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société-mère au rang de la convention natio1793. nale. Il ajoute que la franchise de son caractère ne lui permit pas d'employer la flexibilité nécessaire pour se prêter à cette feinte; mais il convient qu'il fut inexcusable de s'être trop ouvert à eux dans la suite des conférences, en parlant sans ménagement de l'immoralité, de l'impudeur, de la mauvaise composition des jacobins, auxquels il attribuait tous les malheurs de la France.

Dumourier ne dit pas que, dans sa position embarrassante, il ne pouvait parler différemment aux émissaires de la société jacobine, sans donner de l'ombrage aux orléanistes, qui seuls le protégaient, et sans rendre absolument impossible le succès des mesures qu'il prenait alors, et qui exigeaient de sa part une conduite très-déliée.

Quelques précautions qu'il eût prises pour envelopper ses liaisons avec les généraux autrichiens dans les replis d'un mystère qui ne devait se dévoiler que par la plus vigoureuse explosion; et quel que fût le zèle avec lequel les cordeliers répondissent sur leurs têtes de son patriotisme, à la tribune des jacobins et même à celle de la convention, il s'élevait sur l'ensemble de sa conduite des nuages qui s'obscurcissaient tous les jours.

Proly, Pereyra et Dubuisson, de retour, se transportent à la société-mère, rapportent les

preuves matérielles qu'ils ont acquises de la trahison de Dumourier. Tous les yeux s'ou- AN 17 vrent sur le compte de ce général; les cordeliers sont réduits au silence, et le comité de défense générale de la convention crut devoir prendre des mesures pour s'assurer de la personne de Dumourier.

CHAPITRE XLIV.

Les commissaires de la convention chargés d'arrêter Dumourier sont arrêtés euxmêmes et livrés aux Autrichiens.

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Les commissaires de la convention près de l'armée du Nord, chargés de cette commission infiniment délicate, firent parvenir à Dumourier le billet suivant, daté de Lille, le 29 mars:

» Le général Dumourier est requis de se rendre aujourd'hui à Lille, maison du citoyen Mouquet, place du Lion-d'or, pour s'expliquer, avec les représentans du peuple, sur des inculpations graves qui lui sont faites, et sur lesquelles sa réponse personnelle est nécessaire, d'après les ordres précis de la convention. Le général Dumourier confiera le commandement de l'armée, pendant son absence, à l'officier général sous ses ordres, qu'il jugèra le plus capable de le remplacer.

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1793.

Il était bien dificile qu'un homme accoutumé aux affaires comme Dumourier, fût pris à un piège aussi grossier. Il répondit que, nécessaire à son armée, il ne pouvait un seul instant en abandonner la conduite en présence de l'ennemi, pour aller suivre un procès; que, si les commissaires voulaient se transporter à son quartier-général, il leur répondrait avec franchise; qu'au surplus, peut-être aurait-il un peu plus de loisir dans quelques jours, alors il viendrait dans Lille punir les lâches qui, après avoir abandonné leurs drapeaux pendant une bataille, calomniaient les défenseurs de la patrie et de la liberté.

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La ruse était inutile, il fallait avoir recours à la force. Un décret de la convention, du 30 mars mandait Dumourier à la barre pour rendre compte de sa conduite. Quatre conventionnels, Camus, Bancal, Quinette et Lamarque, accompagnés du ministre de la guerre Beurnonville, furent chargés de se rendre surle-champ à l'armée du Nord, pour mettre le décret à exécution.

Le quartier-général était depuis quelques jours aux Boues-Saint-Amant, lorsque le ministre de la guerre et les quatre commissaires de la convention y arrivèrent le 2 avril, sur les quatre heures du soir.

Camus, porteur de la parole pour la députation, présenta au général le décret. Le gé

néral, après en avoir pris lecture, le lui rendit, en observant que, sans blâmer une décision de l'assemblée nationale, il ne pouvait s'empêcher de juger ce décret inopportun dans un tems où l'armée, mécontente et presque désorganisée, avait besoin de la présence de son général pour éviter une dissolution funeste à la république. Il ajouta qu'il lisait dans ce décret, qu'en cas de refus d'obéir de la part du général, les commissaires avaient le droit de le suspendre de ses fonctions, et de confier à un autre le commandement de l'armée.

Sans doute, ajouta-t-il, lorsque la convention a choisi quatre de ses membres pour les revêtir d'une puissance dont l'exercice doit être aussi délicat que sévère, elle compte autant sur leur prudence que sur leur fermeté. Je ne refuse pas formellement d'obéir, mais je demande le tems qui m'est nécessaire pour mettre les frontières en sureté avant de quitter mon armée. Vous êtes sur les lieux, c'est à vous de juger ce que vous avez à faire; au surplus, j'offre ma démission.

Mais si nous acceptons votre démission, que ferez-vous ensuite ? — Ce qui me conviendra: ne croyez pas cependant que je me livre à votre tribunal révolutionnaire. Les autres députés, voulant éviter quelque explication trop vive, cherchaient à persuader au général qu'il n'était question dans le corps législatif

AN I.

1793.

Il publia une adresse à son armée, dans laquelle il disait : « Il est tems, soldats, d'accomplir votre vou. Nous avons juré de purger la France des assassins qui la déshonorent, et de rendre à notre patrie le repos qu'elle a perdu. C'est à nous de conserver la constitution que nous avons adoptée. Nous ne pouvons être libres que par de bonnes lois. »>

Il peint ensuite la cruauté de ceux qui gouvernaient la France. « Mais nous avons un point de ralliemeut pour étouffer le monstre de l'anarchie; nous resterons libres, nous recouvrerons notre gloire et notre constitution. » Il ajoute que les Autrichiens se sont engagés de ne point troubler sa noble entreprise de rendre la liberté à la France, et qu'il espère que son armée qui, dans tant d'occasions, lui avait donné les preuves les plus multipliées de sa confiance, ne l'abandonnerait pas dans cette crise salutaire.

Le prince de Cobourg appuyait l'adresse de Dumourier par une proclamation dans laquelle, après avoir fait l'éloge le plus pompeux du général français, il déclarait que l'empereur et le roi de Prusse, loin de se regarder comme les ennemis des Français, contribueraient de tout leur pouvoir à leur rendre un roi constitutionnel, et qu'ils s'engageaient solemnellement à ne conserver à la paix aucune conquête en France.

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