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rare; il adoucit le triste sort des esclaves; il fit défricher l'isle de Sainte-Lucie, et par-là il créa une colonie nouvelle.

Dans d'autres parties, en creusant des canaux il épura l'air, féconda la terre, fit naître des nouvelles richesses; et en même temps il pourvoyait à la sû reté et à l'embellissement de nos possessions.

Quelque temps après avoir été rappelé en France pour le mauvais état de sa santé il se dévoua à de nouveaux sacrifices, plutôt sollicités qu'exigés par un jeune monarque qui lui écrivit de sa propré main: «< Votre réputation seule me servira beaucoup « à Saint-Domingue. »

Le comte d'Ennery avait mérité une confiance si honorable en rendant an roi un des plus importants services, celui de fixer avec les Espagnols les limites des deux nations. Cet administrateur, qui faisait tant d'honneur à la France, ne put résister aux funestes influences de ce climat brûlant: sa perte fut úne calamité publique pour toutes nos colonies, qui s'empresserent de lui élever des monuments, et qui ne prononcent son nom qu'avec attendrissement et avec admiration.

Les Anglais, dont il avait acquis l'estime, et qui l'avaient souvent pris pour arbitre entre nos colonies et les leurs, avaient consacré le nom du comte d'Ennery par le plus juste et le plus flatteur de tous les éloges: « Cet homme ne fera ni ne souffrira ja« mais d'injustice. »

La récompense que reçut le duc de Choiseul pour tant de choses si grandes et si utiles qu'il avait faites paraîtrait bien étrange, si on ne connaissait S. DE LOUIS XV. 5.

II

les cours. Une femme le fit exiler lui et son cousin, le duc de Praslin, après les services qu'ils avaient rendus à l'état, et après que le duc de Choiseul eut conclu le mariage du dauphin, petit-fils de Louis XV, depuis roi de France, avec la fille de l'impératrice Marie-Thérese. C'était un grand exemple des vicissitudes de la fortune que ce ministre eût réussi à ce mariage peu d'années après que le maréchal de Belle-Isle eut armé une grande partie de l'Europe pour détrôner cette même impératrice, et qu'il n'eût réussi qu'à se faire prendre prisonnier. C'était une autre vicissitude, mais non pas surprenante, que le duc de Choiseul fût exilé.

Nous avons déja vu que Louis XV avait le malheur de trop regarder ses serviteurs comme des instruments qu'il pouvait briser à son gré. L'exil est une punition, et il n'y a que la loi qui doive punir: c'est sur-tout un très grand malheur pour un souverain de punir des hommes dont les fautes ne sont pas connues, dont les services le sont, et qui ont pour eux la voix publique, que n'ont pas toujours leurs maîtres.

CHAPITRE XLI.

De l'exil du parlement de Paris, etc. et de la mort de Louis XV.

Si les exils du duc de Choiseul, du duc de Praslin, du cardinal de Rernis, du comte d'Argenson, du garde des sceaux Machault, du comte de Mau

repas, du duc de la Rochefoucauld, du duc de Chàtillon, et de tant d'autres citoyens, n'avaient eu aucune cause légale, celui du parlement de Paris, et d'un grand nombre d'autres magistrats, parut au moins en avoir une. ›

Qui aurait dit que ce corps antique, qui venaît de détruire en France l'ordre des jésuites, éprouverait bientôt après, non seulement un exil rigoureux, mais serait détruit lui-même ? C'est une grande leçon aux hommes, si jamais les leçons peuvent servir.

Nous avons vu que sous Louis XIV le parlement ne fut point exilé après la guerre de la fronde; nous avons vu que les troubles de la fronde n'avaient commencé que par les oppositions de cette compagnie à une très mauvaise administration des finances, et que ces oppositions, d'abord légitimes dans leur principe, se tournerent bientôt en une révolte ouverte et en une guerre civile: nous avons vu que sous Louis XV il n'y eut ni guerre ui révolte; mais qu'une administration des finances, plus malheureuse encore, jointe aux ridicules de la bulle Unigenitus, occasionna les résistances opiniâtres du parlement aux ordres du roi. On sait qu'il fut cassé le 13 avril 1771; après quoi cette cour des pairs a été rétablie par le roi Louis XVI, avec quelques modifications nécessaires.

Un autre exemple de la fatalité qui gouverne le monde fut la mort de Louis XV. Il n'avait point profité de l'exemple de ceux qui avaient prévenu le danger mortel de la petite-vérole en se la donnant, et sur-tout du premier prince du sang, le duc d'Or

léans qui avait eu le courage de faire inoculer ses enfants. Cette méthode était très combattue en France, où la nation, toujours asservie à d'anciens préjugés, est presque toujours la derniere à recevoir les vérités et les usages utiles qui lui viennent des autres pays.

Sur la fin d'avril 1774, le roi allant à la chasse, rencontre le convoi d'une personne qu'on portait en terre: la curiosité naturelle qu'il avoit pour les ehoses lugubres le fait approcher du cercueil; il demande qui on va enterrer; on lui dit que c'est une jeune fille morte de la petite-vérole: dès ce moment il est frappé à mort sans s'en appercevoir.

Deux jours après, son chirurgien dentiste, en examinant ses gencives, y trouve un caractere qui annonce une maladie dangereuse; il en avertit un homme attaché au roi : sa remarque est négligée; la petite-vérole la plus funeste se déclare. Plusieurs de ses officiers sont attaqués de la même maladie, soit en le soignant, soit en s'approchant de son lit, et en meurent; trois princesses, ses filles, que leur tendresse et leur courage retiennent auprès de lui, recoivent les germes du poison qui dévore leur pere, et éprouvent bientôt le même mal et le même danger, dont heureusement elles réchapperent.

Louis XV meurt la nuit du 10 de mai; on couvre son corps de chaux, et on l'emporte sans aucune cérémonie à Saint-Denis auprès du caveau de ses

peres.

L'histoire n'omettra point que le roi, son petitfils, le comte de provence et le comte d'Artois, freres de Louis XVI, tous trois dans une grande

jeunesse, apprirent aux Français, en se faisant inoculer, qu'il faut braver le danger pour éviter la mort. La nation fut touchée et instruite. Tout ce que Louis XVI fit depuis, jusqu'à la fin de 1774, le rendit encore plus cher à toute la France.

CHAPITRE XLII.

Des lois.

Les esprits s'éclairerent dans le siecle de Louis XIV et dans le suivant plus que dans tous les siecles précédents. On a vu combien les arts et les lettres s'étaient perfectionnés la nation ouvrit les yeux sur les lois, ce qui n'était point encore arrivé. Louis XIV avait signalé son regne par un code qui manquait à la France; mais ce code regardait plutôt l'uniformité de la procédure que le fond des lois, qui devait être commun à toutes les provinces, uniforme, invariable, et n'avoir rien d'arbitraire. La jurisprudence criminelle parut sur-tout tenir encore un peu de l'ancienne barbarie; elle fut dirigée plutôt pour trouver des coupables que pour sauver des innocents. C'est une gloire éternelle pour le président de Lamoignon, 'de s'être souvent opposé dans la rédaction de l'ordonnance à la ernauté des procédures; mais sa voix, qui était celle de l'humanité, fut étouffée parila voix de Pussort et des autres commissaires, qui fut celle de la rigueur.

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Les hommes les plus instruits, dans hos derniers temps, ont senti le besoin d'adoneir nos lois

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