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AUTTA, LENOX AND TILDEN FOUNDATIONS

DE

FRANCE,

PENDANT LE XVIII SIÈCLE.

LIVRE NEUVIÈME.

RÈGNE DE LOUIS XV: TABLEAU DES LETTRES, DES SCIENCES, DES MOEURS.

Il est temps de mêler au récit des événemens politiques du dix-huitième siècle un tableau qui peut seul expliquer les faits imposans et terribles, au milieu desquels il s'est terminé. Il faut parler de la direction ambitieuse que suivirent à cette époque les lettres et les sciences. L'histoire change ici d'aspect: des hommes qui ne semblaient appelés qu'à être les interprètes de ses jugemens, viennent

par degrés figurer sur son théâtre, et s'offrent tantôt comme des législateurs qui perfectionnent des lois établies, et tantôt comme des conquérans qui les bouleversent. Les philosophes du dix-huitième siècle sont jugés aujourd'hui d'après des événemens que la plupart d'entre eux n'ont point vus. Tandis qu'ils reposent dans la tombe, on invoque contre eux, ou à leur appui, soit le mal, soit le bien que chaque jour fait éclore. On veut tout lier à leurs hypothèses celles qu'ils n'ont exprimées qu'avec réserve, ou qu'ils ont seulement rajeunies; celles même qui ont été entre eux un long sujet de dispute, sont présentées, d'un côté, comme des découvertes dont le genre humain réclame la plus prompte application, et, de l'autre, comme des pensées séditieuses qui rompent toute société.

Ecoutez leurs partisans enthousiastes : c'était un conseil de sages, dans lequel la raison et l'amour du bien public mettaient toutes les pensées en harmonie. Ecoutez ceux qui les accusent: c'était une ligue de conspirateurs armés contre le trône, aussi bien que contre l'autel. L'histoire, soit qu'elle examine leurs différens systêmes, soit qu'elle interroge le caractère et les penchans de chacun

de ces écrivains, ne voit point entre eux cette unanimité prétendue, ou ne la voit que pendant un court intervalle. Jusqu'aux années qui suivirent le traité d'Aix-la-Chapelle, les philosophes ne paraissent point former un parti distinct. Voltaire, qui doit être leur chef, n'a trouvé que de faibles auxiliaires. Montesquieu s'élève à des pensées si haules, si justes et si fortes, qu'on ne peut le désigner comme le guide de turbulens novateurs. Mais les grands changemens qui se sont opérés dans les mœurs, font pressentir ceux qui vont s'opérer dans les opinions. Rien n'est encore attaqué violemment, mais tout commence à s'ébranler.

J'ai d'abord à présenter le tableau de ces premiers progrès de l'esprit philosophique. Je rassemblerai toutes les circonstances qui me paraissent y avoir concouru. Mais elles sont très-multipliées; il en est plusieurs que je serai forcé d'énoncer sans développement, d'autres dont je puis m'exagérer l'importance. Je ne cherche point à combiner les faits pour les plier à un systême; je m'applique seulement à les retracer dans l'ordre qui favorise le plus l'attention et les recherches des lecteurs. C'est un devoir, pour l'âge

offre deux

époques lit

téraires.

présent, de comparer et d'apprécier les deux siècles dont il a recueilli l'héritage littéraire. On le sent, on s'en occupe; je serais heureux d'offrir quelques matériaux à ceux dont la sagesse et le génie rempliront cette tâche difficile.

Tout avait tendu vers l'ordre pendant la Le règne plus belle partie du règne de Louis XIV. deLouis Le génie s'imposait des limites, la modestie se montrait presque inséparable de la gloire. Dans la littérature, l'autorité des anciens; dans les recherches métaphysiques et dans la morale, l'autorité des livres sacrés; dans la politique, l'autorité d'un roi admiré avec excès, mais avec sincérité, interdisaient à la pensée des sujets qu'elle n'examine point sans danger. Loin de se plaindre de ces entraves, on les chérissait. Le domaine qui restait à l'imagination paraissait assez étendu; une raison mûre et profonde aidait à le culPremière tiver. On n'exaltait point sans mesure l'art Éclat de la dans lequel on excellait. Personne ne croyait des avoir beaucoup fait par ses écrits pour le bonheur de la société, et ne soupçonnait même que la doctrine des sages pût avoir une grande influence sur le sort des nations. Les Français se reposaient, sur Louis XIV,

époque.

religion, du

trône

lettres et des

arts.

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