décider enfin à un parti courageux. Il marcha contre lui avec quarante mille hommes, le reste de son armée contenait le prince Charles. Daun reculait lentement; les lieutenans du roi de Prusse voyaient un stratagême dans cette retraite, il s'obstinait à ne l'attribuer qu'à la crainte. Daun s'arrêta lorsqu'il fut arrivé près du village de Kolin, dans un lieu où il pouvait déployer toutes ses forces. Le roi de Prusse fut frappé d'étonnement en voyant l'armée autrichienne distribuée d'une manière qui ne laissait aucun point faible, isolé ou dégarni. Daun avait fait un mélange savant de cavalerie et d'infanterie. Les plaines, les montagnes et les villages avaient reçu l'espèce de troupes qui convenait le mieux à leur défense. Frédéric, malgré les représentations de ses lieutenans, fut inébranlable dans le projet d'attaquer cette armée. Point de ressources pour lui s'il ne frappait un coup d'éclat. Un ennemi qui pre

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